50 ans après Mai 68 #1 : l’illégitimité du régime

 

Illégitimité de l’élection présidentielle de 2017

50 ans plus tard, comment se reconnaître dans Daniel Cohn-Bendit ou Romain Goupil, devenus des soutiens d’Emmanuel Macron, qui ne sera jamais mon Président ? Son apparente innocence ne m’a pas abusée et mon intuition ne m’a jamais trompée.

La dernière Une du Libération sorti le samedi matin, la veille du premier tour, alors que la campagne était terminée depuis minuit, nous donnait une injonction : « Faites ce que vous voulez, mais votez Macron »

Cette Une de Libé à elle seule discrédite la légitimité du résultat.

Personnellement, il m’était impossible de me laisser dicter un choix de vote. Par essence, on n’est plus en démocratie quand un vote est imposé à une population.

Le samedi après-midi, toujours en dehors de la campagne électorale, les contribuables gagnant plus de 2 500 euros ont été contactés par téléphone avec un message de Macron les invitant à voter pour lui. C’était le cas de l’amie romancière qui était avec moi le jour du vote. Rien que ce message aurait dû invalider l’élection présidentielle. Surtout si l’on peut supposer que le ministre de l’Économie Macron avait utilisé les ressources de son cabinet pour préparer sa campagne présidentielle, autre cause d’invalidation de l’élection, avec bien d’autres exactions pour l’instant couvertes par les différents organismes officiels. Le régime actuel aura des comptes à rendre et ils seront sévères.

Lors du résultat du premier tour, nous étions devant l’écran de mon ordinateur sur une chaîne publique lorsque nous avons vu le Premier communiant des années 50 prendre le pouvoir en direct. Nous n’oublierons pas de sitôt le regard qu’il a lancé. Son regard de serpent basilic, menaçant, balayant la salle, n’augurait rien de bon.

Quinze jours plus tard, nous étions encore ensemble quand le résultat lui donnait 64% des voix après le calcul réducteur ne tenant pas compte des douze millions d’abstentions ni des six millions de votes blancs ou nuls. En fait, le président était élu par 17% de la population votante, loin du résultat final publié, lui ôtant toute légitimité pour un futur programme. Surtout quand on calcule que le total des abstentions et des votes blancs ou nuls était plus élevé que les votes Macron !

Nous venions donc d’apprendre qu’il était élu avec 64 % des voix. Soudain, l’homme s’est figé. Sous nos yeux, il s’est transfiguré en commençant son allocution. On aurait dit un robot débitant un discours d’automate. Il venait de se transformer en une poupée Barbie, disons Ken, dont la voix aurait été enregistrée sur cassette.

Que se passait-il ? Nous nous regardions.

Soudain, j’ai compris. Le Premier communiant des années 50 lisait son texte sur un prompteur.

Comment faire confiance à quelqu’un qui a besoin d’une plume pour écrire ses discours ? On est loin d’un général De Gaulle ou d’un Mitterrand depuis que les politiques ont besoin de plumes ou de nègres comme on disait avant.

Et là, j’ai regretté Mélenchon et ses magnifiques discours salvateurs, rafraîchissants comme des eaux vives, que j’avais suivis pendant toute la campagne présidentielle avec passion. Ah ! qu’il aurait été beau le premier discours de Mélenchon, élu Président ! Lui n’a pas besoin qu’on lui écrive son texte sur un prompteur pour avoir des idées. Lui sait galvaniser son public. Lui sait parler à nos cœurs fatigués et réveiller le meilleur de nous-mêmes.

Le meilleur de moi-même, il me l’a fait comprendre au fil de la campagne et il continue à le révéler avec ses camarades de la France insoumise à l’Assemblée nationale enfin sortie de sa torpeur acceptée. Le meilleur de moi-même, c’est l’écriture et je la révèle enfin après soixante-dix ans. Grâce à Mélenchon !

Les élections sont illégitimes. Je ne croirai jamais qu’un candidat qui n’avait pas de programme et ne remplissait pas ses salles à plus de trois ou quatre milliers de participants puisse avoir remporté plus de suffrages qu’un candidat dont le programme était prêt depuis des mois (L’Avenir en commun) et dont nous suivions les discours avec enthousiasme dans des salles archi pleines, sur Facebook et YouTube à plusieurs centaines de milliers de vues.

Les médias ont justifié le vote de Macron par le risque lepeniste d’extrême droite. Ils l’ont fait en manipulant l’opinion de la façon la plus basse possible.

Autrefois, en fac de droit, on nous disait qu’il suffisait de lire le journal Le Monde tous les jours pour avoir nos examens. Ce ne doit plus être le cas. Même Le Monde a baissé en qualité et surtout en neutralité. Quant à Libération créé après Mai 68, il est devenu la propriété d’organes de presse achetés par des milliardaires, qui assoient ainsi leur pouvoir, mais ne sont pas là pour informer le peuple. La presse traditionnelle n’est plus fiable et c’est un drame pour la démocratie.

On ne crée le buzz sur les réseaux qu’en commentant des phrases sorties de leur contexte et leur faisant dire toute autre chose. Les journalistes, ou plutôt les animateurs, ont passé leur temps à imposer une pensée unique, peu démocratique : il fallait élire Macron pour barrer la route à Marine le Pen.

Un an plus tard, on voit où cela nous a menés. La situation est bien pire que celle que Marine le Pen aurait pu mettre en pratique. En prime, nous avons Fillon ! Au secours !

Nous avons laissé se recomposer le système des castes du régime hindouiste ou de l’ancien régime. Pour quelques brahmanes protégés, nous sommes devenus des millions d’intouchables. Pour quelques seigneurs, nous sommes redevenus des serfs corvéables à merci. Il est temps de refaire la Révolution !

Je suis effrayée par la violence ambiante

Lors de la campagne présidentielle de 2017, la violence des médias s’est révélée d’une cruauté terrible envers Mélenchon. J’ai vu des déferlements de haine se propager par des scènes médiatiques relayées sur Twitter et Facebook, mes sources d’information principales, qui ne me donnaient pas envie de passer mon temps devant les émissions télévisées concernées. Après en avoir regardé quelques-unes en direct, je suis sortie de là dégoûtée, nauséeuse et inquiète pour l’équilibre de Mélenchon.

Je ne faisais jamais la même interprétation des discours de Mélenchon que les « experts » médiatiques. J’avais l’avantage de les regarder intégralement, je ne me contentais pas d’extraits sortis du contexte pour trouver la petite phrase qui fait le buzz. Je n’échangeais pas des brèves de comptoir au Café du commerce.

Lors de la campagne présidentielle de Mélenchon, j’écoutais tous ses discours, j’organisais mes emplois du temps en fonction de ses déplacements, puis je partageais mon enthousiasme avec quelques personnes et quelques groupes. Je me sentais de nouveau de quelque part. Je reprenais confiance en la Res Publica. Enfin ! Après des décennies de décalage avec un monde où je devenais une autiste sociale, je retrouvais enfin ma dignité de femme pensante.

Ses discours, traitant chaque fois d’une thématique, mériteraient le prix Nobel de Littérature. Maintenant que mon cher Bob Dylan, que j’appelais déjà en 1966 le « Shakespeare de notre époque », a obtenu ce prix ultime, je me prends à rêver que Mélenchon l’obtienne à son tour. Winston Churchill l’a eu pour ses discours de guerre, Mélenchon peut y prétendre pour ses discours de campagne.

La violence qui s’abat sur lui en déformant ses propos est indigne. Chaque insulte faite à Mélenchon m’atteint et me blesse personnellement. Je suis malheureuse pour lui. J’espère qu’il n’est pas seul et qu’on prend soin de lui. Sa personne m’est précieuse comme le serait celle de mon papa s’il était encore là. Et comme mon papa n’est plus là, je fais en toute conscience un transfert sur Mélenchon. Même s’il a l’âge de mon petit frère Philibert ! Parce qu’il a la culture et la pédagogie qu’avait mon père et que l’écoute de ses discours a comblé un grand vide.

Je préfère être rêveuse que venimeuse

Ça pourrait m’être un slogan.

Plutôt naïve et rêveuse qu’aigrie et venimeuse.

Je ne regarde plus la télé depuis 1996, en fait depuis que je suis sur Internet. Mais il m’arrive sur Twitter ou Facebook de voir des « morceaux choisis » de ce monde vociférant et haineux.

Je sens que Mai 68 va encore faire débat cette année. Et cela pourrait m’empêcher de finir ce livre, tant j’ai horreur de la polémique et des insultes basses par petites phrases interposées, relayées par médias ou réseaux.

Mais une visiteuse m’a rappelé récemment que mes cahiers donnaient bien l’ambiance des époques traversées, qu’on avait besoin de replacer les choses vécues dans leur contexte et qu’elle, avec d’autres, attendait la suite de mes écrits des cinq dernières décennies.

Alors, je fais ce travail. Je ne vais pas laisser la parole aux grandes gueules des anciens gauchistes devenus macronistes. Je préfère être restée une rêveuse de Mai qu’être devenue une venimeuse de Mai, comme le sont devenus les leaders historiques qui ne nous représentent plus, comme le sont les censeurs du clavier sur l’Internet qui se sentent impunis, comme le sont les experts médiatiques qui se croient tout permis.

Les hontes de la République

En un an de règne quasi monarchique, puisque la séparation des pouvoirs n’existe plus, alors que c’est le fondement même de notre république, la situation est devenue inhumaine partout et dans tous les domaines que l’on croyait auparavant garantis par l’état.

Dans les maisons de retraite, qu’on appelle maintenant Ehpad (Établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes) et dans les Hôpitaux, les moyens manquent depuis qu’on privilégie les résultats économiques au détriment des résultats humains.

Les retraités qui ont travaillé et cotisé toute leur vie dans des conditions difficiles doivent encore se priver alors qu’ils ont fait de longues semaines de travail. Les 40 heures de travail sont un des acquis de Mai 68 demandées depuis le Front populaire de 1936. Avant, on travaillait 48 heures et on n’avait pas de congés payés.

Le Droit du travail, bien dégradé depuis Sarkozy, a volé en éclat depuis l’élection du Premier communiant des années 50.

Toutes les garanties sur lesquelles nous pouvions compter depuis la fin de la guerre, grâce au Conseil National de la Résistance, sont remises en question, celles qui nous donnaient confiance en l’avenir, celles qui faisaient rayonner la France dans le monde entier, par les droits de l’homme et du citoyen hérités des philosophes des Lumières, mis en déclaration et en œuvre par la Révolution française. Toutes les garanties de base de notre vie sont foulées au pied, méprisées, au profit de la rentabilité économique et de la concurrence.

L’inhumanité envers les migrants comme envers les familles sans domicile fixe m’a souvent empêchée de dormir cet hiver, alors même que je pouvais, après des années matériellement difficiles, enfin me réjouir de quelque confort dans ma vie ou simplement du bonheur d’être à l’abri quelque part. Penser aux gens sous les tentes me réveillait la nuit.

La précarité s’est généralisée. Ce régime s’attaque aux plus fragiles pour conforter les plus forts. « Prendre aux pauvres pour donner aux riches » est la devise d’un Robin des bourges, selon un des slogans de 2018.

Combien de temps allons-nous endurer cet état de fait  ?

Gaelle Kermen

Kerantorec, écrit en avril 2018, publié sur ce blog le 20 janvier 2019

Extrait de Des pavés à la plage Mai 68 vu par une jeune fille de la Sorbonne, disponible en tous formats numérique et sur broché en impression à la demande (deux formats : normal et grands caractères)

Mon bilan de Mai 68 pour comprendre le mouvement des Gilets jaunes 1 : qu’est devenu Bablon?
Mon bilan de Mai 68 pour comprendre les Gilets jaunes 2 : l’échec de Mai 68
50 ans après Mai 68 #1 : l’illégitimité du régime
50 ans après Mai 68 #2 : le réussir en 2018
50 ans après Mai 68 #3 Vive Mai 2018
50 ans après Mai 68 #4 Changer la vie

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gk-giletjauneGaelle Kermen est l’auteur des guides pratiques Scrivener plus simple, le guide francophone pour Mac, Windows, iOS et Scrivener 3, publiés sur toutes les plateformes numériques.

Diariste, elle publie les cahiers tenus depuis son arrivée à Paris, en septembre 1960. Publications 2018 : Journal 60 et Des Pavés à la plage Mai 68 vu par une jeune fille de la Sorbonne.

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