Extraits du carnet de voyage du mois d’août 1970 tenu par Gaelle Kermen au cours du Festival Isle of Wight 1970 à paraître dans les cahiers 1970. Photos de Jacques Morpain.
Personnages : Gaelle Kermen, étudiante à la fac de Vincennes Paris-8, diariste, 24 ans,
son petit frère Bruno, 12 ans
son cousin Jacques Morpain, étudiant à la fac de Paris-Dauphine, photographe, 23 ans
Texte de Gaelle Kermen (1970) Photographies de Jacques Morpain (1970)
Tout a été pris sur le vif, sans censure, tel que le festival a été vécu, en direct.
île de wight dimanche 30 août 1970 midi sur la plage
dimanche midi sur la plage
comme il ne se passe plus rien on descend vers la plage de l’autre côté de la colline là aussi pour descendre la falaise c’est la queue anglaise bien tranquille sauf pour les hells angels qui sautent dangereusement
nous descendons par un chemin escarpé
en bas c’est la foule comme une grande migration venue des collines les hillbillies descendent
beaucoup sont nus les inhibitions s’annihilent
une danse effrénée commence en rite primitif appels sur l’eau rythmés par les mains frappés ou des galets entrechoqués peace peace peace les mains lancent l’eau vers le ciel en prière de fécondité quelque chose de très beau quelque chose de très grand
à bout de forces le groupe qui était devenu immense se dissipe
un peu plus loin sur la plage une fille et un type dansent nus rythme des mains autour d’eux
beaucoup de photographes enfin quelque chose de folklorique à prendre
tout à l’heure un type s’est baigné en même temps que moi il s’est assis ensuite derrière nous ils étaient français je croyais qu’ils nous avaient entendu parler français nous aussi je l’ai entendu dire je voudrais prendre une photo d’elle mais ça m’ennuie de la prendre à son insu dans cette position son copain lui dit demande lui
ils se sont levés le jeune type barbu qui s’était baigné en même temps que moi s’est approché excuse me please may i j’ai dit je suis française ah bon alors est-ce que je peux vous prendre en photo oui de toutes façons je suis myope
très ému il m’a photographiée très timide il a dit merci
après le voisin de jakez un français aussi lui a demandé s’il pouvait photographier sa femme
et puis après les gens ne demandaient même plus c’était la mitraille
c’était magnifique cette offrande des corps au soleil et à la mer au pied des falaises de wight peut-être un des plus beaux moments à conserver au cœur avec ce matin la voix étrange de mélanie éveillant la colline et la campagne rien que pour ça ça valait le coup de venir à wight
Crédit photos : Jacques Morpain 1970 en mémoire de Bruno le Doze (10/11/1957-10/09/1997) page hommage 1997 ACD Carpe Diem 2017
Extraits du carnet de voyage du mois d’août 1970 tenu par Gaelle Kermen au cours du Festival Isle of Wight 1970 à paraître dans les cahiers 1970. Photos inédites de Jacques Morpain.
Personnages Gaelle Kermen, étudiante à la fac de Vincennes Paris-8, diariste, 24 ans,
son petit frère Bruno, 12 ans
son cousin Jacques Morpain, étudiant à la fac de Paris-Dauphine, photographe, 23 ans
Texte de Gaelle Kermen (1970) Photographies de Jacques Morpain (1970)
Tout a été pris sur le vif, sans censure, tel que le festival a été vécu, en direct.
île de wight dimanche 30 août 1970 matinée
vers dix heures les barricades sont attaquées juste au pied de notre colline entre les deux barricades les flics attendent avec les chiens une brèche se fait des deux côtés sur une musique de richie heavens qui souhaite good morning in the sunshine
10h15 attaque des chiens dans la grande brèche sur musique toujours pleine d’humour it’s a lazy day trois minutes avant des messages en français proclamaient ce n’est qu’un début très impressionnante cette attaque des chiens avec des échanges de coups rythmés de loin en loin par les chocs des tôles qui tombaient et un disque très caustique de mélanie encore
c’est l’attaque de l’univers concentrationnaire
10h30 il y a six chiens pas plus
un type traverse le passage entre les deux palissades au milieu il se retourne avec naturel et fait signe aux autres ça y est c’est gagné ils passent tout le monde passe ce n’est qu’un début continuons le combat
les chiens aboient toujours des mecs de l’autre côté de l’arène essaient de remettre les palissades mais en vain les contestataires entrent dans l’enceinte
au micro un type parle en français car bien sûr les français sont tenus comme responsables des troubles les français aidés des hells angels bien sûr
et aussi des anarchistes algériens il paraît
mais où vont-ils chercher ça
le type donc nous fait savoir que les organisateurs prétendent avoir un déficit de 90 millions de livres ce qu’il aurait aimé pouvoir vérifier pour lui le problème est que 200 000 jeunes sont venus ici à wight sans argent pour la plupart en stop dormant par terre pour voir des types qui touchent une fortune pour faire les pitres devant nous la question est de savoir pourquoi ils demandent de telles sommes tout en se prétendant pour la paix la liberté et l’amour
il se proposait de le leur demander quand il a été coupé place à la musique
il semble que les français soient d’accord avec lui ça rejoint ce que nous disait hier soir le journaliste qui nous a interviewés les anglais n’ont pas conscience d’être récupérés ils acceptent de payer 3 livres parce que les types qui chantent se font payer des millions alors que les français refusent de payer 3 livres parce qu’ils n’admettent pas que les chanteurs soient payés des millions
de même les anglais ne se sentent pas brimés par les palissades de tôle qui pour les français rappellent l’univers concentrationnaire et ils pensent tout de suite à changer l’état des choses
qui a raison les jeunes anglais semblent choqués par les incidents quelqu’un dit que ce qui est arrivé ces dernières heures is really disgusting
Texte de Gaelle Kermen – Crédit photos : Jacques Morpain 1970 en mémoire de Bruno le Doze (10/11/1957-10/09/1997) page hommage 1997 ACD Carpe Diem 2017
Extraits du carnet de voyage du mois d’août 1970 tenu par Gaelle Kermen au cours du Festival Isle of Wight 1970 à paraître dans les cahiers 1970. Photographies de Jacques Morpain.
Personnages : Gaelle Kermen, étudiante à la fac de Vincennes Paris-8, diariste, 24 ans,
son petit frère Bruno, 12 ans
son cousin Jacques Morpain, étudiant à la fac de Paris-Dauphine, photographe, 23 ans
Texte de Gaelle Kermen (1970) Photographies de Jacques Morpain (1970)
Tout a été pris sur le vif, sans censure, tel que le festival a été vécu, en direct.
île de wight dimanche 30 août 1970 au matin
vers 6 heures je suis éveillée par cette voix étrange qui dissipe rauquement les brouillards sur la colline sur la campagne sur la mer c’est mélanie la petite mélanie seule en scène avec juste une guitare elle est très loin et pourtant très proche
en bas les corps sont toujours étendus entre les feux épars
ici sur la colline des têtes ébouriffées sortent des sacs de couchage des bustes se redressent et applaudissent ce matin trop beau
mélanie qui lance sa voix vers le ciel
mélanie presque fragile qui casse sa voix pour mieux l’insinuer entre les dernières brumes entre les dernières fumées des derniers feux qui se rallument les uns après les autres
mélanie qui éveille la colline et les champs là-bas jusqu’à la mer immense
mélanie étrange et délicate quid’un coup de baguette magique laisse deviner le soleil derrière la colline
mais c’est déjà fini
elle a disparu
à sa place un disque des beatleshe comes the sun mais avec mélanie le soleil était plus émouvant et plus grandiose
le disque continue avec le cri d’un coq pour nous réveiller good morning
les anglais ont toujours le sens de l’humour
de l’autre côté de la colline l’herbe s’étend doucement en terrain de golf jusqu’aux falaises qui dominent la mer
le soleil a jailli d’entre les nuages en un cercle de feu parfait et tout est beau parmi les ordures qui jonchent le terrain
j’ai tout effacé
moi qui ne supporte plus la crasse
en m’asseyant sur une motte de terre cernée de boites de conserve vides de bouteilles et de sacs en papier déchirés et tout et tout j’oubliais tout fascinée par mélanie et le spectacle qu’elle avait fait surgir au petit matin du dimanche
vers 9h nouveau réveil
les gens sont restés dans l’arène depuis la fin de l’entertainment et c’est bien normal puisque mélanie a fini de chanter à 7 heures on ne voit pas très bien pourquoi ils s’en iraient ça devrait être musique ininterrompue
mais il y a un problème de billets
les organisateurs avaient peur qu’ils ressortent revendre leurs billets aux nouveaux arrivants après s’être fait mettre une marque sur la main à la sortie réservée à ceux qui ont déjà un billet
c’était un peu compliqué et les organisateurs avaient de plus en plus peur de perdre de l’argent
ils en avaient déjà perdu la voix à force de demander please please will you go out
comme personne ne bouge une nana propose que tous ceux qui étaient dans l’enceinte brûlent leur billet
ils deviennent mesquins ces organisateurs
les grands arguments dégringolent on veut créer un new world et on n’est même pas capable de rester en paix le monde entier nous regarde
on nous fait ce chantage de la paix et de l’amour chaque fois que les organisateurs ont peur de ne pas rentrer dans leurs frais
si vous ne délogez pas de la colline on arrête le festival
si vous ne sortez pas de l’arène on arrête le festival
je me rendors
Texte : Gaelle Kermen – Crédit photos : Jacques Morpain 1970 en mémoire de Bruno le Doze (10/11/1957-10/09/1997) page hommage 1997 ACD Carpe Diem 2017
Extraits du carnet de voyage du mois d’août 1970 tenu par Gaelle Kermen au cours du Festival Isle of Wight 1970 à paraître dans les cahiers 1970.
Personnages : Gaelle Kermen, étudiante à la fac de Vincennes Paris-8, diariste, 24 ans,
son petit frère Bruno, 12 ans
son cousin Jacques Morpain, étudiant à la fac de Paris-Dauphine, photographe, 23 ans
Texte de Gaelle Kermen (1970) Photographies de Jacques Morpain (1970)
Tout a été pris sur le vif, sans censure, tel que le festival a été vécu, en direct.
île de wight samedi 29 août 1970
c’est très beau cette colline sertie de feux de camp avec la mer au loin en vibration
bien sûr l’air s’est rafraîchi tout est humide il a fait trop beau dans la journée mais nous dormons à la belle étoile
juste éveillée parce que je reconnaissais dylan dans days of 49 qui résonnait étrangement dans la nuit
c’était un disque il était 4h30
au réveil nous voyons sortir de la tente voisine notre cousin gaby et son copain jean-pierre nous avons dormi à deux mètres d’eux
disques toute la matinée
enfin vers midi et demi john sebastian est annoncé
tout le monde est debout bras levés puis on se donne la main une gigue effrénée démarre ça a de la gueule vu de haut
john sebastian arrive aussi beau qu’à woodstock et nous souhaite un good morning dans cette isle of wight ce qu’il chante est bien gentil mais je n’en raffole pas à woodstock il avait joui du fait que juste avant lui on avait annoncé la naissance d’un bébé alors il avait enchaîné sa chanson sur les bébés les papas et cetera ici il chante plusieurs airs connus ça chauffe un peu il essaie de faire chanter mais il n’a pas la chaleur d’un pete seeger pour entraîner les foules ça reste mièvre
l’arène se remplit dans un cercle quelques voitures bizarres évoluent entre le buggy et la soucoupe volante surmontées d’antennes s’agitant au rythme de leurs déplacements
il y a des drapeaux américains soviétiques anarchistes la croix gammée des hells angels voisine avec the jesus revolution tout coexiste sans encore vraiment copuler
sur la colline l’ambiance monte avec le vent
sur cette colline c’est un monde à part qui s’organise
on voit passer des types avec des branchages il y a une grande activité chez les hillbillies
incroyable l’imagination des gens pour se loger
les premiers arrivés au festival dès mercredi avaient pu se servir des bottes de paille autour de l’enceinte de tôle et s’étaient construit de véritables petits hôtels avec appartements indépendants sur les portes en carton ou en toile chiffonnée on lisait les prénoms des heureux occupants
sur la colline on se sert surtout des buissons et des plaques de la palissade qui eut le mauvais goût de longer le sommet de la colline pour empêcher les hillbillies de descendre à la plage bien sûr elle a été démontée et réemployée
les chanteurs défilent l’après-midi dans le soleil
joni mitchell fait un beau succès
les anglais l’adorent
en france elle est beaucoup moins connue
longue robe jaune safran de moine bouddhiste longs cheveux blonds sur guitare
voix belle bien modulée
mais un peu décevante sans vrai tonus
après joni mitchell on a droit à tiny tim affreux petit mec remuant délirant et désopilant
voix dingue en réminiscences des vieux disques de 1925
il met enfin une touche hilarante dans ce festival où les gens ont presque tous tendance à se prendre au sérieux il nous arrache des éclats de rire malgré nous
très enlevé il passe des rythmes de graine de violence à ceux des années trente de rock and roll the clock à alexander band rag time tout y passe même down by the river enfin l’ambiance chauffe et c’est pour l’instant le meilleur moment on se demande où il va chercher sa voix il semble ne pas se fatiguer il peut changer n’importe quoi et ça marche à fond tout le monde tape dans les mains debout on s’attend même à l’entendre chanter god save the queen
miles davis j’accroche moins
ou je m’endors déjà
quelques airs de country western en entracte
gigue et polka ça marche toujours pour mettre de l’ambiance
mungo jerry commence avec in the summer time ça marche très fort puisque c’est le tube de l’été
beaucoup de monde maintenant dans la nuit douce on se sent proches
des feux s’allument
les gens de l’île viennent de l’autre côté de la colline en famille pour assister de haut au spectacle
et les voilà les ten years after tant attendus en merveilleux échos de batterie roulant de la colline à la mer that’s great
il y a eu aussi les doors et les who très bons
mais tard dans la nuit et je crois que j’ai dormi
la nuit est belle pas humide comme la dernière
Crédit photos : Jacques Morpain 1970 en mémoire de Bruno le Doze (10/11/1957-10/09/1997) ACD Carpe Diem 2017
Extraits du carnet de voyage du mois d’août 1970 tenu par Gaelle Kermen au cours du Festival Isle of Wight 1970 à paraître dans les cahiers 1970.
Personnages : Gaelle Kermen, étudiante à la fac de Vincennes Paris-8, diariste, 24 ans,
son petit frère Bruno, 12 ans
son cousin Jacques Morpain, étudiant à la fac de Paris-Dauphine, photographe, 23 ans
Texte de Gaelle Kermen (1970) Photographies de Jacques Morpain (1970)
Tout a été pris sur le vif, tel que le festival a été vécu, en direct.
vendredi 28 août 1970
île de wight vendredi fin d’après-midi
le bus a traversé la campagne ensoleillée de l’île et nous a dégueulés au milieu d’un immense camp de tôles
première surprise dans la chaleur de la poussière les terrains de camping sont dégueulasses les tentes nagent dans les détritus les boites de coke de whitney ou de beans éventrées sont jetées là sur place après usage les journaux déchirés
tout et n’importe quoi
à un endroit près de l’entrée la pisse qui descend des chiottes fait une mare de boue les toilettes sont sommaires mais nombreuses l’an dernier il paraît qu’il n’y en avait qu’une demi-douzaine et ça faisait des kilomètres de queue elles sont préfabriquées ça ressemble à un jeu de meccano précaire une plaque de tôle avec un trou au milieu et dessous des tranchées un peu le système que j’ai connu à l’arche de lanza del vasto aux camps d’été ça engraisse le terrain
dans trois jours il suffira de remettre la terre il n’y a pas de porte ce qui file une constipation monumentale aux milliers de personnes venues au festival parce que comme disent certaines non on peut vraiment pas chier devant tout le monde
plus grave est le manque de sanitaires en tout une dizaine de robinets dont seuls les deux premiers daignent déverser de quoi se laver une dent creuse après on se plaindra que les jeunes sont sales que les hippies surtout sont sales
parce qu’il suffit d’être venu ici pour avoir droit à l’étiquette hippie
comment les anglais si habitués à ne jamais rien laisser tomber à terre puisqu’ils risquent chaque fois une amende de 10 livres comment ont-ils fait de cet endroit une immense poubelle alors que le festival commence à peine
nulle part je n’ai vu de poubelles
il aurait pourtant été simple de placer à endroits réguliers des litters vidées chaque matin
ce n’était pas le cas
une seule solution pour ne pas mourir étouffé dans ce champ d’ordures monter vers l’air pur de la colline là-haut on avisera
nous avons longé un couloir d’arbres baptisé desolation row d’après le titre d’une très belle chanson de bob dylan
ça sent un peu le haschich par endroit mais beaucoup moins qu’on ne s’y attendrait
les bosquets ont été aménagés en véritables appartements protégés par des tôles ça ne manque pas la tôle dans la région
apparemment c’est derrière ces palissages de tôles grises décorées de slogans contre la reine contre les flics contre le fric que se déroule le festival
sur la colline on respire un peu mieux et surtout on entend très bien le vent est bon et nous porte merveilleusement tous les sons
la campagne s’étend jusqu’à la mer la colline est émaillée de tentes en bas c’est la foule concentrée dans la tôle
un type a pris le micro
il gueule en anglais contre les flics les flics qui sont là entre les deux rangées de tôle qui cernent la prairie du festival il gueule contre l’exploitation qu’on fait de nous sous prétexte de musique
bravo camarade pas normal de devoir payer 3 pounds pour la paix et l’amour
le type est un français qui parle bien l’anglais c’est jean-jacques lebel on l’appelait le pape des happenings vers les années soixante-cinq il occupait anarchiquement l’odéon et la sorbonne au mois de mai soixante-huit et depuis il itinère entre les facs de nanterre et vincennes
il n’a pas tort
c’est gênant de voir en bas les bobbies avec des chiens policiers
les tôles ça fait camp de concentration pour les anglais ce sont de simples palissages
pour les français ça devient tout de suite des barricades donc quelque chose à foutre en l’air
hier il y a eu de la bagarre les organisateurs ont voulu virer les types installés sur la colline parce que ça leur faisait perdre de l’argent
je remarque une chose
tout à l’heure en bas on n’entendait rien du tout
on se demandait même si le festival était commencé
mais ici sur la colline on entend très bien
et au moins on respire
pourquoi irions-nous prendre un ticket ça devrait être gratuit un festival de pop music puisqu’au départ pop voulait dire popular je crois les temps changent puisque joan baez a demandé 12 000 livres de cachet
pas mal pour une militante non-violente
je veux bien croire que le lait guigoz du bébé gabriel coûte cher et que le mari david a besoin de petits mandats pour améliorer son ordinaire entre les grèves de la faim dans ses prisons successives
quand même on parle beaucoup trop d’argent ici dommage
notre première surprise en descendant du bateau a été de constater que le train était gratuit pour une seule station il est vrai après dans le car on s’est dit c’est trop beau pour que ça continue en effet le ticket était à 6 shillings dans les boutiques le fish and chips est à 3 shillings en temps normal c’est moitié moins autour de l’arène de tôle on ne trouve rien à moins de 2 shillings et c’est dérisoirement mince
un type a expliqué pourquoi on ne pouvait pas faire autrement que de mettre le tarif du ticket à 3 pounds mais je n’ai pas compris et il a dit enfin let’s make place to the music sit down
la musique c’est un disque des beatles let it be qui résonne mieux que l’orchestre précédent on attend quand même autre chose
les gens ici ne m’étonnent pas ce sont ceux que je rencontrais aux marches de la paix à la belle époque beatnik
près de nous sur la colline ça s’organise une douzaine de types et de nanas plus deux chiens se sont installés dans une tranchée sur un feu une bouilloire pour le thé ils sont bien équipés ils ont des haches des pelles et tout
le soleil descend très lentement le long de la colline on domine on pourrait même méditer ils ont dit la même chose de nietzsche à kerouac en passant par miller les hillbillies
c’est formidable de penser qu’on a trois jours devant soi au soleil sur la colline à se noyer de musique
trois jours à oser être soi-même
les chiens et les policiers entre les deux palissades de tôle
20h30 environ ça y est ça semble commencer les lumières cernent le parc un gros projecteur est même braqué sur la colline pour prévenir les troubles
ce qui me permet au moins de prendre des notes dans mon carnet de voyage
le podium s’est allumé pour chicago
le soleil s’est perdu la nuit est tombée humide
en bas le festival ressemble à un grand bateau sur la mer de temps en temps des fusées de feu d’artifice strient le ciel entre les étoiles
la musique rien de génial encore
on est remontés pour se coucher après avoir mangé un morceau en bas
Texte : Gaelle Kermen – Crédit photos : Jacques Morpain 1970 en mémoire de Bruno le Doze (10/11/1957-10/09/1997) page hommage 1997 ACD Carpe Diem 2017