Mon manuscrit a été écrit en 2019 au cours d’un mois ou d’un camp de NaNoWriMo. Les obligations liées à la gestion de mon domaine, agrandi, en cours d’installation en vue de l’autonomie alimentaire, ne m’ont pas permis de reprendre le texte avant le coup d’envoi donné hier lors de notre repas chinois du 2 février. C’est le moment de le réviser, pour accompagner mes camarades dans leur propre aventure.
Mens sana in corpore sano
Devise inscrite par Montaigne sur une poutre de sa librairie (bibliothèque).
Je ne peux écrire que si je suis bien nourrie.
Colette
Nous ne sommes pas de purs esprits en attente d’être visités par la muse inspirante.
Nous avons besoin d’un cadre pour écrire et créer, d’un bon environnement et de bons outils. Nous avons besoin de bonnes habitudes de vie pour bien manger et bien dormir. Le corps et l’esprit ont besoin d’une bonne organisation de travail pour révéler les extraordinaires potentiels créatifs que nous recelons sans oser toujours les exprimer.
Cet essai de philosophie pratique est éprouvé par des décennies d’expérience et s’appuie sur des exemples d’écrivains célèbres au fil des siècles de littérature. Il souhaite vous guider, vous inspirer, vous permettre de mieux vous organiser afin de libérer vos écritures.
Il n’a pas la prétention de vous promettre que vos écrits atteindront le Top 100 par un coup de baguette magique. Mais il vous apportera beaucoup de bonheur. En vous aidant à mieux vous organiser pour travailler vos écrits dans de meilleures conditions, il vous aidera à révéler votre unicité.
C’est l’invitation au voyage à travers des expériences de créations qui ont cherché les conditions optimales de leur environnement matériel et intellectuel.
C’est le guide vers une meilleure organisation afin d’exploiter votre potentiel créatif.
Extrait du Journal 70 publié sous le titre Clandestine 70 (sortie en septembre 2020)
du côté de kensington gardens
londres et hélène retrouvées
londres et des relents d’enfance dans les odeurs rencontrées nulle part ailleurs
londres et mon asthme évidemment
besoin d’aller consulter à saint mary abbots hospital
ma fatigue
l’envie alors de ne rien voir
j’attendais chaque soir le retour de hélène
je me suis mise à tirer les tarots comme une folle
chaque fois dans le jeu revenait une carte gênante et je savais que c’était zabeth
mais le soleil était là aussi et j’allais gagner
nous parlions beaucoup hélène et moi
quand bruno ne comprenait pas quelque chose qu’il voyait ou entendait il nous demandait et nous lui expliquions
l’histoire de la vierge marie pour expliquer la virginité était sublime comme exemple d’impuissance d’adultère et d’immoralité déguisés
depuis si longtemps qu’on nous raconte ça
hélène retrouvée c’était comme une ancienne vie revenue
c’était le même brillant la même folie verbale et mentale
le même amour
je savais que j’avais besoin de ça avant de me plonger dans une autre vie à venir
une vie différente
sans doute plus équilibrée
je suis aussi allée voir élise
elle habite à barnes en dehors de londres dans la presque campagne si douce en angleterre avec les champs les ruisseaux et les mares aux canards en plein village
élise était belle et sereine
sécure elle a dit
elle se sent sécure
auprès de peter son futur mari irlandais qu’elle épouse le 6 septembre
l’après-midi s’étirait doucement avec le thé préparé par élise dans les règles de l’art
nous avons beaucoup parlé d’ava qui reste pour nous la plus belle femme que nous ayons connue avec son étrangeté et ses défauts sublimes
il ne manquait qu’ava parmi nous
depuis trois ans à l’époque d’aquamarina
hélène avait cru l’apercevoir un jour à londres mais avait pensé rêver
c’était sans doute elle si j’en crois ce qu’on nous a dit à bomarzo
comment la retrouver
c’est inutile sans doute
tout a changé
nous nous revoyons calmement mais nous avons changé
pourtant nous nous aimons toujours
élise pense que cette année toutes nos vies vont se stabiliser
elle se marie
moi je ne vais pas tarder à le faire aussi pense-t-elle
et elle souhaite à hélène de retrouver yannis
c’est la seule chose possible
et impossible
pour un amour trop fort pour vivre
aussi fort que la haine
fait de désespérance et de violence
comparable à rien d’autre
en dehors de toute norme humaine
élise était belle
peter était beau
ils s’harmonisaient étrangement en cette fin d’après-midi anglaise au jardin d’un pub devant la mare aux canards
élise à l’incroyable vie
élise aux yeux brillants des fumées de haschich
élise qui sereinement faisait des voyages au l s d
élise que rien n’étonnait jamais
élise qui aimait tout le monde et ne jugeait personne
comme brendan
mais pas par les mêmes moyens que lui
elle par le partage des corps
lui par l’ascèse de l’esprit
élise à qui la tante d’ava avait dit
ne perdez jamais le contact avec marine elle vous protège parce qu’elle est elle-même protégée
élise qui s’était dévoyée
élise qui se camait
élise qui aurait pu se perdre
élise la douce
élise la tendre
élise la majestueuse
élise était la plus pure d’entre nous
son amour universel rayonnait toujours par son demi-sourire boudhique et ses yeux plissés de compassion
Depuis le Camp d’été de juillet 2016, où je m’étais inscrite le matin du premier jour, sur un coup de tête, je ne rate aucun de ces rendez-vous d’écriture en un cadre de discipline choisie. Comme de nombreux auteurs autour de la planète, dans un égrégore stimulant.
Demain 1er avril commence le Camp NaNo du printemps 2018. Tout le mois.
J’ai écrit deux guides pratiques cet hiver, que je vais relire, réécrire, corriger, mettre en forme et publier sans attendre des années…
Une cabane d’écriture
Pour jouer au camp NaNo, j’ai poussé le luxe jusqu’à installer une cabane d’écriture, cabane qui m’était laissée par mon cousin-voisin qui déménageait du village. Ce devait être une serre, c’est déjà une cabane d’écriture. Mon iPad y est installé dès le matin sur son support devant son clavier. J’y reviens en fin de journée. J’écris sur Scrivener iOS et complète mes lignes de temps sur les projets Aeon Timeline iOS.
J’ai passé la fin de l’hiver à préparer mon environnement pour avoir un décor agréable et inspirant sous les yeux. Il a fallu tailler des ronces, tondre des herbes devenues trop hautes. C’est fait ! les horizons sont dégagés. Je vais pouvoir faire les plantations de printemps. Voilà, je suis prête pour le Camp NaNo. Le beau temps est déjà arrivé en Bretagne, je viens d’accrocher le hamac. Il suffira de faire du feu entre les pierres ancestrales pour cuire des aliments et vivre la vie naturelle dont j’ai besoin pour être bien.
Une cabine-cabane-tipi
Lors du Camp NaNo, on peut créer une « cabin » avec des amis écrivains pour s’encourager et se stimuler. J’appelle ça une cabane, un ami québécois l’appelle un tipi. J’ai créé une cabane-tipi pour les scrivonautes francophones. On peut être jusqu’à 19 selon les règles du Camp NaNo (on ne tiendrait pas à 19 dans ma vraie cabane de 3,60 m2). Nous ne sommes que quatre, deux Bretonnes et deux Québécois.
Si vous avez envie de nous rejoindre, faites-moi un message privé avec votre pseudonyme du Camp NaNo. Je vous inviterai dans la cabane ScrivenerFR.
Les démarches
1) s’inscrire sur le site du Camp NaNo avec le compte du NaNoWriMo si on en a déjà un,
2) créer un projet : roman, essai, etc. mais aussi révisions, corrections, mise en forme d’un projet déjà écrit en premier jet,
3) accepter les invitations dans les Settings Cabin.
Gaelle Kermen est l’auteur des guides pratiques Scrivener plus simple, le guide francophone pour Mac, Windows, iOS et Scrivener 3, publiés sur toutes les plateformes numériques.
Vaguemestre depuis 1997, blogueuse des années 2000, elle publie plusieurs blogs sur ses sujets de prédilection, l’écriture sur gaellekermen.net, les chantiers d’autoconstruction sur kerantorec.net, les archives d’un demi-siècle sur aquamarine67.net et les voyages ici ou ailleurs sur hentadou.wordpress.com.
Je partage cette magnifique découverte des livres audio gratuits sur Librivox, qui m’apparaît aussi importante que celle que j’avais faite avec ebookslibresetgratuits lorsque je suis passée à la lecture numérique. La solution auditive peut pallier les problèmes de vue ou de main.
Essai d’Audible
J’avais testé la formule Audible, mais l’avais abandonnée, la trouvant trop onéreuse pour mon budget actuel. L’essai proposé par Amazon devait être gratuit, mais quand j’ai vu mon relevé de compte, 60 euros avaient été prélevés ! J’avais testé trois livres, des best-sellers du moment, valant chacun autour de 20 euros. Je les ai donc payés et non pas essayés. Je l’ai vu trop tard pour réclamer, mais je n’ai pas du tout aimé le procédé et le déconseille.
La vie secrète des arbres, Peter Wohleben, lu par Thierry de Montalembert
Au revoir là-haut, lu par l’auteur Pierre Lemaître (un régal !)
The Innovators, Water Isaacson, lu par Dennis Boutsorakis.
J’ai résilié l’abonnement, les livres restent dans ma bibliothèque. Après tout, je les ai payés. Il m’arrive de réécouter un chapitre, comme récemment, au moment du 8 mars d’hommage à quelques femmes, le chapitre sur Ada Lovelace, grâce à qui nous pouvons écrire et lire en ce moment sur ordinateurs et tablettes. Le premier programmeur du monde est une femme, la fille de Lord Byron.
J’avais laissé tombé la question des livres audio, trop chère pour moi, mais j’ai des proches souffrant de DMLA qui ont du mal à lire les livres sur papier ou tablette. Je pensais donc à la solution auditive. Je viens de trouver une solution abordable et riche sur le site de Livres audio, pas aussi riche encore que les bibliothèques numériques en ligne, que je pratique depuis une dizaine d’années, mais déjà bien garni.
Un document exceptionnel sur la vie des pauvres au XIXe siècle
J’ai commencé par un document écrit à la fin du XIXe siècle, publié en partie par Anatole Le Bras en 1905, la suite fut perdue, oubliée, puis retrouvée et rééditée in extenso en 1998 par une petite maison d’édition bretonne dirigé par Martial Ménard, An Here, qui vendit 300 000 exemplaires, en partie grâce à l’enthousiasme de mon ami Michel Polac dans une chronique radiophonique.
Redécouvrant ce texte, lu par André Rannou, sur Librivox, j’ai le même enthousiasme ! Quel style ! Quelle sincérité ! Quelle clarté ! Quelle liberté ! Une bouffée d’air frais et sain !
Télécharger l’application Livres Audio
L’application est disponible sur Google Play pour Android et sur App Store pour iOS.
On peut utiliser l’application sans s’enregistrer nulle part. On peut aussi utiliser son compte Google pour s’enregistrer, puis supprimer la pub.
L’application s’intitule Littérature Audio sur le site App Store, Livres Audio sur l’iPad et l’iPhone. Elle a le mérite d’être en français. Les autres apps sont en anglais.
Trouver un livre audio
La liste qui s’affiche se fait par Titres. Ici, j’ai réglé la langue sur Français et j’ai cliqué sur Philosophie dans Genres. La publicité s’affiche en haut et parfois aussi au milieu.
Supprimer la pub
J’ai enregistré l’application avec mon compte Google.
Puis, sur le site d’Apple, par PayPal, j’ai payé 2,49€ d’abonnement annuel à Librivox, site gratuit de livres audio, qui propose cet abonnement symbolique pour enlever les publicités de monétisation du site. L’abonnement mensuel est de 0,49€, ce qui ferait 5,88€ par an.
Lorsque l’abonnement est enregistré, le choix est coché, l’application se ferme, puis se rouvre sur des pages sans publicité.
Ensuite, le choix des livres est plus aisé dans le Catalogue, en particulier par Genres.
Un pauvre bas-breton égal de Chateaubriand
Je n’ai pas hésité une seconde à payer cette obole de 2,49€, comme je le fais sur tous les sites que j’utilise gracieusement, tenus par de formidables bénévoles, tant je suis impressionnée par la qualité de l’ouvrage que j’écoute depuis hier : Mémoires d’un paysan bas-breton de Jean-Marie Deguignet, publié en 1904 par Anatole le Braz, l’auteur célèbre de La légende de la mort, à qui Jean-Marie avait confié ses 24 cahiers avant de mourir.
Le texte est magnifique de simplicité et de clarté, formidablement servi par la voix d’André Rannou, dont le reste d’accent breton nous met tout de suite dans l’ambiance du texte. Un régal ! Une merveille !
Il est bon de savoir qu’un pauvre bas-breton trouve plus d’un siècle après sa mort la reconnaissance de la littérature universelle auprès des Mémoires d’Outre-Tombe du très célèbre comte de Chateaubriand.
Jean-Marie Deguignet l’avait rêvé, c’est arrivé ! Honneur !
Pouvoir accéder à une bibliothèque universelle en écoute me met en joie. Si jamais je ne pouvais plus lire, j’aurais encore une grande source de littérature…
Gaelle Kermen, Kerantorec le 15 mars 2019
P.S. Le livre audio a tendance à m’endormir. Pour ne pas laisser filer le livre jusqu’au bout, on peut régler le temps d’écoute du chapitre en cours.
Crédits
Hommage à Martial Ménard, 1951-2016, le premier éditeur de Deguignet, An Here, 1998
Gaelle Kermen est l’auteur de la série des Scrivener plus simple, les guides francophones pour Mac, Windows et iOS, publiés sur toutes les plateformes numériques depuis 2016. Elle met à la portée des auteurs de la Francophonie les logiciels et applications dont les manuels et documentations sont en anglais. Son expérience en informatique et numérique lui permet de guider au mieux celles et ceux qui cherchent à exprimer leur potentiel créatif.
Diariste depuis les années 60, elle publie cinquante ans plus tard son Journal de vie.
Auteur d’Aquamarine 67, 2010, Le Festival de Wight 70 vu par 2 Frenchies, 2017, Des pavés à la plage Mai 68 vu par une jeune fille de La Sorbonne, 2018.
Elle restaure et entretient elle-même son domaine et sa chaumière. Elle prépare une série sur l’histoire de son village et les travaux qu’elle y exécute pour marcher dans la beauté.
Il y a cinquante ans, au mois de janvier 1969, je m’inscrivais à la nouvelle université de Vincennes, appelée alors Centre Universitaire Expérimental de Vincennes, le CUEV. Je reprends mes notes publiées dans Les maquisards du Bois de Vincennes et le Journal 60 pour donner une idée de l’ambiance de l’époque. J’ai aimé cette fac, plus que la Sorbonne et la fac de droit d’Assas. Je m’y suis sentie comme un poisson dans l’eau. Elle a forgé mon esprit critique, m’a donné de bonnes bases culturelles, une excellente méthodologie et les techniques de lecture rapide et de frappe dactylographique qui me servent encore tous les jours. Ces articles sont ma contribution à la célébration des 50 ans de Vincennes.
Mon Journal de l’année 1969 n’a pas été écrit sur un cahier à grands carreaux Héraclès ou Clairefontaine comme les autres années. J’ai pris mes notes sur un agenda disposant d’une page par jour. Le style devient plus rapide, plus concis. Toujours sans ponctuation ni majuscule.
J’ai changé des prénoms pour la publication des cahiers 1960. Pierre est le Michel des Pavés à la plage Mai 68 vu par une jeune fille de la Sorbonne. 69 fut une année érotique, ô combien érotique ! Mais dans ces pages de cinquantenaire, j’élague cette partie intime pour conserver ce qui concerne la fac de Vincennes. Je garde tout ce qui est repérages de l’époque, comportements, modes de vie, styles, mobilier, objets, cuisine, livres, films, théâtre, restaurants, cafés, politiques…
***
Le mois de janvier me voit décider de quitter Nantes où je m’étais inscrite à la Faculté des Lettres, pour m’inscrire à Vincennes, la nouvelle université, créée pour répondre aux demandes des étudiants de Mai 68. J’y retrouve de nombreuses personnes connues à la Sorbonne ou au Quartier latin.
On me propose de travailler comme styliste de mode chez Rychter, une marque de tricot. Je reste à Paris chez ma sœur, d’abord dans l’île Saint-Louis, après le déménagement du Pot de fer. Puis, au 10 boulevard Poissonnière, quand elle devient secrétaire de la revue Gault-et-Millau et qu’elle bénéficie d’un logement de fonction, à côté de l’immeuble de l’Humanité, face au cinéma Le Rex.
Au cours de janvier 1969, je déménage de Nantes, 44, à l’île Saint-Louis, 4e, et de la rue Visconti, 6e, au boulevard Poissonnière, dans le 10e.
La vie à Vincennes commence. Intrépide, rapide, ardente, passionnée, enthousiaste.
Mercredi 1er janvier 1969
réveillon dans un lit avec ma sœur dans l’île saint-louis où elle habite en ce moment et où je l’ai suivie beaucoup dormi raté rendez-vous avec la bande à geismar et glücksman au balzar parce le balzar est fermé le mardi et puis assoupissement de l’île … télé julie driscoll et les beegees je suis contente de commencer quelque chose de nouveau surtout une année que ça soit positif
Jeudi 2 janvier 1969
douceur de l’île saint-louis les matins qui s’étirent envie de robe de velours mais envie de formes modernes
dynamisme piscine
je n’arrive pas à me décider si je rentre à nantes dans quatre jours ou si je reste à paris pour m’inscrire à vincennes pour foncer être entièrement dans le coup … au ramsès où je ne fais que passer bleiptreu me donne d’autorité le téléphone de rychter la maison de prêt-à-porter tricots pour mon avenir créateur est-ce un signe si j’ai un boulot je reste à paris d’autant que peut-être je serai logée gratis
Vendredi 3 janvier 1969
je crois que je vais rester à paris intuition bien commencer quelque chose pour arriver quelque part at least at last …
Samedi 4 janvier 1969
… alexandra m’appelle aurélia m’appelle j’ai beaucoup d’amies on a voulu aller à vincennes mais la fac est fermée
ma sœur vient de se voir proposer un boulot sensationnel secrétaire assistante dans une revue gastronomique et touristique faite par les critiques gault et millau en plus on lui propose un appartement de trois pièces cuisine salle de bain et tout
nous pourrons habiter ensemble en étant indépendantes et travailler surtout moi parce que ce n’est pas au quartier mais près du sentier et des trucs de couture …
Dimanche 5 janvier 1969
saint-leu crise d’asthme of course au fond comme ça j’échappe au repas de famille avec ma grand-mère mon cousin et sa femme qui est assez fatigante parce qu’elle pose des questions sans écouter les réponses
je tricote quand je vais mieux je mets l’après-midi à lire le monde d’hier
je me sens désormais personnellement concernée par les problèmes internationaux et intérieurs maintenant que je suis au courant l’essentiel c’est d’être dans le coup
j’ai aussi des envies de robes d’hôtesse au tricot longues et mousseuses
retour le soir dans l’île saint-louis …
Lundi 6 janvier 1969
c’est fou ce que je dors dans l’île
mon frère louis vient enregistrer des disques de dylan avant de regagner la caserne demain il part à djibouti où il sera moniteur de voile pendant son service militaire
piscine je nage beaucoup et mieux
vincennes beau soleil d’hiver sur le bois
a g dans truc moderne ça me plaît
la première personne que je rencontre est une fille rencontrée à la sorbonne l’an dernier elle fait partie du comité d’action
je rencontre aussi un m l marxiste-léniniste qui enseignera en philo ou socio et une fille qui nous avait apporté à la trésorerie du fric donné par les chanteurs de bobino en grève active
au ramsès bleiptreu me dit de téléphoner le plus vite possible chez rychter qui a besoin d’une modéliste il l’a vu hier mais je n’arrive pas à le joindre … ma vie à venir risque d’être formidable
Mardi 7 janvier 1969
aller à vincennes pour transfert dossier de nantes …
vincennes sous les pluies un peu triste mais envie folle de commencer enfin un genre d’enseignement nouveau
buci passage soloman me parle de pierre mais qu’est-ce qu’ils ont tous à me parler de lui heureusement que je crève d’humour et que je m’en fous …
Mercredi 8 janvier 1969
aller à vincennes 2 h christine au ramsès alexandra 5 h téléphone gérard aller chez rychter …
perdu mon temps avec christine et alexandra puisque j’arrive trop tard à vincennes pour m’inscrire
mais entrevue intéressante chez rychter je crois avoir compris ce qui m’est demandé une de mes qualités est de comprendre vite
Jeudi 9 janvier 1969
il fait beau à nantes merveilleusement départ très tôt le matin pour nantes où je rentre chercher mes affaires je n’ai plus l’habitude de me lever si tôt il va falloir la reprendre pour travailler il me faut tellement tellement toujours travailler … c’est un peu dommage de partir mais je ne regrette rien
Vendredi 10 janvier 1969
lever tôt aussi aujourd’hui pour repartir à paris avec tonton francis et le petit erwan … je commence à noter des idées de tricots
Samedi 11 janvier 1969
je me mets sérieusement au travail mais appels téléphoniques de mes meilleures amies … je me fous des histoires de nanas
après-midi visite du futur appartement boulevard poissonnière sur les grands boulevards face au cinéma rex à côté de l’humanité plein sud avec balcon ça va être sensationnel jamais nous n’aurions pu espérer ça
en tout cas je vois parfaitement ma chambre très moderne très nette avec un mur en vitres une table à dessin assez grande devant la porte-fenêtre et cetera j’y travaillerai très bien …
Dimanche 12 janvier 1969
ma sœur part à saint-leu vers 11 heures passées je vais à la piscine de pontoise après m’être baladée du côté de la mouff je nage beaucoup sans fatigue maintenant je rentre je bouffe me fais jolie et note quelques idées
puis je sors pour aller chez pierre puisque j’ai besoin de dessins qui sont restés rue visconti et que ce matin aurélia m’a appelée pour me dire qu’il me cherchait et qu’il fallait que je me méfie comme si je ne savais pas que pierre serait seulement ravi de me voir ce qui ne rate pas
pot au buci puis je l’accompagne chez lui parce qu’il a pour moi une locomotive miniature jouet c’est original comme cadeau de noël il est tellement sûr que je serai une locomotive si je ne rate pas le train
pour ma sœur il me donne un tatou puis je dîne avec lui rue privas
nous avons toujours beaucoup à dire … je rentre et je travaille jusqu’à trois heures du matin
Lundi 13 janvier
7 h 30-8 h gérard rychter
c’est ce soir que je saurai si je serai une grande styliste ou pas la locomotive
plaisir de rencontrer pierre dans la rue d’être invitée à déjeuner ça n’arrivait pas quand je vivais avec lui
symphonie triomphante de mozart et repos entre deux dessins j’ai fait beaucoup de dessins
vu gérard rychter il trouve qu’il y a beaucoup à faire et que je suis très dans le coup peut-être n’est-ce pas assez tricot trop couture
je dois faire d’autres croquis
lui aussi s’inscrit à vincennes
Mardi 14 janvier 1969
je pensais aller à vincennes m’inscrire mais mes meilleures amies décidément ne m’oublient pas de plus les peintres viennent dans le studio alors en attendant mon rendez-vous avec aurélia je dessine … puis je passe chez pierre il est tout beau tout heureux de me voir
son coup a marché il a passeport et tout bref il m’invite à voir mister freedom de william klein puis à manger une côte de boeuf au pop hot
je le quitte à deux heures du matin
Mercredi 15 janvier 1969
inscription vincennes
fragments les chinois avec terzieff
vincennes matin finalement je m’inscris en dominante sciences politiques en espérant que la licence sera créée
vers 6 heures je vais au quartier ne sachant si je vais ensuite à saint-leu ou si je reste avec pierre au cas où il n’a pas oublié qu’il m’a invitée à aller au théâtre voir terzieff dans fragments
je rencontre devant le buci ses frères et maïté qui veut que j’aille avec elle voir pierre rue visconti
je vais chez hélène très triste parce que yannis passe ses journées à vincennes et la laisse seule
puis je trouve pierre au buci il pensait que je ne viendrais pas
théâtre excellent comme toujours avec terzieff
nous dînons au pop hot nous évoquons les histoires de la sorbonne mais c’est dommage je n’ai plus confiance politiquement
je reste la nuit avec pierre
Jeudi 16 janvier 1969
rosemary’s baby avec pierre angoisse mais je connaissais déjà l’histoire je ne suis pas choquée dehors il fait froid j’ai mal au cœur
pierre m’entoure m’offre des huîtres quand nous rentrons j’ai une crise d’asthme je suis nerveuse et révoltée par la poussière de la pièce et la crasse ambiante
Vendredi 17 janvier 1969
pierre a essayé de me calmer mais n’a réussi qu’à aggraver mon état il prétend que je suis injuste qu’il cherche seulement à m’aider et moi je ne supporte pas
je pars tôt … j’ai une crise pénible angoissante
maman arrive je décide rapidement de rentrer à saint-leu avec elle
Samedi 18 janvier 1969
11 h sciences po réunion à vincennes
j’arrive tôt à vincennes enfin un quart d’heure avant la réunion ce qui représente un tour de force les profs auront fort à faire nous n’hésitons plus à les contrer il n’y a plus de barrières hiérarchiques je n’ose pas encore prendre la parole mais ça viendra
un type qui était deux rangs derrière moi vient s’asseoir à côté de moi il est sympa plein de vie je crois que je m’entendrai bien avec lui et c’est pratique de pouvoir désormais tout de suite tutoyer les gens
je rentre dans l’île per-jakez doit aujourd’hui me rapporter les derniers bagages restés à nantes …
Dimanche 19 janvier 1969
faubourg poissonnière
dessins
per-jakez nous réveille toujours ponctuel précis sûr certain solide je suis contente de le voir et puis il est mignon il a un très beau sourire il nous conduit boulevard poissonnière j’aime sa façon de conduire rapide et efficace sécurisante per-jakez c’est peut-être ce qu’il y a de plus beau en moi c’est toute l’intégrité de l’enfance
je fais mon rideau de toile cirée jaune puis nous rentrons et je dessine jusqu’au soir
pierre n’a pas rappelé pendant que j’étais là
Mercredi 22 janvier 1969
soir rychter grandes discussions il va essayer de faire trois de mes modèles
alors pierre je m’en fous
Jeudi 23 janvier 1969
midi je frappe rue visconti pas de réponse je suis folle de rage maman doit venir tout à l’heure pour m’aider à déménager
je reste avec son frère au buci
à une heure trente nous allons rue visconti pierre a ouvert il paraît très dur et dit qu’il ne pouvait pas ouvrir tout à l’heure bon j’ai compris il y a une nana dans son lit à côté d’ailleurs son sac est là
maman et philibert sont arrivés avec un immense far breton que maman a fait spécialement pour pierre
déménagement nous prenons un maximum de choses
pierre me demande de passer demain à midi pour l’enregistrer sur l’occupation de la sorbonne
boulevard poissonnière je fais des rideaux encore et range l’appartement
à six heures vincennes où je dois avoir réunion d’information de sciences po
des types du comité d’action arrivent flics à la sorbonne profs exclus manifs grève votée avec occupation
arrive le type sympa de l’autre jour je reste manger au restau u et rencontre aurélia
a g à 8 h je décide de rester mon copain est à la tribune glücksman est très beau
Vendredi 24 janvier 1969
toujours à la fac
à une heure à la cafétéria je retrouve mon copain très étonné de me voir là
les voilà aurélia fonce moi aussi mais sans voir grand-chose les c r s courent partout je suis entrée dans le bâtiment c je me retourne les c r s entrent dix mètres derrière moi je fonce tout droit dans l’escalier et me retrouve dans la zone d’autodéfense où je ne voulais pas aller étant non-violente attente longue attente on se sent tous proches révoltés de voir les c r s faire les cent pas en bas devant les amphis
puis attaque je monte au 2e étage avec ceux qui ne veulent pas se battre on étouffe on pleure on entend crier descendez on descend ne les touchez pas
alors vous n’êtes pas mieux là grand amphi on respire si bien ici
attente des autres puis on est tous embarqués dans les cars vers beaujon
à beaujon attente parqués dans des cellules serrés comme du bétail
slogans nous sommes tous des juifs bretons on a tous tué marcovic
fouille identité photos fichage
attente on entend des cris pour nous mettre en condition
je commence à ne plus pouvoir respirer
à trois heures de l’après-midi on nous relâche là dans la rue devant l’hôpital j’ai une crise d’asthme épouvantable
j’appelle ma sœur qui a dû s’inquiéter aurélia l’a réveillée à trois heures du matin pour lui dire que je serais battue matraquée et tout parce qu’aurélia elle s’est tirée elle a eu raison d’ailleurs
je me repose me restaure m’endors
ma sœur revient nous allons dîner chez maya rue de fürstenberg
Samedi 25 janvier 1969
pierre nous réveille au téléphone vers onze heures il est très brillant il ne part pas aujourd’hui parce que les banques sont fermées et qu’il ne peut toucher le chèque qui devait payer son voyage il veut que je l’enregistre sur ses histoires de la sorbonne il n’a pas dormi son appartement avait été mis sens dessus dessous par ses futures occupantes et puis il a eu des histoires avec des nénettes
moi il m’embête avec ses conneries mais je fais assaut d’humour comme d’habitude
maya arrive vers midi je me lève avec effort j’ai des difficultés à retrouver mon rythme respiratoire
piscine eau trop froide ou moi trop fatiguée je perds complètement mon souffle
je m’endors après le repas tout l’après-midi jusqu’à huit heures
dîner avec ma sœur au théâtre de la ville
puis visite chez hélène qui nous coupe les cheveux il y a deux cinglés chez elle en plus de yannis
Lundi 27 janvier 1969
15 h vincennes marxisme et théorie de marx 17 h vincennes sociologie des classes sociales
il paraît qu’on risque des sanctions pour avoir occupé vincennes
je rencontre jacques de la sono sorbonne et philippe de l’occupation qui me dit voilà ce que c’est de devenir gauchiste ah bon
Mardi 28 janvier 1969
10 h 30 vincennes national-socialisme amphi 3 étrangeté de me retrouver dehors avant dix heures
cours avec rouvier jeune sportif actif brillant et horriblement cabot ne cesse de nous parler de ses petits copains edgar faure et autres mais son cours est pour l’instant intéressant
rencontre michel mon petit camarade de droit ravi de me voir était déjà dans l’amphithéâtre quand nous avons été pris dans la zone d’autodéfense m’avait fait de grands signaux que je n’ai pas vus
bon on ne se quitte plus on mange on prend le café
l’après-midi je rentre à paris j’ai mal aux dents je rate toute ma fin de journée
Mercredi 29 janvier 1969
10 h 30 national-socialisme 16 h sociologie économique
il y a beaucoup de choses pour lesquelles on peut et doit lutter mais pour ça il faut être fort
cours avec rouvier il m’énerve paraît que dès qu’il lève le petit doigt le monde s’empresse de faire des articles on verra de plus son cours devient trop érudit on veut de l’action cher professeur
après le déjeuner je finis par retrouver michel on passe les tests d’anglais ensemble c’est marrant
puis il part je reste à l’a g de socio puis on reste pour éco po pour voter la motion contre la participation
arrive aurélia puis brice aussi
a g successives
je dîne avec yannis qui mourait de faim
socio économique a g de psychanalyse près de glücksman
Jeudi 30 janvier 1969
18 h histoire des idées politiques
nuit de souffrance atroce je deviens folle avec ces foutues dents
j’ai dit à pierre que je n’aurai pas le temps de le revoir avant son supposé départ à londres déjà retardé de huit jours ni pour l’interviewer sur mai mai on s’en fout maintenant et je perds mon temps
à part ça difficultés pour faire soigner mes dents
mais vincennes c’est passionnant avec michel mon petit camarade de droit on intervient tout le temps on va avoir fort à faire avec les types de l’u e v union des étudiants de vincennes
jeu de mots quitte cette u v rejoins l’u e v
cours très intéressant
Vendredi 31 janvier 1969
18 h 30 droit constitutionnel 21 h 30 soirée chez kiki féraud
si nous voulons lutter activement il va nous falloir d’abord travailler comme des dingues ça a bien commencé il nous faut être les plus forts
je rencontre toujours michel à la bibliothèque nous nous retrouvons entre deux livres il est sympa nous travaillons ensemble assez longtemps
soir je vais chez kiki à un dîner avec gilbert le frère de pierre j’avoue que ça ne m’amusait pas mais ça ne se passe pas trop mal gilbert a l’air de plaire à yves le fiancé de kiki
je me sens un peu bizarre au début sortant de vincennes comme ça me retrouver là c’est étrange j’ai les yeux qui s’enfoncent
comme dit tout de suite yves avec des yeux pareils ou on fait beaucoup l’amour ou on fait la révolution
L’élection présidentielle nous obligeait à voter Emmanuel Macron pour faire barrage à l’extrême droite incarnée par Marine le Pen. Quiconque osait ne pas l’affirmer était rejeté dans les bas-fonds, balayé vers les caniveaux, moqué, vilipendé, ostracisé, nié.
Un an plus tard, je suis convaincue que Marine le Pen n’aurait pas pu faire pire. Elle avait le mérite d’avancer à visage découvert. Nous connaissions l’ennemi. Le président des très riches a avancé masqué, il a toujours eu un discours biaisé, truqué et déloyal vis-à-vis du peuple piégé. Un peuple, abruti par des médias vendus au capital, mais quand même subventionnés par l’argent public, a été convaincu de voter pour le Premier communiant au motif qu’il fallait empêcher l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir.
Comme je ne me laisse pas influencer par les organes de presse officiels, je n’ai pas suivi cette analyse fallacieuse. J’ai donc voté deux fois pour Jean-Luc Mélenchon aux deux tours de l’élection présidentielle. J’avais gardé son bulletin de premier tour. Je savais que mon bulletin serait nul, mais je serais au moins en paix avec ma conscience, la seule à qui j’ai des comptes à rendre.
Quand je vois les horreurs perpétrées au quotidien par un président illégitime, je me réjouis de n’avoir pas voté pour lui. Et si Mélenchon m’avait demandé de voter pour Macron, je serais moins laudative que je ne le suis en ce moment.
Pour empêcher un mal possible, on nous a imposé un mal abusif. Les médias ne sont plus fiables. Les valeurs de l’État ne sont plus garanties. Il est temps de réagir.
France, réveille-toi, le vieux Monde est derrière toi !
La diversité est une richesse
Qui connaît un peu l’Histoire sait que la France s’est construite sur l’immigration. Le monde s’est construit sur l’immigration. L’humanité s’est construite sur l’immigration.
Le repli sur soi est solution temporaire de survie, mais à terme assurance de sclérose et de mort. Sans diversité, un milieu s’appauvrit et finit par disparaître.
En rejetant nos semblables, nous nous condamnons à mourir. En les acceptant, en les accueillant, en les protégeant, c’est nous-mêmes que nous secourons. La diversité est la richesse du genre humain comme des règnes animaux ou végétaux.
Je viens d’une famille nombreuse. Mon père gagnait peu d’argent, 600 francs selon mes souvenirs avant Mai 68, petit employé de surveillance à la librairie Hachette et aux Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne, il en gagnait plus de 1 000 francs après les accords de Grenelle. Rien que pour ce changement de niveau de vie matérielle, je peux témoigner que Mai 68 a été une avancée sociale majeure dans l’Histoire de la France.
Mais l’argent n’était pas le principe premier de la famille. Maman disait quand nous amenions des amis et amies à la maison : « Quand il y en a pour quatre, il y en a pour cinq ! Quand il y en a pour huit, il y en a pour dix ! »
J’ai retenu la leçon. Le partage est toujours plus que la somme de ce qu’on croit posséder. Le partage est source de richesse et non d’appauvrissement.
Voir la vie à l’aune de la mathématique est se limiter avec aigreur.
Partager le peu qu’on a est un bonheur sans frontière.
Le sinistre de l’Intérieur calcule que l’afflux des migrants représente la valeur d’une ville chaque année.
Je doute que ses calculs soient valables. La vie humaine ne se résume pas à des calculs économiques. Elle est plus généreuse que la stricte comptabilité, qui ne fait que mesurer des moyens matériels au mépris des formidables forces spirituelles qui peuvent se libérer si on ne bloque pas les flux d’énergie.
On ne calcule pas ce qu’on partage. Et on trouve ce qu’il faut pour nourrir ses proches et ceux qui en ont besoin. Quel que soit le niveau de revenus, on peut se débrouiller.
Comment rejeter nos semblables ? Nous sommes frères et sœurs d’une même planète. Nous ne sommes pas obligés de vivre tous ensemble, toujours, mais nous pouvons au moins respecter les autres pour nous respecter nous-mêmes. C’est une garantie de survie.
Il s’agit de remettre l’imagination au pouvoir, car laisser les technocrates et les oligarches s’en occuper, c’est aller au casse-pipe comme en Grèce. Si nous laissons la situation actuelle aller au bout de sa logique, nous allons vivre comme les Grecs dans très peu de temps.
Honte à celles et ceux qui nous gouvernent en prétextant le contraire.
Mais cela ne peut pas se prolonger indéfiniment. Un jour, il faudra rendre des comptes.
Quand une situation est mauvaise Il faut la changer
J’ai l’impression d’être encore dans les années 1950 quand j’entrevois ce président cinquante ans après les événements de Mai 68. Nous avions l’histoire derrière nous avec le Général De Gaulle. Il incarnait encore la Libération du pays et, même si dix ans de pouvoir suffisaient, nous gardions du respect pour l’homme qui incarnait l’État en une majesté bien comprise.
Là, quel respect pouvons-nous avoir devant le Premier communiant des années 50 ?
Lui qui dit des énormités injurieuses à chaque intervention non écrite par une plume négrière.
Lui qui croit faire des bons mots sur le dos des Comoriens, des gens qui ne sont rien, des ouvrières illettrées, des fainéants ou des envieux.
Lui qui semble chaque fois si satisfait de lui-même qu’il en devient stupide.
Que va devenir notre pays en de si mauvaises mains ?
Les forces de l’ordre, que l’on voit partout désormais, vont-elles longtemps continuer d’appliquer des ordres odieux contre les étudiants ou les zadistes ?
Un État qui traite si mal sa jeunesse perd le peu de légitimité qu’elle semblait avoir.
Quel crédit pouvons-nous accorder à un président aux dents longues qui parle d’optimisation fiscale quand on l’interroge sur la fraude et l’évasion des capitaux ? Quel respect accorder à quelqu’un qui a toujours trahi, ses amis comme ses propres engagements ?
Quand une situation est mauvaise, il faut la changer.
En Mai 68, il semble que les forces de l’ordre aient résisté aux ordres, dans l’armée et la police. On a évité des drames.
En mai 18, que les forces de l’ordre se réveillent ! Il est temps de tout arrêter. On peut s’étonner qu’il y ait un tel budget pour les équipements des forces de l’ordre quand il n’y en a pas assez pour les hôpitaux ou les maisons de retraite. Quand on dira aux policiers, qui attaquent les universités, les gares et les ZAD, qu’il n’y a plus d’argent pour payer leurs primes, peut-être même pour payer leurs salaires, ou garder leur statut spécial, j’espère qu’il se réveilleront ! On entend déjà des grondements.
Insoumission et résistance doivent être les maîtres-mots pour nous sortir de cette situation qui va être dramatique si on continue sur cette lancée.
Comme disait Gébé dans L’an 01 : « On arrête tout, on réfléchit et c’est pas triste ! »
En Mai 68, les jeunes se sont rebellés. Les ouvriers ont suivi. Les syndicats ont négocié. Les salaires ont augmenté. Une quatrième semaine de congés payés a été accordée. La vie a changé. Les relations humaines se sont modifiées.
Un slogan des manifestations du printemps 2018 est : « Quand tout sera privé, nous serons privés de tout. »
À quoi servira l’État quand tout aura été privatisé ?
Quand tout sera privé, sera-t-il possible à un dictateur d’acheter aussi l’État pour le privatiser ?
C’est l’autoroute que nous lui déroulons, si nous laissons faire ces privatisations généralisées de nos services publics.
Il faut se battre contre les iniquités de ce nouveau régime monarchique.
Le général De Gaulle, avant d’être le sauveur de la France, avait été hors-la-loi sous le régime de collaboration du maréchal Pétain. Ce fut le cas de Nelson Mandela et d’autres combattants des luttes pour leurs pays.
Ne l’oublions jamais : avant d’être légitime, il faut parfois résister au pouvoir en place. Il est temps de se réveiller de ce cauchemar.
Vive Mai 2018 !
Élément déclencheur : l’intervention des CRS dans l’Université
Pour qu’il y ait révolution, il faut un élément déclencheur.
Les violences policières ont été l’élément déclencheur des événements de Mai 68. Elles ont choqué tout le monde, les voisins des quartiers des barricades, les ouvriers dans les usines, tout le monde s’est senti concerné et tout le monde a réfléchi à ses conditions de travail et de vie.
La grève générale a été suivie par dix millions de salariés qui ont réussi à faire plier le régime, à le faire asseoir à une table pour obtenir des acquis sociaux sur lesquels le Premier communiant des années 50 entend revenir par ordonnances et pressions multiples dans tous les secteurs d’activité.
Lorsque je me suis inscrite à la fac de droit d’Assas en octobre 1964, la documentation jointe à mon carnet universitaire expliquait que seul le doyen de l’Université pouvait faire entrer les forces de l’ordre dans les bâtiments.
J’avais été surprise qu’on envisage de faire entrer la police à la fac.
Pour nous, ce n’était pas envisageable. L’Université et l’Église étaient des zones protégées, des asiles de sécurité.
Aussi, à Nanterre en janvier 68, les étudiants sont-ils devenus « enragés » quand ils ont vu entrer des CRS dans l’Université.
L’occupation de la tour s’est organisée spontanément le 22 mars à cause de la mobilisation policière impressionnante dans les locaux.
Plus tard, le doyen Grappin ferme l’université le 2 mai.
Le 3 mai, rendez-vous est donné à la Sorbonne, pour une Assemblée Générale.
Le doyen appelle encore les forces de l’ordre. Et tout explose ! Plus rien n’est maîtrisé. Rien n’avait été prévu par les dirigeants étudiants. Tout est spontané.
Comme à Nanterre en janvier, à l’entrée des CRS une manifestation spontanée se déclenche près de la Sorbonne, appuyée par les lycéens qui sortaient du lycée voisin, Louis le Grand.
Le soutien de la population locale confirme la thèse guévariste de la guerre de guérilla.
La femme du proviseur de Louis-le-Grand me le racontera l’été 69 lors du mariage d’une amie d’enfance au Pouldu, dont j’avais créé la robe. Ils avaient rouvert les grilles pour faire entrer les manifestants.
En 1973, lors d’une retraite d’écriture dans une abbaye savoyarde, une nonne de la Congrégation religieuse non loin du Pot de fer me racontera la nuit du 10 mai dans le quartier autour de la rue Gay-Lussac, lorsque les portes de la chapelle avaient été ouvertes pour que les étudiants puissent se mettre à l’abri des violences policières. Ils avaient respecté l’office des matines des moniales.
Les deux militants du Comité d’Occupation de la Sorbonne, Rabinovitch et Bablon, précisent bien qu’ils n’ont pas supporté de voir la police à la Sorbonne ! Certes, ils étaient engagés dans le militantisme depuis la guerre d’Algérie, mais cette vision leur était intolérable. Les CRS à la fac étaient le symbole de l’oppression. On ne pouvait l’accepter.
Le problème au printemps 2018 est que les violences policières sont devenues la norme quotidienne et que la population est en état de sidération. Que certains trouvent cela normal me choque encore plus ; cela veut dire qu’on s’habitue à l’anormalité des comportements, chemin rapide vers une dictature acceptée, vers une servitude volontaire.
Chaque jour, je visionne en direct les vidéos tournées par une jeune zadiste courageuse, Armelle Borel, juriste, qui nous montrent et nous expliquent le quotidien de l’occupation policière du bocage. Je suis scandalisée. Mais certaines personnes trouvent cet état de fait normal !
Non, cela ne peut pas être normal.
Victor Hugo déclarait à l’Assemblée législative en avril 1851 après le coup d’État du petit Napoléon : « Ce gouvernement, je le décris d’un mot : la police partout, la justice nulle part ! »
C’est devenu un slogan de Mai 2018 : « Police partout, Justice nulle part. »
On en est au même point. Nous avons un petit Napoléon, qui, souffrant d’un complexe d’impuissance, ne peut s’imposer qu’en faisant appel à des forces policières.
Pour en finir avec Mai 68 ? Le réussir en 2018 !
Dans le Gardian, journal de la presse anglaise qui n’est pas à la solde du pouvoir français comme le sont les organismes de presse en France, je vois une équation :
Fillon + Le Pen = Macron
On voulait éviter les deux premiers.
On a les trois pour le prix d’un.
Mai 68 n’était qu’une crise adolescente, la maladie infantile du capitalisme. Maintenant que le néo-libéralisme nous étrangle, il est temps de tirer les leçons de l’histoire.
Je suis étonnée qu’il n’y ait pas plus de débordements dans les manifestations.
Je suis surprise qu’il n’y ait pas encore d’émeutes.
On ne peut imaginer notre pays supporter un tel rouleau compresseur pendant plusieurs années.
Tenir bon.
Oui, pour en finir avec Mai 68, il faut le réussir en 2018 !
Gaelle Kermen,
Kerantorec, écrit en avril 2018, publié sur ce blog le 20 janvier 2019
Extrait de Des pavés à la plage Mai 68 vu par une jeune fille de la Sorbonne, disponible en tous formats numérique et sur broché en impression à la demande (deux formats : normal et grands caractères)
*** Gaelle Kermen est l’auteur des guides pratiques Scrivener plus simple, le guide francophone pour Mac, Windows, iOS et Scrivener 3, publiés sur toutes les plateformes numériques.
L’année 2018 a été un très bon cru, une année féconde, riche en rebondissements, jusqu’au dernier mois. Ce que j’espérais, en écrivant au printemps Des Pavés à la plage Mai 68 vu par une jeune fille de La Sorbonne, s’est matérialisé à la fin de l’année, par des chemins que nous n’aurions jamais osé rêver, ceux des Gilets jaunes, issus de toutes classes de la société, de toutes conditions, multiples et diverses, à l’image de la richesse de la France.
De mon côté plus modeste, je suis assez satisfaite du bilan que je tire en cette dernière semaine de l’année. J’ai bien avancé tous mes projets prévus et je me suis offert le luxe d’écrire deux projets imprévus, qui se sont imposés à moi au printemps et à l’automne et que j’ai pu construire lors des mois de NaNoWriMo, en avril et en novembre.
Voici un bilan des publications indépendantes que j’ai menées à bien en 2018. Je mets des liens universels, permettant d’acheter les livres sur les plateformes que vous préférez selon vos tablettes et supports de lecture numérique.
La publication de deux guides Scrivener plus simple
Scrivener 3.0 Introduction aux Tutoriels anglais le 19 janvier 2018. Ce guide est gratuit, il est conseillé de commencer par lui avant d’aborder le suivant, plus complet dans la prise en main du logiciel de bureau. https://books2read.com/u/baz5j6
Scrivener 3 plus simple Guide francophone de la version 3.0 pour Mac le 2 février 2018. Un guide pratique d’initiation au logiciel de bureau. books2read.com/u/31x56D Versions numériques disponibles sur Amazon, Smashwords, Apple, Kobo, Iggybook
Révision complète de deux livres précédemment publiés.
Le Journal 60, formaté sur Word en 2011, était refusé en Premium par Apple (table des matières non conforme).
Le guide Smashwords plus simple pour les francophones était également refusé par Apple parce qu’il pointait vers Amazon (concurrent) et que j’avais mal orthographié Apple iBooks Store (plus tâtillon, on meurt). Relecture en epub sur l’application iBooks, corrections sur Scrivener 3 avec Antidote 9
Republication sur Amazon et Smashwords (Apple, Kobo Fnac)
Une nouvelle aventure littéraire : la quête des archives
Des pavés à la plage, Mai 68 vu par une jeune fille de la Sorbonne, archives, souvenirs, bilans Recherches faites dans les archives en février et mars 2018
Rédaction lors du Camp NaNoWriMo de printemps en avril 2018 sur iPad iOS
Corrections en mai 2018 sur Scrivener 3 et Antidote 9
Kerantorec un domaine breton (en cours d’écriture)
Entre Kerantorec et moi, c’est une histoire d’amour. Comme dans les histoires d’amour, il y a de la passion, des drames, des douleurs, des grandes joies, des épreuves, des réussites, des vilains, des rencontres et beaucoup de petits bonheurs.
Je raconte l’histoire de mon village avant moi, au cours des siècles depuis la préhistoire, puis l’histoire des Travaux d’Hercule que j’y ai faits moi-même. J’y vis la vie que je rêvais dans ma jeunesse. Son histoire peut être inspirante pour d’autres créateurs, comme elle l’a déjà été pour des artistes et écrivains passant par Kerantorec.
Kerantorec un domaine breton a été commencée lors du NaNoWriMo de novembre 2018. J’ai construit la charpente de l’ouvrage. Elle s’est actualisée lors de la restauration du toit de chaume en ardoise sur la partie la plus exposée et sinistrée de la maison. J’ai suivi les travaux des couvreurs au jour le jour, avec une belle admiration pour leur savoir-faire. L’histoire se développera en 2019 dans la relation de mes travaux précédents que j’ai faits moi-même sur mon territoire.
L’assistance numérique à deux auteurs francophones
Désormais, j’ai les bons outils pour écrire mes propres écrits, mais aussi pour aider des auteurs amis à corriger et formater les leurs. J’ai donc eu l’honneur de participer à deux belles aventures littéraires.
Nous avons eu différentes séquences de travail pour mettre en forme un manuscrit abouti. Avec l’auteur sur place à Kerantorec pour mettre au point les conventions de correction. Deux rencontres passionnantes.
Puis seule. Relecture du format epub sur l’iPad (soulignement des erreurs).
Le texte étant très riche, très dense, très documenté, avec de nombreuses citations, il a fallu plusieurs relectures. Les corrections on été faites sur Scrivener 3 avec Antidote 9.
Quatre éditeurs étudient le manuscrit de Waiting for Tina. Nouvelles l’an prochain.
Ces livres étaient d’abord un seul projet écrit lors du premier Camp NaNoWriMo de janvier 2017, projet développé au NaNoWriMo de novembre 2017, qui a sécrété plusieurs ouvrages spécifiques. Gardés dans mon Journal_2018, sur l’iPad et l’application Scrivener iOS, ces dossiers se voient souvent étoffés de paragraphes ou chapitres supplémentaires au fils des jours et des mois. Méthode de travail particulièrement efficace que je vais expliquer dans un prochain article.
Gaelle Kermen,
Kerantorec, le 27 décembre 2018
Crédit couvertures : Adam Molariss for Indiegraphics
sauf Journal 60 : GK
Première Une de Mai 68 : le Nouvel Observateur du 30 avril au 7 mai 1968
Le film de Michel Cournot à Cannes
Très émue de commencer cette série de publication de Unes de journaux d’archives par la couverture de la revue Le Nouvel Observateur avec le profil de Cournot.
Au cours de ma vie, il m’est arrivé de raconter certains éléments essentiels de mes années 60, je parlais alors de l’importance qu’avait eu, au début de mes études, ma lecture hebdomadaire des articles de Michel Cournot sur le cinéma dans Le Nouvel Observateur auquel j’étais abonnée. Parfois, j’ai rencontré des gens qui lisaient aussi le Nouvel Observateur rien que pour les chroniques de Cournot. Nous nous reconnaissions admirateurs de Cournot, soudain émus et nostalgiques d’une époque révolue. Les adorateurs de Cournot sont aussi décalés en cinéphilie que les fans de Kevin Ayers en musique pop des années 70 ou les lecteurs de Malcolm Lowry en littérature anglo-saxonne des années 50. Une espèce à part, avide de champs inexplorés, de découvertes enthousiastes, hors des chemins balisés par la mode imposée. Nous formions presque une société secrète.
Michel Cournot fait partie des personnes qui m’ont donné envie d’écrire et m’y ont encouragée. Son univers était toujours hors des sentiers battus, mais il nous faisait, dans un simple article, vibrer de tant de façons qu’on se sentait régénéré pour la semaine, dans l’attente du jeudi suivant pour le prochain article.
En avril 68, juste avant les événements de Mai qui allaient annuler le Festival de Cannes pour la première fois depuis sa création, Michel Cournot n’était plus critique de cinéma au Nouvel Observateur. Il avait été viré dès 1966, parce que les lecteurs normaux n’aimaient pas qu’il « parle de tout, sauf de cinéma ».Il avait été remplacé par Jean-Louis Bory, qui avait eu le prix Goncourt pour son roman Mon village à l’heure allemande.
Michel Cournot avait tourné un film Les Gauloise bleues. Il devait être projeté au Festival de Cannes. Le Festival n’a pas eu lieu. Cournot n’est pas entré dans l’histoire du cinéma. Mais il est resté dans le cœur et la mémoire de quelques uns d’entre nous, qui lui rendons encore hommage après plus d’un demi-siècle.
De la revue, je n’ai gardé que la couverture dans mes archives.
Les hasards des déménagements impliquaient des choix, j’ai arraché la couverture de ce numéro de Mai, sans doute quand, au mois de juin 1968, j’ai brûlé beaucoup de papiers avant de quitter la rue Visconti où j’habitais avec mon révolutionnaire malgache, Michel Bablon. Il m’a fait brûler des revues cubaines qui pouvaient être compromettantes si une descente de police arrivait dans l’appartement que nous avions prévu de quitter par les toits… Je ne pouvais pas brûler Cournot !
Je regrette de n’avoir pas conservé la collection des numéros du Nouvel Observateur, restées chez mes parents à Saint-Leu-la-forêt, qui ont dû aussi faire des choix quand ils sont revenus habiter en Bretagne.
J’ai gardé les livres de Michel Cournot dans ma bibliothèque, près de ceux de son neveu Patrice Cournot. Tous deux ont été des phares dans ma vie.
Bibliothèque : livres de Michel et Patrice Cournot (archives personnelles)
J’aimerais tellement pouvoir relire tous les articles de Cournot.
Ils mériteraient une réédition dans un recueil dédié à son souvenir, rien que pour lui.
Gaelle Kermen,
Kerantorec, le 30 avril 2018
Livres de Michel Cournot :Le premier spectateur et Enfants de la Justice
Livres de Patrice Cournot :Le jour de gloire, Le bonheur des autres, Le retour des Indiens Peaux-rouges
Mes cahiers sur cette époque :Le vent d’Avezan et Le soleil dans l’œil.
« Les réalisateurs Milos Forman, Jan Nemec, Michel Cournot, Salvatore Samperi et Mai Zetterling ont un film engagé en compétition mais, témoins de la scène, ils se rangent immédiatement aux côtés des contestataires et se retirent du concours, encourageant les autres candidats et les membres du jury à les rejoindre. »
Brouillon de l’article remis à la revue Esprit, 19 rue Jacob, Paris, Ve, après le concert du 3 octobre 1971 de Johnny Halliday au Palais des Sports, avec Gary Wright Wonder Wheel en première partie et Michel Polnareff au piano.
Support : papier pelure, dupliqué par papier carbone Armor (marque déposée par la Société Galland et Brochard à Nantes en 1925)
Archives 1971 de Gaelle Kermen
Kerantorec, le 8 décembre 2017
Extraits du carnet de voyage du mois d’août 1970 tenu par Gaelle Kermen au cours du Festival Isle of Wight 1970 à paraître dans les cahiers 1970. Photos inédites de Jacques Morpain.
Personnages Gaelle Kermen, étudiante à la fac de Vincennes Paris-8, diariste, 24 ans,
son petit frère Bruno, 12 ans
son cousin Jacques Morpain, étudiant à la fac de Paris-Dauphine, photographe, 23 ans
Texte de Gaelle Kermen (1970) Photographies de Jacques Morpain (1970)
Tout a été pris sur le vif, sans censure, tel que le festival a été vécu, en direct.
île de wight lundi 31 août 1970 matin du départ
réveil sur la pente au milieu des boites de conserve et des feuilles de journaux emportées par le vent
le ciel est couvert
c’est richie heavens qui termine ce festival égal à lui-même avec grande force et virulence
dernier jour à wight
on n’a pas pu entendre beaucoup richie heavens il fallait plier bagages et partir avant qu’il ne soit trop tard on l’entendait derrière les tôles
un dernier passage aux toilettes
déjà la queue s’étendait sur des miles et des miles pour quitter l’île
en bons français on a essayé de resquiller mais ça n’a pas marché alors comme tout le monde on a piétiné sagement ou presque
c’était sinistre ce petit matin gris sur le camp de tôles
comme si le festival était condamné
l’impression que c’était fini et qu’on ne reviendrait pas et finalement une forte envie de sortir de là de cette crasse
on a attendu cinq heures
au bout de trois heures il s’est passé quelque chose de surprenant
la queue s’est dissoute
sans doute certains sont passés devant les autres
des français vraisemblablement
et tout le monde a suivi
alors on s’est retrouvés pressés en masse sur une largeur de 20 mètres de fils de fer barbelés tendus par les bobbies toujours imperturbables
impossible d’avancer
c’est vers ce moment qu’il s’est mis à pleuvoir les premières gouttes de notre semaine anglaise
quelques no rain no rain ont tenté de jaillir comme à woodstock mais ça a fouarré
peu de communication
un seul type a failli faire copuler la masse
il avait profilé de la cohue pour rafler un paquet de tranches de pain sur l’étalage d’un marchand de soupes et sandwiches et il le distribuait autour de lui
ça a failli être beau mais ça n’a pas duré
et il a plu
certaines nanas avaient des robes légères et les bras nus
on a essayé aussi de chanter we shall overcome sans grande conviction non plus premier couplet et fini
les bobbies sont très calmes
ils attendent qu’on soient rangés avant de nous laisser monter dans les cars qui attendent vides depuis une heure
un officier se décide à demander qu’on recule pour déblayer la route please will you please
évidemment nos flics français prendraient moins de gants et moins de temps pour nous faire dégager
c’est touchant cette politesse mais prodigieusement agaçant totalement inefficace
d’ailleurs un anglais furieux hurle use your brain injure suprême
finalement j’en ai marre ça a duré trop longtemps cette gentille attente maintenant à chaque poussée je gueule systématiquement
je gueule ma non-violence je l’oublie je ne supporte plus la promiscuité de ces corps autour de moi et je suis responsable de bruno qui à chaque fois reçoit un coup de sac à dos dans la gueule
alors je hurle
il semble que ça paye car les bobbies se retournent inquiets
nous avons pu monter dans le prochain car
épuisement
chaleur
un dernier bain à ryde s’avère nécessaire
puis on prend l’hovercraft
à portsmouth un chauffeur de taxi nous dit que wight avait été le plus grand festival du monde c’était le mieux organisé aussi parait-il the best ever organised festival of the world
dire qu’on aurait le courage de retourner à wight l’an prochain s’il y a un autre festival pour l’instant ce serait difficile
à moins bien sûr que dylan revienne
mais on ne regrette pas d’être venus
ça valait le coup
mélanie éveillant le soleil c’est peut-être la plus belle chose qu’il m’ait été donné de voir en intensité en étrangeté
fin du carnet de voyage sur le festival de wight 70
Texte de Gaelle Kermen – Crédit photos : Jacques Morpain 1970 en mémoire de Bruno le Doze (10/11/1957-10/09/1997) page hommage 1997 ACD Carpe Diem 2017
Extraits du carnet de voyage du mois d’août 1970 tenu par Gaelle Kermen au cours du Festival Isle of Wight 1970 à paraître dans les cahiers 1970. Photos inédites de Jacques Morpain.
Personnages Gaelle Kermen, étudiante à la fac de Vincennes Paris-8, diariste, 24 ans,
son petit frère Bruno, 12 ans
son cousin Jacques Morpain, étudiant à la fac de Paris-Dauphine, photographe, 23 ans
Texte de Gaelle Kermen (1970) Photographies de Jacques Morpain (1970)
Tout a été pris sur le vif, sans censure, tel que le festival a été vécu, en direct.
île de wight dimanche 30 août 1970 dernier soir
je venais de penser qu’il n’y avait rien de comparable avec l’an dernier en bas la foule n’a pas la force compacte de celle qui attendait dylan pour rappeler l’atmosphère on a mis le disque hare krishna importance psychanalytique du besoin de recréer les situations mais ça ne marche pas
puis jethro jull très bon dingue
enfin jimi hendrix bien parti il joue l’hymne anglais comme il avait joué l’hymne américain à woodstock
mais il semble ne pas avoir la forme qu’il avait à woodstock
avec hendrix j’ai eu de nouveau l’impression que personne ne croyait plus à la musique à la paix à l’amour ni ceux qui chantaient ni ceux qui les écoutaient
tout au long du festival la question d’argent était revenue trop souvent
le même speaker qui avait pleuré sur ses millions de livres de déficit annonce joyeusement que six cent mille personnes sont venus à wight et que c’est magnifique
joan baez passe après jimi
elle parle de son mari l’armée américaine le change régulièrement de prison now he is at new-york
je m’ennuie
ou alors je l’ai entendue trop souvent raconter la même chose six fois déjà elle a toujours le même répertoire une chanson de dylan en premier puis let it be des beatles qu’elle a toujours aimé là c’est oh happy days oh my god
j’ai adoré joanie j’aimais son visage de femme forte d’intelligence l’an dernier elle avait coupé ses cheveux courts comme après une psychanalyse je l’aimais pour un beau geste qu’elle avait eu un soir de printemps à paris au bullier en 1965 elle parlait de non-violence de gandhi de martin luther king j’y croyais c’était la belle époque du mcaa enfin le mouvement contre l’armement atomique des marches de la paix à taverny
ce soir-là au bullier joanie avait été prise à partie par des marxistes-léninistes et dany cohn-bendit s’était approché du micro pour la défendre oui oui oui comme je vous le dis dany était fou de joanie et joanie dans son émoi lui avait pris la main et dany flamboyait c’était très beau
ensuite quelqu’un avait parlé de dylan ils étaient séparés déjà elle a eu un beau geste de la chevelure pour éluder il a changé elle a dit et il y avait dans son geste de la main toute la souffrance des femmes abandonnées avec une rare beauté
je l’aimais pour ça et pour sa brillance spirituelle ironique typiquement américaine maintenant elle m’ennuie
elle est la première accusée de se faire payer trop cher
alors elle s’est décidée à dire qu’elle donnait son cachet de 12 000 livres en partie à des retardés mentaux et en partie à son école de non-violence de carmel un peu trop tard
on a du mal à y croire et c’est bien dommage parce qu’elle au moins avait l’air d’y croire à la musique à la paix à l’amour
léonard cohen passe après joan baez
il est 4 heures du matin
ici sur la colline le vent de la mer repousse les paroles
je cherche des bribes de chanson dans le vent
je pensais que la voix cassée pleine de charme trouvait sa véritable dimension autour d’un simple feu de bois comme ça devait l’être à hydra d’après ce que m’a raconté platon lorsque nous étions en toscane ils étaient amis à l’époque de song for a room
mais il suffit de descendre quelques mètres pour jouir de l’amplitude douce et écorchée des chansons de cohen
plusieurs sont de l’album song from a roomdont i know tonight will be fine avec une nouvelle manière de s’accompagner
sa voix se fait plus impératrice plus exigeante sur la foule en grande partie endormie à cette heure de la nuit
il fait bien son boulot
mais il manque une dimension celle que mélanie a su capter au petit matin
après seams so long ago nancy il a dit good night friends
ça n’a pas déliré
ou je me suis endormie
Texte de Gaelle Kermen – Crédit photos : Jacques Morpain 1970 en mémoire de Bruno le Doze (10/11/1957-10/09/1997) page hommage 1997 ACD Carpe Diem 2017
Extraits du carnet de voyage du mois d’août 1970 tenu par Gaelle Kermen au cours du Festival Isle of Wight 1970 à paraître dans les cahiers 1970. Photos de Jacques Morpain.
Personnages Gaelle Kermen, étudiante à la fac de Vincennes Paris-8, diariste, 24 ans,
son petit frère Bruno, 12 ans
son cousin Jacques Morpain, étudiant à la fac de Paris-Dauphine, photographe, 23 ans
Texte de Gaelle Kermen (1970) Photographies inédites de Jacques Morpain (1970)
Tout a été pris sur le vif, sans censure, tel que le festival a été vécu, en direct.
île de wight dimanche 30 août 1970 après-midi
plus tard nous remontons au festival et là c’est une sacrée fumisterie
nous avons pu entrer dans l’arène puisque maintenant c’est free depuis l’attaque des palissades je me demande comment on a osé faire payer 3 livres pour ne rien entendre impossible de discerner la jolie voix de l’adorable donovan
en bas ça ressemble maintenant à un meeting organisé par le parti communiste au bois de vincennes on est venus en famille passer le dimanche après-midi au festival on est allongés au soleil on n’entend que dalle on participe à peine comment le pourrait-on puisqu’il semble que seuls les premiers rangs jouissent de la touchante présence de donovan
bref il n’y a que sur la colline qu’on entende quelque chose la colline c’est toute la grandeur du festival la nuit ça a autant de gueule qu’un pèlerinage à lourdes je ne suis jamais allée à lourdes mais je m’attends souvent à voir tomber à genoux les gens sur cette colline comme je l’avais vu à la salette quand j’étais petite
mais où est celui ou celle qui nous fera mettre à genoux ce soir dylan n’est pas là i misses him m’a dit un américain
dylan reste le plus grand on vend ici son disque illégal bootlegger un disque tout blanc très rare au prix de 2 livres et demi on vend aussi son tarentula ce qui devait être son roman écrit au fil des chambres d’hôtel ou autre mais qu’il n’a pas publié parce qu’il a eu son accident de moto tarentula est une soixantaine de pages polycopiées signées robert zimmerman son vrai nom pour 10 shillings
rien n’est comparable à dylan je me rappelle la retransmission du festival de wight 69 faite par michel lancelot sur europe 1 dans campus
il annonçait parfois tranquillement l’arrivée des beatles ou des stones dans l’assemblée eux qui déchaînent les foules quand ils se produisent quelque part ici leur arrivée ne troublait personne ils étaient là comme les autres au même titre que les autres venus voir le plus grand
le film de pennbakerdont’ look back sur dylan passe ici le soir nous l’avons vu à londres au paris-pullman un dylan d’il y a 5 ans en 65 un dylan insoupçonnablement beau des yeux tendres aux longs cils des cheveux d’ange un dylan qui n’a rien a voir avec celui des photos habituelles ni avec celui de l’olympia 66 un dylan vivant mouvant riant mordant un dylan incisif et doux
deux très belles scènes dans le film l’une est plus ancienne que le film et date des débuts de dylan chantant only a pawn in their game entouré d’ouvriers noirs il articulait consciencieusement dans le micro il avait les cheveux plus courts et encore cet air de boy-scout qui aurait grandi
l’autre se passe dans une chambre d’hôtel à londres entre deux concerts à l’albert hall joanie baez chante une mélodie très douce longs cheveux noirs autour du visage grave elle s’accompagne à la guitare dylan est devant sa machine à écrire il écrit tac tac tac tac de temps en temps il s’arrête et se laisse bercer par le rythme de la berceuse de joanie puis il reprend tac tac tac tac elle continue avec love is just a four letters word de lui bientôt il prend lui-même une guitare et il improvise avec elle
oui je crois que dylan est le seul qui me ferait mettre à genoux sur cette colline
pentangle bon groupe musique brillante la chanteuse jacqui mac shee est agréable à entendre enfin un groupe qui ne se traîne pas dans l’après-midi
le soir la musique jaillit plus spontanément plus naturellement ce groupe commence à accélérer le rythme de la journée mélodies sans grande originalité mais bien menées il nous semble les avoir toujours connues dans une enfance anglo-saxonne
mais si pentangle a bien commencé eux aussi se traînent maintenant ou alors c’est le vent qui a tourné on attend toujours plus ce festival n’a plus grande motivation je compte sur hendrix et heavens pour chauffer la nuit car ni cohen ni baez n’auront assez d’énergie pour transcender ce festival
les moody blues enfin
le soleil s’embrume dans leurs délicates harmonies dont le melotron retranscrit tous les sons d’un orchestre symphonique ils auraient sans doute gagné à jouer la nuit mais ils terminent ce que mélanie avait éveillé le jour avec un grand calme et beaucoup de rêve
bien sûr on a droit à night in white satin tube célèbre depuis deux étés au moins et de leur opéra days of future passed puis c’est timothy leary is dead de leur search of the lost chord hommage à la drogue hommage à la sagesse hommage à om om om
dans le ciel vibrant un cerf-volant cherche aussi des harmonies perdues dans le rythme ils font un beau succès les moody blues grande classe
l’année dernière le melotron était tombé en panne sur scène la foule avait attendu calmement que celui des moody blues qui l’a inventé l’ingénieur le répare très britannique comme attitude
un organisateur s’obstine à dire que ce n’est plus la peine de détruire les palissades puisque le festival était gratuit désormais
il n’avait pas compris que les plaques de tôle qui s’en allaient comme des petits pains servaient à se protéger du vent pour la nuit
un type à qui on demandait comment il s’était débrouillé pour gagner de l’argent à wight nous a dit ben on faisait des baraques et on les revendait
Pentangle on stage
Texte de Gaelle Kermen – Crédit photos : Jacques Morpain 1970 En mémoire de Bruno le Doze (10/11/1957-10/09/1997) page hommage 1997 ACD Carpe Diem 2017
Extraits du carnet de voyage du mois d’août 1970 tenu par Gaelle Kermen au cours du Festival Isle of Wight 1970 à paraître dans les cahiers 1970. Photos de Jacques Morpain.
Personnages : Gaelle Kermen, étudiante à la fac de Vincennes Paris-8, diariste, 24 ans,
son petit frère Bruno, 12 ans
son cousin Jacques Morpain, étudiant à la fac de Paris-Dauphine, photographe, 23 ans
Texte de Gaelle Kermen (1970) Photographies de Jacques Morpain (1970)
Tout a été pris sur le vif, sans censure, tel que le festival a été vécu, en direct.
île de wight dimanche 30 août 1970 midi sur la plage
dimanche midi sur la plage
comme il ne se passe plus rien on descend vers la plage de l’autre côté de la colline là aussi pour descendre la falaise c’est la queue anglaise bien tranquille sauf pour les hells angels qui sautent dangereusement
nous descendons par un chemin escarpé
en bas c’est la foule comme une grande migration venue des collines les hillbillies descendent
beaucoup sont nus les inhibitions s’annihilent
une danse effrénée commence en rite primitif appels sur l’eau rythmés par les mains frappés ou des galets entrechoqués peace peace peace les mains lancent l’eau vers le ciel en prière de fécondité quelque chose de très beau quelque chose de très grand
à bout de forces le groupe qui était devenu immense se dissipe
un peu plus loin sur la plage une fille et un type dansent nus rythme des mains autour d’eux
beaucoup de photographes enfin quelque chose de folklorique à prendre
tout à l’heure un type s’est baigné en même temps que moi il s’est assis ensuite derrière nous ils étaient français je croyais qu’ils nous avaient entendu parler français nous aussi je l’ai entendu dire je voudrais prendre une photo d’elle mais ça m’ennuie de la prendre à son insu dans cette position son copain lui dit demande lui
ils se sont levés le jeune type barbu qui s’était baigné en même temps que moi s’est approché excuse me please may i j’ai dit je suis française ah bon alors est-ce que je peux vous prendre en photo oui de toutes façons je suis myope
très ému il m’a photographiée très timide il a dit merci
après le voisin de jakez un français aussi lui a demandé s’il pouvait photographier sa femme
et puis après les gens ne demandaient même plus c’était la mitraille
c’était magnifique cette offrande des corps au soleil et à la mer au pied des falaises de wight peut-être un des plus beaux moments à conserver au cœur avec ce matin la voix étrange de mélanie éveillant la colline et la campagne rien que pour ça ça valait le coup de venir à wight
Crédit photos : Jacques Morpain 1970 en mémoire de Bruno le Doze (10/11/1957-10/09/1997) page hommage 1997 ACD Carpe Diem 2017
Extraits du carnet de voyage du mois d’août 1970 tenu par Gaelle Kermen au cours du Festival Isle of Wight 1970 à paraître dans les cahiers 1970. Photos inédites de Jacques Morpain.
Personnages Gaelle Kermen, étudiante à la fac de Vincennes Paris-8, diariste, 24 ans,
son petit frère Bruno, 12 ans
son cousin Jacques Morpain, étudiant à la fac de Paris-Dauphine, photographe, 23 ans
Texte de Gaelle Kermen (1970) Photographies de Jacques Morpain (1970)
Tout a été pris sur le vif, sans censure, tel que le festival a été vécu, en direct.
île de wight dimanche 30 août 1970 matinée
vers dix heures les barricades sont attaquées juste au pied de notre colline entre les deux barricades les flics attendent avec les chiens une brèche se fait des deux côtés sur une musique de richie heavens qui souhaite good morning in the sunshine
10h15 attaque des chiens dans la grande brèche sur musique toujours pleine d’humour it’s a lazy day trois minutes avant des messages en français proclamaient ce n’est qu’un début très impressionnante cette attaque des chiens avec des échanges de coups rythmés de loin en loin par les chocs des tôles qui tombaient et un disque très caustique de mélanie encore
c’est l’attaque de l’univers concentrationnaire
10h30 il y a six chiens pas plus
un type traverse le passage entre les deux palissades au milieu il se retourne avec naturel et fait signe aux autres ça y est c’est gagné ils passent tout le monde passe ce n’est qu’un début continuons le combat
les chiens aboient toujours des mecs de l’autre côté de l’arène essaient de remettre les palissades mais en vain les contestataires entrent dans l’enceinte
au micro un type parle en français car bien sûr les français sont tenus comme responsables des troubles les français aidés des hells angels bien sûr
et aussi des anarchistes algériens il paraît
mais où vont-ils chercher ça
le type donc nous fait savoir que les organisateurs prétendent avoir un déficit de 90 millions de livres ce qu’il aurait aimé pouvoir vérifier pour lui le problème est que 200 000 jeunes sont venus ici à wight sans argent pour la plupart en stop dormant par terre pour voir des types qui touchent une fortune pour faire les pitres devant nous la question est de savoir pourquoi ils demandent de telles sommes tout en se prétendant pour la paix la liberté et l’amour
il se proposait de le leur demander quand il a été coupé place à la musique
il semble que les français soient d’accord avec lui ça rejoint ce que nous disait hier soir le journaliste qui nous a interviewés les anglais n’ont pas conscience d’être récupérés ils acceptent de payer 3 livres parce que les types qui chantent se font payer des millions alors que les français refusent de payer 3 livres parce qu’ils n’admettent pas que les chanteurs soient payés des millions
de même les anglais ne se sentent pas brimés par les palissades de tôle qui pour les français rappellent l’univers concentrationnaire et ils pensent tout de suite à changer l’état des choses
qui a raison les jeunes anglais semblent choqués par les incidents quelqu’un dit que ce qui est arrivé ces dernières heures is really disgusting
Texte de Gaelle Kermen – Crédit photos : Jacques Morpain 1970 en mémoire de Bruno le Doze (10/11/1957-10/09/1997) page hommage 1997 ACD Carpe Diem 2017
Extraits du carnet de voyage du mois d’août 1970 tenu par Gaelle Kermen au cours du Festival Isle of Wight 1970 à paraître dans les cahiers 1970. Photographies de Jacques Morpain.
Personnages : Gaelle Kermen, étudiante à la fac de Vincennes Paris-8, diariste, 24 ans,
son petit frère Bruno, 12 ans
son cousin Jacques Morpain, étudiant à la fac de Paris-Dauphine, photographe, 23 ans
Texte de Gaelle Kermen (1970) Photographies de Jacques Morpain (1970)
Tout a été pris sur le vif, sans censure, tel que le festival a été vécu, en direct.
île de wight dimanche 30 août 1970 au matin
vers 6 heures je suis éveillée par cette voix étrange qui dissipe rauquement les brouillards sur la colline sur la campagne sur la mer c’est mélanie la petite mélanie seule en scène avec juste une guitare elle est très loin et pourtant très proche
en bas les corps sont toujours étendus entre les feux épars
ici sur la colline des têtes ébouriffées sortent des sacs de couchage des bustes se redressent et applaudissent ce matin trop beau
mélanie qui lance sa voix vers le ciel
mélanie presque fragile qui casse sa voix pour mieux l’insinuer entre les dernières brumes entre les dernières fumées des derniers feux qui se rallument les uns après les autres
mélanie qui éveille la colline et les champs là-bas jusqu’à la mer immense
mélanie étrange et délicate quid’un coup de baguette magique laisse deviner le soleil derrière la colline
mais c’est déjà fini
elle a disparu
à sa place un disque des beatleshe comes the sun mais avec mélanie le soleil était plus émouvant et plus grandiose
le disque continue avec le cri d’un coq pour nous réveiller good morning
les anglais ont toujours le sens de l’humour
de l’autre côté de la colline l’herbe s’étend doucement en terrain de golf jusqu’aux falaises qui dominent la mer
le soleil a jailli d’entre les nuages en un cercle de feu parfait et tout est beau parmi les ordures qui jonchent le terrain
j’ai tout effacé
moi qui ne supporte plus la crasse
en m’asseyant sur une motte de terre cernée de boites de conserve vides de bouteilles et de sacs en papier déchirés et tout et tout j’oubliais tout fascinée par mélanie et le spectacle qu’elle avait fait surgir au petit matin du dimanche
vers 9h nouveau réveil
les gens sont restés dans l’arène depuis la fin de l’entertainment et c’est bien normal puisque mélanie a fini de chanter à 7 heures on ne voit pas très bien pourquoi ils s’en iraient ça devrait être musique ininterrompue
mais il y a un problème de billets
les organisateurs avaient peur qu’ils ressortent revendre leurs billets aux nouveaux arrivants après s’être fait mettre une marque sur la main à la sortie réservée à ceux qui ont déjà un billet
c’était un peu compliqué et les organisateurs avaient de plus en plus peur de perdre de l’argent
ils en avaient déjà perdu la voix à force de demander please please will you go out
comme personne ne bouge une nana propose que tous ceux qui étaient dans l’enceinte brûlent leur billet
ils deviennent mesquins ces organisateurs
les grands arguments dégringolent on veut créer un new world et on n’est même pas capable de rester en paix le monde entier nous regarde
on nous fait ce chantage de la paix et de l’amour chaque fois que les organisateurs ont peur de ne pas rentrer dans leurs frais
si vous ne délogez pas de la colline on arrête le festival
si vous ne sortez pas de l’arène on arrête le festival
je me rendors
Texte : Gaelle Kermen – Crédit photos : Jacques Morpain 1970 en mémoire de Bruno le Doze (10/11/1957-10/09/1997) page hommage 1997 ACD Carpe Diem 2017
Extraits du carnet de voyage du mois d’août 1970 tenu par Gaelle Kermen au cours du Festival Isle of Wight 1970 à paraître dans les cahiers 1970.
Personnages : Gaelle Kermen, étudiante à la fac de Vincennes Paris-8, diariste, 24 ans,
son petit frère Bruno, 12 ans
son cousin Jacques Morpain, étudiant à la fac de Paris-Dauphine, photographe, 23 ans
Texte de Gaelle Kermen (1970) Photographies de Jacques Morpain (1970)
Tout a été pris sur le vif, sans censure, tel que le festival a été vécu, en direct.
île de wight samedi 29 août 1970
c’est très beau cette colline sertie de feux de camp avec la mer au loin en vibration
bien sûr l’air s’est rafraîchi tout est humide il a fait trop beau dans la journée mais nous dormons à la belle étoile
juste éveillée parce que je reconnaissais dylan dans days of 49 qui résonnait étrangement dans la nuit
c’était un disque il était 4h30
au réveil nous voyons sortir de la tente voisine notre cousin gaby et son copain jean-pierre nous avons dormi à deux mètres d’eux
disques toute la matinée
enfin vers midi et demi john sebastian est annoncé
tout le monde est debout bras levés puis on se donne la main une gigue effrénée démarre ça a de la gueule vu de haut
john sebastian arrive aussi beau qu’à woodstock et nous souhaite un good morning dans cette isle of wight ce qu’il chante est bien gentil mais je n’en raffole pas à woodstock il avait joui du fait que juste avant lui on avait annoncé la naissance d’un bébé alors il avait enchaîné sa chanson sur les bébés les papas et cetera ici il chante plusieurs airs connus ça chauffe un peu il essaie de faire chanter mais il n’a pas la chaleur d’un pete seeger pour entraîner les foules ça reste mièvre
l’arène se remplit dans un cercle quelques voitures bizarres évoluent entre le buggy et la soucoupe volante surmontées d’antennes s’agitant au rythme de leurs déplacements
il y a des drapeaux américains soviétiques anarchistes la croix gammée des hells angels voisine avec the jesus revolution tout coexiste sans encore vraiment copuler
sur la colline l’ambiance monte avec le vent
sur cette colline c’est un monde à part qui s’organise
on voit passer des types avec des branchages il y a une grande activité chez les hillbillies
incroyable l’imagination des gens pour se loger
les premiers arrivés au festival dès mercredi avaient pu se servir des bottes de paille autour de l’enceinte de tôle et s’étaient construit de véritables petits hôtels avec appartements indépendants sur les portes en carton ou en toile chiffonnée on lisait les prénoms des heureux occupants
sur la colline on se sert surtout des buissons et des plaques de la palissade qui eut le mauvais goût de longer le sommet de la colline pour empêcher les hillbillies de descendre à la plage bien sûr elle a été démontée et réemployée
les chanteurs défilent l’après-midi dans le soleil
joni mitchell fait un beau succès
les anglais l’adorent
en france elle est beaucoup moins connue
longue robe jaune safran de moine bouddhiste longs cheveux blonds sur guitare
voix belle bien modulée
mais un peu décevante sans vrai tonus
après joni mitchell on a droit à tiny tim affreux petit mec remuant délirant et désopilant
voix dingue en réminiscences des vieux disques de 1925
il met enfin une touche hilarante dans ce festival où les gens ont presque tous tendance à se prendre au sérieux il nous arrache des éclats de rire malgré nous
très enlevé il passe des rythmes de graine de violence à ceux des années trente de rock and roll the clock à alexander band rag time tout y passe même down by the river enfin l’ambiance chauffe et c’est pour l’instant le meilleur moment on se demande où il va chercher sa voix il semble ne pas se fatiguer il peut changer n’importe quoi et ça marche à fond tout le monde tape dans les mains debout on s’attend même à l’entendre chanter god save the queen
miles davis j’accroche moins
ou je m’endors déjà
quelques airs de country western en entracte
gigue et polka ça marche toujours pour mettre de l’ambiance
mungo jerry commence avec in the summer time ça marche très fort puisque c’est le tube de l’été
beaucoup de monde maintenant dans la nuit douce on se sent proches
des feux s’allument
les gens de l’île viennent de l’autre côté de la colline en famille pour assister de haut au spectacle
et les voilà les ten years after tant attendus en merveilleux échos de batterie roulant de la colline à la mer that’s great
il y a eu aussi les doors et les who très bons
mais tard dans la nuit et je crois que j’ai dormi
la nuit est belle pas humide comme la dernière
Crédit photos : Jacques Morpain 1970 en mémoire de Bruno le Doze (10/11/1957-10/09/1997) ACD Carpe Diem 2017
Extraits du carnet de voyage du mois d’août 1970 tenu par Gaelle Kermen au cours du Festival Isle of Wight 1970 à paraître dans les cahiers 1970.
Personnages : Gaelle Kermen, étudiante à la fac de Vincennes Paris-8, diariste, 24 ans,
son petit frère Bruno, 12 ans
son cousin Jacques Morpain, étudiant à la fac de Paris-Dauphine, photographe, 23 ans
Texte de Gaelle Kermen (1970) Photographies de Jacques Morpain (1970)
Tout a été pris sur le vif, tel que le festival a été vécu, en direct.
vendredi 28 août 1970
île de wight vendredi fin d’après-midi
le bus a traversé la campagne ensoleillée de l’île et nous a dégueulés au milieu d’un immense camp de tôles
première surprise dans la chaleur de la poussière les terrains de camping sont dégueulasses les tentes nagent dans les détritus les boites de coke de whitney ou de beans éventrées sont jetées là sur place après usage les journaux déchirés
tout et n’importe quoi
à un endroit près de l’entrée la pisse qui descend des chiottes fait une mare de boue les toilettes sont sommaires mais nombreuses l’an dernier il paraît qu’il n’y en avait qu’une demi-douzaine et ça faisait des kilomètres de queue elles sont préfabriquées ça ressemble à un jeu de meccano précaire une plaque de tôle avec un trou au milieu et dessous des tranchées un peu le système que j’ai connu à l’arche de lanza del vasto aux camps d’été ça engraisse le terrain
dans trois jours il suffira de remettre la terre il n’y a pas de porte ce qui file une constipation monumentale aux milliers de personnes venues au festival parce que comme disent certaines non on peut vraiment pas chier devant tout le monde
plus grave est le manque de sanitaires en tout une dizaine de robinets dont seuls les deux premiers daignent déverser de quoi se laver une dent creuse après on se plaindra que les jeunes sont sales que les hippies surtout sont sales
parce qu’il suffit d’être venu ici pour avoir droit à l’étiquette hippie
comment les anglais si habitués à ne jamais rien laisser tomber à terre puisqu’ils risquent chaque fois une amende de 10 livres comment ont-ils fait de cet endroit une immense poubelle alors que le festival commence à peine
nulle part je n’ai vu de poubelles
il aurait pourtant été simple de placer à endroits réguliers des litters vidées chaque matin
ce n’était pas le cas
une seule solution pour ne pas mourir étouffé dans ce champ d’ordures monter vers l’air pur de la colline là-haut on avisera
nous avons longé un couloir d’arbres baptisé desolation row d’après le titre d’une très belle chanson de bob dylan
ça sent un peu le haschich par endroit mais beaucoup moins qu’on ne s’y attendrait
les bosquets ont été aménagés en véritables appartements protégés par des tôles ça ne manque pas la tôle dans la région
apparemment c’est derrière ces palissages de tôles grises décorées de slogans contre la reine contre les flics contre le fric que se déroule le festival
sur la colline on respire un peu mieux et surtout on entend très bien le vent est bon et nous porte merveilleusement tous les sons
la campagne s’étend jusqu’à la mer la colline est émaillée de tentes en bas c’est la foule concentrée dans la tôle
un type a pris le micro
il gueule en anglais contre les flics les flics qui sont là entre les deux rangées de tôle qui cernent la prairie du festival il gueule contre l’exploitation qu’on fait de nous sous prétexte de musique
bravo camarade pas normal de devoir payer 3 pounds pour la paix et l’amour
le type est un français qui parle bien l’anglais c’est jean-jacques lebel on l’appelait le pape des happenings vers les années soixante-cinq il occupait anarchiquement l’odéon et la sorbonne au mois de mai soixante-huit et depuis il itinère entre les facs de nanterre et vincennes
il n’a pas tort
c’est gênant de voir en bas les bobbies avec des chiens policiers
les tôles ça fait camp de concentration pour les anglais ce sont de simples palissages
pour les français ça devient tout de suite des barricades donc quelque chose à foutre en l’air
hier il y a eu de la bagarre les organisateurs ont voulu virer les types installés sur la colline parce que ça leur faisait perdre de l’argent
je remarque une chose
tout à l’heure en bas on n’entendait rien du tout
on se demandait même si le festival était commencé
mais ici sur la colline on entend très bien
et au moins on respire
pourquoi irions-nous prendre un ticket ça devrait être gratuit un festival de pop music puisqu’au départ pop voulait dire popular je crois les temps changent puisque joan baez a demandé 12 000 livres de cachet
pas mal pour une militante non-violente
je veux bien croire que le lait guigoz du bébé gabriel coûte cher et que le mari david a besoin de petits mandats pour améliorer son ordinaire entre les grèves de la faim dans ses prisons successives
quand même on parle beaucoup trop d’argent ici dommage
notre première surprise en descendant du bateau a été de constater que le train était gratuit pour une seule station il est vrai après dans le car on s’est dit c’est trop beau pour que ça continue en effet le ticket était à 6 shillings dans les boutiques le fish and chips est à 3 shillings en temps normal c’est moitié moins autour de l’arène de tôle on ne trouve rien à moins de 2 shillings et c’est dérisoirement mince
un type a expliqué pourquoi on ne pouvait pas faire autrement que de mettre le tarif du ticket à 3 pounds mais je n’ai pas compris et il a dit enfin let’s make place to the music sit down
la musique c’est un disque des beatles let it be qui résonne mieux que l’orchestre précédent on attend quand même autre chose
les gens ici ne m’étonnent pas ce sont ceux que je rencontrais aux marches de la paix à la belle époque beatnik
près de nous sur la colline ça s’organise une douzaine de types et de nanas plus deux chiens se sont installés dans une tranchée sur un feu une bouilloire pour le thé ils sont bien équipés ils ont des haches des pelles et tout
le soleil descend très lentement le long de la colline on domine on pourrait même méditer ils ont dit la même chose de nietzsche à kerouac en passant par miller les hillbillies
c’est formidable de penser qu’on a trois jours devant soi au soleil sur la colline à se noyer de musique
trois jours à oser être soi-même
les chiens et les policiers entre les deux palissades de tôle
20h30 environ ça y est ça semble commencer les lumières cernent le parc un gros projecteur est même braqué sur la colline pour prévenir les troubles
ce qui me permet au moins de prendre des notes dans mon carnet de voyage
le podium s’est allumé pour chicago
le soleil s’est perdu la nuit est tombée humide
en bas le festival ressemble à un grand bateau sur la mer de temps en temps des fusées de feu d’artifice strient le ciel entre les étoiles
la musique rien de génial encore
on est remontés pour se coucher après avoir mangé un morceau en bas
Texte : Gaelle Kermen – Crédit photos : Jacques Morpain 1970 en mémoire de Bruno le Doze (10/11/1957-10/09/1997) page hommage 1997 ACD Carpe Diem 2017
Marine à la terrasse du Buci, photo de Jacques Morpain, 1967
pas mal de monde dont beaucoup que nous ne connaissons pas comme d’habitude quand Marianne invite
en début de soirée j’ai ouvert la porte à Marianne qui arrivait avec des amis du Buci
derrière elle une fille
ainsi que
mais dans l’ombre du palier où n’arrive jamais la lumière je le reconnais
mais je vous ai vu déjà
il n’y a pas très longtemps
oui dans la rue
devant la Chope
j’achetais le Monde
c’est fantastic
il a dit c’est fantastic avec cet accent tonique à peine amerloque
sur la deuxième syllabe
qui est-il
Marianne a fait sommairement les présentations en bafouillant avec son charme bien à elle
Brendan est américain d’origine irlandaise comme son nom l’indique il fait une thèse à la Sorbonne vous vous êtes peut-être vus là-bas
Marine est bretonne toute mignonne elle fait de jolies robes et elle a des tas de pensées dans sa petite tête
Marianne savait toujours mettre les gens en contact et en valeur
il y avait au moins trente personnes assises par terre et sur le lit dans l’espace restreint du Pot de Fer
à manger des crêpes
bien sûr pour le folklore deux ou trois pseudo-beatniks plus ou moins beurrés ou camés
l’autre qui était l’autre mais j’oubliais déjà mon récent boy-friend petit bourgeois que ma robe courte gênait et qui ne pouvait s’empêcher de tirer sur l’ourlet comme si ça avait quelque importance
Brendan s’est assis par terre le dos contre un côté de l’armoire calme les mains ouvertes sur les genoux
yeux très bleu irlandais
il a dit aujourd’hui c’est mon anniversaire de naissance
le 2 février le jour de la Présentation du Seigneur au Temple
vingt-sept ans aujourd’hui
aquarius être de l’air pur et de la fraternité à partir des sources initiatiques
si j’ai bien compris ce premier soir il était à Paris depuis trois ans pour faire une thèse d’Université sur l’ascèse de l’esprit à la Sorbonne
à Paris Brendan cherchait Dieu
quand j’étais gosse en Bretagne au catéchisme j’avais appris que Dieu est partout et en tous lieux
Brendan cherchait Dieu dans les rues dans les visages rencontrés ou en lui-même
maîtrise de soi
recherche de Dieu
quand je lui ai parlé de l’Arche de Lanza del Vasto il a dit
il faut que j’aille là-bas
cette fascination qu’il exerçait déjà sur tous
même quand il se taisait
parce qu’il parlait peu Brendan
et toujours avec douceur
cette fascination qu’il exerçait déjà sur tous
au-delà des apparences
il était différent
ses vêtements
qu’avaient ses vêtements de si particulier
un peu fatigués peut-être dans la pénombre du Pot de Fer
son bonnet de laine il l’avait posé en haut de l’armoire où il est resté des mois dans l’épaisse poussière oubliée
quand je me suis réveillée le lendemain matin j’ai su que quelqu’un était venu à notre rencontre
quelque chose d’autre dans nos vies dans ma vie
un signe peut-être
***
Marianne le connaissait depuis pas mal de temps comme elle connaissait tous les américains de passage à Paris entre Montparnasse et Saint-Germain entre la Coupole et le Buci suivant certains itinéraires empruntés par Fitzgerald Hemingway ou Miller
Brendan elle ne s’était pas contentée de le rencontrer du côté de la Seine elle l’avait retrouvé l’été dernier chez des amis communs à Mikonos elle avait aussi dû partager la même chambre au fond du jardin dans l’île
Brendan étudiait le zen et passait ses journées en méditation sur des dessins ésotériques
Marianne avait le droit de faire la bouffe le ménage et surtout de se taire
beaucoup de problèmes Brendan disait Marianne qui s’y connaissait en problèmes à l’époque il était complètement fou en crise grave
après Mikonos ils s’étaient perdus de vue la bouffe le ménage le silence et les petits dessins zen c’était trop pour Marianne elle savait seulement qu’il était resté huit jours à Délos seul huit jours et huit nuits sur les plages désertes de Délos
puis elle l’avait retrouvé vers le Buci ou la Contrescarpe et hier elle avait pensé qu’il irait très bien dans le cadre du Pot de Fer qu’il nous manquait ce genre d’échantillon sociologique pour parfaire nos Pot-de-Fer-parties on avait eu pas mal de peintres poètes musiciens et tout et tout mais jamais encore de mystiques
Anne avait déjà rencontré Brendan un soir d’hiver à la Chope avec Marianne elle avait été impressionnée en apprenant qu’il avait passé huit jours seul à Délos son rêve
après le départ d’Anne Brendan avait demandé à Marianne
avec son sale accent du sud
est-ce qu’on peut baiser avec elle
mais comme disait Marianne qui s’y connaissait
beaucoup de problèmes avec les nanas Brendan
5 premières raisons de s’autopublier sur smashwords
Self Publish on Smashwords
Aquamarine 67 est publié sur Smashwords.
J’ai trouvé ce que je cherchais, depuis bientôt quinze ans, un bon éditeur de livres numériques.
1) Site parfaitement organisé
Je suis très heureuse d’avoir choisi ce site pour publier aquamarine 67 parce que c’est la première fois, depuis quinze ans que je publie sur internet que je vois un site aussi bien fait, aussi bien pensé, aussi bien réalisé. Autant j’ai pu râler contre la plate-forme digitale d’Amazon, autant là à chaque pas, j’ai été admirative. Le meilleur compliment que je puisse faire à Mark Cover, le créateur de Smashwords c’est : » Je n’aurais pas fait mieux ! »
Tout est formidablement organisé, cadré, prévu, négocié, structuré, tout au long de la création du compte auteur, que pour la publication des ouvrages.
2) Tous les formats prévus
Lorsque l’on télécharge son manuscrit au format .doc (disponible par Open Office si comme moi on ne veut pas utiliser l’usine à gaz de Word) ou .rtf, impeccable pour la MacManiaque que je suis, qui saisis des millliers de pages avec le tout petit TextEdit de base, la conversion se fait en tous les formats possibles et existants à ce jour.
Le site évolue avec les besoins et les technologies avec une grande réactivité. Tout est déjà prévu pour l’iPad qui n’est pas encore sorti. Il est vrai que le format choisi par Apple est le format ePub, en open source, un format que j’aime bien, agréable à mettre en oeuvre. J’y reviendrai dans mes futurs posts.
L’eBook est disponible dans tous les formats numériques : HTML, Javascript, Kindle mobi, Epub, PDF, RTF, LFR Sony, APB Palm Doc, il est donc lisible par toutes les liseuses (Amazon Kindle, Sony ou iPad, iPod, iTouch, etc) et tous les ordinateurs ou notebooks. La présentation est claire et la lecture en est confortable.
3 Distribution chez les grands détaillants
Smashwords distribue ses livres aux nombreux détaillants en ligne d’ebooks, incluant Amazon, Apple, Barnes & Noble, Kobo, Sony, et d’autres.
On pourra donc trouver Aquamarine 67 sur ma page Smashwords mais aussi très bientôt dans tous les catalogues d’ebooks en ligne.
4) Royautés plus intéressantes
Smashwords assure à ses auteurs des conditions bien plus intéressantes que ne le fait Amazon, qui propose 30% de droits d’auteur.
Ce n’est pas ce qui me motive pour écrire, mais ça a du sens.
Les droits d’auteur varient de 80%, si le livre est acheté sur ma page, à 42% sur les grands supports affiliés. Ce qui est bien plus que ce que touche un auteur de livre en papier.
royautes aux auteurs
Royautes aux auteurs
5) Respect de l’écologie
J’aime le slogan de Smashwords : Sauvez un arbre. Publiez plutôt en ligne.
Save a tree. Publish online instead.
J’agrée complètement. Je suis tellement choquée du « désherbage » fait dans les bibliothèques, dès qu’un sujet devient obsolète, horrifiée de savoir que des livres sont mis au pilon si le succès n’est pas tout de suite au rendez-vous, scandalisée de savoir que des bennes entières partent aux déchetteries. J’ai trop de considération pour les livres pour accepter ça. C’est pourquoi je suis fière oui de publier mon premier livre sur Smashwords.
Author : Gaelle Kermen, Tittle : Aquamarine 67, Publisher : Smashwords Inc, ISBN : ISBN 978-1-4523-0101-3
J’ai toujours cru au livre électronique ou numérique et j’avoue ne pas me sentir concernée par les combats destinés à « sauver » le livre papier, qui me semblent plus du XIXè siècle que du XXIè. Je regrette l’attitude de certains éditeurs français, qui me semblent scier la branche sur laquelle ils sont assis. je suis toujours choquée de voir comment certains s’accrochent à leurs acquis au détriment des intérêts du plus grand nombre.
Je ne me sentais pas non plus concernée par les débats sur les débuts de l’internet. Les dieux savent pourtant que j’en ai entendu des dénégations : « Ça ne marchera jamais, c’est un gadget, ça ne sert à rien, je ne vois ce que j’y ferai, etc ». J’ai laissé dire, chacun a le droit de penser ce qu’il veut, mais j’ai aussi le droit de choisir le monde dans lequel je me sens à l’aise.
La suite m’a donné raison. Alors je continue ma route en pionnière, elle me convient.
Je ne vais pas entrer dans les polémiques car j’y perdrai un temps trop précieux.
Ce que je vois dans l’eBook, c’est qu’il va permettre à des gens qui n’ont pas assez d’argent pour acheter des livres d’y avoir accès, de nombreux pays n’ayant pas les moyens d’accéder à la culture vont pouvoir en bénéficier. Pas tout de suite certes mais la vague est déferlante sur la planète.
Le livre électronique est un support dématérialisé mais lourd de contenu, quand je vois les trésors, enfin accessibles dans ma campagne profonde, disponibles gratuitement dans le Gutemberg Project ou la Bibliotheca Gallica.
Ce qui ne m’empêche pas de relire les bons vieux livres de ma bibliothèque personnelle. Et cette évolution technologique donnera encore plus de prix à nos vrais livres.