
il y a eu plusieurs jours hors du temps à wight dans l’île
un festival pas très original mais avec quelques beaux moments
sur la plage
en danse nue
en offrande de fertilité
et surtout un matin
le premier matin du monde offert par melanie
la tendre et rauque melanie
fragile entre les brumes
forte du soleil levant jusqu’à la mer
melanie inoubliable
de beauté et d’étrangeté
il y avait mon petit frère bruno
bruno merveilleux qui en fin d’après-midi parcourait la colline à la recherche de bois sec pour le feu du soir où il tentait de faire cuire des boîtes de beans et de spaghetti en se brûlant les doigts

et le cartable en vinyle jaune du journal trimballé partout
enfin dans ce festival il n’y avait pas dylan
dylan je le cherchais partout
je l’avais trouvé à londres dans le film de pennbaker don’t look back sur sa tournée en 1965 en angleterre
je l’avais trouvé à wight dans son livre non publié et non publiable tarentula
dylan que je rêvais un an trop tard
dylan me faisait divaguer
en écoutant leonard cohen je désespérais des réminiscences que le cher michel lancelot avait gravées dans mon cœur sur europe un dans campus lors du festival 69
joan baez se répétait
jimi hendrix n’était pas dans son état normal
devait pas être assez camé j’ai dit
je ne savais pas encore que trois semaines plus tard il allait terminer de se camer et mourir à saint mary abotts hospital
là même où j’avais dû aller consulter pour mon asthme la veille du festival
ça aurait pu être beau wight
si seulement ça avait été plus propre
mieux organisé
et surtout si on avait moins parlé de fric
de la colline c’était indéniablement beau
on avait aussi retrouvé gabriel notre cousin et son joli copain dans la tente juste à côté de l’endroit où nous nous étions installés sans le savoir
le dernier matin malgré la force la fougue et la flamme de richie heavens on avait envie de se barrer
de ne plus revenir
de sortir de la crasse surtout
on avait envie d’oublier que dylan n’était pas là
on avait besoin d’oublier les tôles concentrationnaires
et de garder au cœur la fragrante étrangeté de melanie
seule en scène avec sa guitare
émergeant de la nuit
rien que pour ça je ne regrettais pas d’être venue à wight
Gaelle Kermen
Paris 10 septembre 1970
Bientôt in Clandestine 70
Kerantorec, le 10 septembre 2020
En souvenir de Bruno le Doze (10 novembre 1957-10 septembre 1970)