Fac de Vincennes-1969-mars

samedi 1 mars 1969

peu à peu mes muscles reprennent leur place et mon souffle sa cadence
mais je n’ai pas envie de parler
maman ne le comprend pas
alors je me plonge dans la baignoire bleue avec le marxisme du XXe siècle

après-midi on commence en famille à écrire les adresses pour gault et millau pendant qu’ils parlent à la radio des amusements de paris de bouffe de clubs privés
comme si les jeunes n’avaient que ça à penser s’amuser

margot et simon arrivent

on dîne ensemble en bas

et puis ils partent avec ma sœur au théâtre de la huchette voir la cantatrice chauve de ionesco

je reste très éveillée à écrire ces foutues adresses jusqu’à presque trois heures du matin


dimanche 2 mars 1969

adresses adresses adresses

tour de notre société de consommation

margot descend puis revient avec des fleurs des anémones assorties à mes couleurs d’aujourd’hui qui s’éclaboussent doucement sur le mur blanc

simon m’apporte une rose
pour mon anniversaire demain

aujourd’hui c’est celui de pierre
il y a un an il avait trente ans

moi demain j’aurai vingt-trois ans
ma sœur m’offre le lever du jour de joan baez
un livre des rêves des pleurs dans un grand vide une force de violence d’amour

je ne me sens plus ces délires d’angoisses d’il y a deux ou trois ans
où vais-je


lundi 3 mars 1969

écoute-moi dieu veille sur lui de très près il est plus fragile que la plupart des gens et en outre je l’aime

joan baez pour bob dylan

matin gris

on part vers les nouvelles messageries de la presse parisienne

je reviens mourante de souffle et m’endors sans aller au cours de casamayor

petrus me réveille pour me souhaiter mon anniversaire c’est merveilleux qu’il ne m’oublie pas

vincennes
philippe et les autres
un a les yeux verts
je n’ai pas envie de travailler
rémy
rémy veut qu’on souhaite ensemble nos deux anniversaires

philippe les autres

un type se vante de ses exploits sur les coins de table et dans les lavabos dans tous les coins de vincennes

il nous déprime

pas envie de travailler

philippe bibliothèque
il a sa petite amie de médecine près de lui mais son attitude avec moi ne change pas

malgré moi je cherche daniel

soir cours avec rémy

soir je pars avec lui

je n’ai pas trouvé daniel

je ne veux pas mourir

nuit chez rémy

j’ai trop bu

je n’en peux plus


mardi 4 mars

je suis rentrée au matin

j’étais jolie bien maquillée et affreusement triste dans l’appartement gris de blanc

maintenant il fait beau parce que j’ai dormi

le jour s’est levé enfin
je n’en pouvais plus d’attendre

je vais sortir dans les rues avides de printemps
et puis je reviendrai et j’inventerai de jolies choses
à habiter

mais dieu que je suis seule sans pierre je n’ose l’admettre pourtant
je ne sais même plus de quoi j’ai envie

plus tard

le soleil est toujours là mais je pourrais pleurer

visage yeux daniel illusion

j’ai lu joanie baez

qu’est-ce que je fais de ma vie

au fond je ne crois à rien


mercredi 5 mars 1969

ce matin je dois enregistrer rouvier sur magnétophone pour conserver une preuve orale de ce qu’il va promettre à propos du problème des non-bacheliers

j’ai fait un effort pour me lever tôt
j’ai oublié la nuit désolante avec rémy qui ne méritait pas ça
je ne devrais pas boire autant

il fait beau la journée va être intéressante
j’ai du mal à respirer

tiens une lettre sous la porte
je l’attendais
timbre anglais
c’est de pierre
il a froid il a faim il n’a plus d’argent
à peine un je t’embrasse

je suis furieuse

mais au fond pour que pierre m’écrive une telle lettre difficile à écrire il faut qu’il m’aime vraiment ou du moins qu’il m’ait en grandes confiance et estime

toute la journée je vais très bien travailler
enregistrant au magnétophone nos débats sur l’ordre contestataire
assistant à deux cours jusqu’à neuf heures du soir

pas vu daniel


jeudi 6 mars 1969

réveil à neuf heures
en chantant
for just one too many mornings
and a thousand miles behind
de dylan

à dix heures et demi je suis prête lavée habillée maquillée
maison rangée

je commence à décrypter les enregistrements
fenêtres ouvertes dans le soleil
un pigeon a traversé l’horizon

avarro l’ami de penny arrive m’apporter la fin de sa thèse de doctorat d’histoire à taper sur l’histoire de l’esclavage

puis juste avant son départ arrive marc avec qui je travaille l’exposé
il me plaît il me plaît pas
la question ne se pose pas il a une femme et une petite fille

je me sens très démunie presque frustrée toute la journée
à vincennes toujours rencontres multiples discussions
en fait assez peu de travail
un cours celui de christian toujours adorable


vendredi 7 mars

soleil soleil soleil
j’ai envie d’un tas de nouvelles choses
je m’habille dingue
robe jaune ultra courte un petit foulard sur fond noir et de longues jambes noires

quand j’arrive à vincennes je rencontre luc et myriam que j’ai vus pour la première fois l’autre matin au cours de rouvier et pendant nos débats sur l’ordre contestataire

l’a g a lieu dans le bassin vide au soleil assis par terre
qu’est-ce que nous attendons

la marée dis-je

quelques guitares quelques folksongs de derrière les fagots
c’est le printemps
errances dans la fac assoupie

je m’engueule un peu avec rémy

finalement je pars avec luc et myriam au quartier

il fait trop beau
on fout rien
j’ai envie de tout


samedi 8 mars 1969

magasins tissus ceintures claquantes rêves d’autres choses
temps toujours joli

je n’ai pas tellement de courage pour me mettre au travail

luc m’appelle il veut venir prendre un pot ici
j’accepte
il vient l’après-midi

le soleil s’attarde sur le balcon
jeux de séduction en paroles
j’ai peut-être surtout envie de rire

il doit aller ce soir bouffer chez myriam il voudrait que j’y aille avec lui
moi ça ne me dit rien
myriam je la trouve très bien

ce genre de situation j’en ai assez
alors après son départ plutôt que d’attendre son coup de téléphone je pars à saint-leu avec ma sœur et la machine à écrire
ça évitera les complications


dimanche 8 mars saint-leu

dimanche joli ensoleillé
ma petite chatte nous prépare des bébés et fridu est toujours attendrissant

cet exposé nous ne l’avons pas suffisamment préparé


lundi 10 mars 1969

j’arrive en retard au cours de casamayor qui n’a pas encore commencé
luc et myriam sont là
je m’assieds près d’eux

j’entends alors casamayor demander
qui est gaelle kermen

je dis c’est moi

il me félicite chaleureusement
il a beaucoup apprécié mon devoir
il paraît que c’est très bien ce que j’écris que c’est excellent et tout

c’est bien la première fois que je me fais ainsi remarquer par tout un amphi
je rougis de plaisir

luc commence l’exposé puis marc
ils ne font qu’aborder l’introduction du sujet

casamayor me demande mon opinion et apprenant que je fais partie de leur groupe les prend à témoin

comment vous avez gaelle avec vous
mais alors foncez
vous avez vu comment elle écrit
n’hésitez pas

il a un impact formidable en disant ça avec toute sa fougue
je suis très heureuse
casamayor je l’estime
c’est un grand bonhomme
il peut m’aider
à oser être moi-même

luc et moi sans myriam au cours de droit constitutionnel
intéressant

vincennes c’est un feu d’artifices de connaissances et de découvertes
à nous de continuer

luc et les autres
marc rémy
luc m’appellera
je rentre au quartier avec marc

je passe rue visconti
je ne sais pas quoi faire pour pierre


mardi 11 mars

a time of peace i swear it’s not too late

jour de grève générale

papa va passer la journée ici il n’est pas dérangeant il dort

onze heures trente le téléphone me réveille je respire difficilement c’est luc
myriam n’est pas encore arrivée il a envie de venir ici
je dis mon papa est là
il dit bon alors non

myriam arrive
me parle très fort
mais je l’aime beaucoup cette fille
et bêtement hier j’étais jalouse d’elle

mon dieu les types il ne faut pas se laisser aliéner par eux
je n’ai pas le temps

papa est heureux de lire mon devoir
et fier de moi

je suis fatiguée
mais tape la thèse d’avarro bien et plus vite

le soir simon arrive
il était à la manif
il a rencontré philibert


mercredi 12 mars

qui m’a appris à écrire
patrice et michel cournot bob dylan anton tchekhov jd salinger
et jean-louis cure peut-être
je le dis maintenant il était un grand poète et je n’ai pas su voulu pu l’aimer ni le comprendre

j’ai retrouvé daniel
j’ai eu raison d’attendre de dire non à luc et aux autres
il était tard
j’ai attendu

il pleuvait un peu
nous avons marché
tous les deux
de la bastille à la république le parcours de la manif d’hier
sourires complices entre les gouttes

je l’attendais
demain
nous n’avons jamais été au cirque


jeudi 13 mars

hier il m’avait demandé si je venais aujourd’hui à la fac et m’avait dit à demain
je suis allée au cours

plus tard à l’étage au-dessus du département droit passant devant une salle de philo je l’ai vu il m’a fait un signe

j’ai reconnu françois châtelet
je l’avais déjà vu en 64 avec noëlle jospin place de l’odéon dans un restaurant

j’avais un autre cours de droit
et j’ai de nouveau perdu daniel

je n’aime pas les vitres entre nous

demain je repars à nantes parce que je dois aller toucher mon premier terme de bourse avant le quinze à midi

il est des bonnes surprises

mais j’ai raison de penser
chaque jour
que je suis heureuse de vivre


vendredi 14 mars

je partirai en fin d’après-midi
j’appelle gene j’ai hâte de la voir
mon dieu je pense que j’aurais été si heureuse d’aller à nantes si le bébé avait vécu

vincennes
rémy toujours caressant tout doux
un peu cassant aussi
mais il me fait rire

débat pour l’exposé
ça fouare pas mal
quand apprendrons-nous à travailler ensemble

et puis luc me révolte il n’a aucune notion du manque d’argent de l’insécurité
je sors
je ne trouve pas daniel
je pars

train je lis

nantes gene chérie
choc en ne la voyant plus ronde ni épanouie comme avant
j’aimerais pouvoir faire quelque chose mais quoi
elle est révoltée
on le serait à moins


samedi 15 mars

nous parlons nous parlons ça lui fait du bien elle est angoissée par son isolement à nantes avec ses deux gosses souvent sans paul qui voyage beaucoup pour son travail

elle n’a plus l’envie même de faire la cuisine
elle est lasse
n’a plus de courage

ma grande gene si forte
il faudrait qu’elle vienne nous voir à paris que je lui fasse des robes qu’elle s’occupe de sa tête

je vais à la fac on me donne mon chèque 1392,00 F pas mal
je suis toute sautillante
au passage j’achète des jonquilles pour gene

puis trop rapidement le déjeuner avec les enfants

le départ en taxi
la gare

j’ai laissé gene dans un sale état
elle ne mérite pas ça
c’est trop injuste


dimanche 16 mars

boulot sur la thèse d’avarro

puis je couds mon pantalon de lainage blanc

les cousins simon et jakez arrivent en fin d’après-midi et vont nous chercher des pâtisseries arabes écœurantes et dégoulinantes à souhait

nous prenons le thé

luc m’appelle il m’a déjà appelée hier pour que j’aille bouffer chez myriam

moi je n’ai encore rien fait

à onze heures je commence

paul arrive on l’héberge pendant son voyage éclair à paris

je travaille jusqu’à quatre heures et demie du matin
je ne suis pas folle de joie de ce que j’ai fait


lundi 17 mars saint patrice

le temps est incertain mais je tiens à mettre mon pantalon blanc pull blanc chaussures vernies blanches foulard féraud en soie rouge chaussettes rouges et manteau marine

je suis un peu en retard mais très jolie

comme j’allais m’excuser casamayor s’avance vers moi pour me serrer la main avec chaleur

martine est avec sa petite fille muriel

ça me frustre toujours de voir les bébés des autres

film sur mai et on commence l’exposé

enfin je commence très à l’aise
trop peut-être
mais je m’amuse

les autres continuent
ensuite discussion

l’après-midi je m’endors au cours de droit constitutionnel je suis complètement vaseuse et puis

peu après notre sortie devant le département droit je retrouve daniel
nous rentrons ensemble

à nation nous échangeons nos numéros de téléphone
à demain peut-être


mardi 18 mars

journée de récréation
daniel va m’appeler venir
ce sera bien j’ai envie de lui

envie au fond je ne sais
je n’ai plus du tout envie de baiser pour baiser
ça c’est sûr

et puis la journée passe

je vais à la banque et perds toute l’après-midi du côté des champs élysées

a-t-il appelé n’a-t-il pas
je ne sais
nous avons le temps
beaucoup de temps
c’eût été trop tôt

je tape la thèse d’avarro

j’ai acheté quelques jolies choses

et pour l’instant j’enregistre donovan à la radio europe 1 sur campus de michel lancelot


mercredi 19 mars

temps éclaboussé de soleil
vrai printemps demain mais aujourd’hui déjà

alors je suis pleine d’ardeur je finis ma tunique de lainage blanc et le bermuda assorti

je tape deux ou trois pages
c’est long une thèse d’histoire

j’arrive à vincennes dans l’après-midi
luc m’embête enfin il ne m’amuse plus s’il m’a amusée

cours de poulantzas

puis cafétéria avec christian duc
il admire ma tenue avec force termes délirants puis nous discutons d’histoires de cul évidemment

puis arrive daniel qui me cherchait partout depuis ce matin

cours de socio économique près de martine qui est intéressante

à huit heures je rejoins daniel au cours de psychanalyse de leclaire

plus tard arrive marianne

mais daniel rentre avec moi et reste dormir ici

échec

je ne comprends plus ce qui se passe

daniel m’emmène manger près des anciennes halles espérant que ça ira mieux ensuite mais c’est de plus en plus mauvais

je ne sais plus faire l’amour

je ne peux plus faire l’amour

et je n’ai pas vraiment envie de faire l’amour

alors nous dormons


jeudi 20 mars

c’est seulement aujourd’hui vers midi que nous arrivons à le faire cet amour comme si c’était une obligation pour ne pas se quitter trop déçus

mais ça me déprime

pierre m’a traumatisée

ou je ne sais quoi

je ne comprends plus

vincennes l’après-midi

je me sens assez mal et dois quitter un cours

je retrouve philippe et lui raconte mes malheurs

puis christian mon adorable homosexuel oriental

bref nous passons la soirée à parler de cul


vendredi 21 mars

thèse thèse thèse
je n’ai pas le temps d’aller à vincennes
thèse thèse thèse

ce soir je vais rue guynemer invitée par petrus à une boom
je dois y retrouver isabelle qui m’a appelée l’autre soir
patrice sera là sans doute

je veux être éblouissante
je m’achète quelques somptueuses choses
volupté de pouvoir dépenser de l’argent
après si longtemps

j’aime vivre vite
être occupée à plein comme aujourd’hui

soir simon vient dîner avec nous et reste avec moi pendant que j’attends daniel qui doit venir me chercher ici et tarde et tarde et me rend folle

j’ai trop de soirs attendu pierre pour supporter ça à nouveau

enfin il arrive et nous partons

la première personne rue guynemer est patrice qui ne me reconnaît d’abord pas et constate que décidément je change chaque année
normal je grandis

on tombe sur une nana qui prétend avoir assisté à mon exposé l’autre jour à vincennes au cours de casamayor

isabelle françois et antoine de g
ces gens connus il y a quatre ans à peu près

jean-françois qui ne me reconnaît pas non plus tout de suite mais est ravi de me revoir et reste discuter avec moi presque tout le temps en critiquant les gens comme avant
je l’aime beaucoup

mais je guette patrice et j’arrive à lui parler quelques minutes de droit de son métier et de casamayor

patrice tu es moins beau qu’avant mais je t’ai aimé tu me donnes envie de travailler et je ne peux m’empêcher de penser que si je t’avais écouté j’aurais maintenant ma licence en droit et je n’aurais pas tout gâché

mais je n’aurais pas non plus connu pierre ni balmain ni kiki féraud ni la sorbonne libre ni casamayor et je n’aurais pas comme maintenant envie de te parler de droit et de justice

je rentre avec daniel tout gentil

mais ça m’a fait un choc de revoir patrice

j’aimerais de nouveau

oh je ne sais pas

je crois que ce qui me gênait chez lui était son manque d’humour

ou alors je n’étais pas réceptive au sien


samedi 22 mars

soirée chez louis féraud avec kiki yves et son ami et aussi le chien sloopy un labrit des pyrénées le chien de mia fonsagrives la seconde femme de louis


dimanche 23 mars

hier soir marianne est venue ici je ne l’ai pas vue j’étais chez kiki
elle trouve que daniel et moi allons bien ensemble
c’est faux je crois que nous pourrions arriver à bien faire l’amour tous les deux mais je ne sais pas si ça me suffit
je m’ennuie un peu avec lui
c’est pas encore ça
et je n’ai pas de temps à gaspiller

heureusement anne et moi avons un boulot fou qui ne laisse pas de place pour un bonhomme

j’ai envie de bosser comme une dingue et de gagner du fric
pour égaler les cournot les féraud et tous mes petits amis plus fortunés
les égaler socialement comme intellectuellement


lundi 24 mars

je ne vais pas au cours de casamayor

je n’ai pas le temps il me faut finir la thèse d’avarro pour demain

alors que je pars à vincennes vers midi et demi on me téléphone de la fac c’est patrick qui m’invite à aller demain soir au théâtre pour faire la foule parce que la radio va venir enregistrer et tout

de toutes façons je le retrouve à vincennes juste avant le cours de droit constitu

lui les autres philippe et tous viennent au théâtre demain ça va être drôle

exercice écrit en constitu intéressant

je ne vois pas daniel alors je rentre au quartier avec philippe décidément on s’entend bien

hélène chérie

benoît effrayant


mardi 25 mars

hélène vient travailler aux mailings de gault-et-millau

elle est ponctuelle dix heures pile


jeudi 27 mars

départ pour nantes pendant les vacances


samedi 29 mars

saint julien g a e c groupement agricole d’exploitation en commun treffieux rené philippot


dimanche 30 mars

bernard lambert à teillé avec tonton francis et simon


lundi 31 mars

nantes chambre d’agriculture bernard thareau


Écrit en mars 1969 publié in Maquisards du Bois de Vincennes, Gaelle Kermen, 2011 books2read.com/u/brG76M
Gaelle Kermen, Kerantorec, le 30 mars 2019


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Gaelle Kermen est l’auteur des guides pratiques Scrivener plus simple, le guide francophone pour Mac, Windows, iOS et Scrivener 3, publiés sur toutes les plateformes numériques.

Diariste, elle publie les cahiers tenus depuis son arrivée à Paris, en septembre 1960. Publications 2018 : Journal 60 et Des Pavés à la plage Mai 68 vu par une jeune fille de la Sorbonne.

Vaguemestre depuis 1997, blogueuse des années 2000, elle publie plusieurs blogs sur ses sujets de prédilection, l’écriture sur gaellekermen.net, les chantiers d’autoconstruction sur kerantorec.net, les archives d’un demi-siècle sur aquamarine67.net et les voyages ici ou ailleurs sur hentadou.wordpress.com.

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Mon bilan de Mai 68 pour comprendre le mouvement des Gilets jaunes 1 : qu’est devenu Bablon?

Comprendre le passé. Apprécier le présent. Préparer le futur.

Lorsque j’ai écrit Des pavés à la plage, Mai 68 vu par une jeune fille de La Sorbonne, je voulais comprendre ce qui faisait que nous en parlions encore 50 ans plus tard. Dans mon bilan de 2018, j’espérais que le peuple se soulève. Le mouvement historique comme celui des Gilets jaunes va au-delà de mes rêves et j’apprécie le présent. Je publie ici les derniers chapitres du livre qui donnait des pistes de réflexion pour préparer le futur.

mai68-disquepoesie
Archives personnelles 1967-68

Nota Bene : je fais des économies de redevances de domaines internet et supprime mes autres blogs pour rassembler toutes mes productions depuis dix ans dans celui-ci : gaellekermen.net

Les sujets en sont variés comme le sont mes passions dans la vie. J’espère qu’ils vous intéresseront et vous stimuleront à apporter vos pierres à l’édifice commun d’une société plus humaine et naturelle.

Voici mon premier bilan de mon Mai 68 sur mon camarade compagnon de l’époque Michel Bablon (1938-2012).

Bablon68
Portrait de Michel Bablon 67

Qu’est devenu Bablon ?

Sur mon blog d’archives aquamarine67.net, j’ai commencé, avant la parution de cet ouvrage, à publier des articles sur mes souvenirs de Mai 68, dans la catégorie Il y a cinquante ans.

J’ai commencé par la Une de l’hebdomadaire Le Nouvel Observateur du 30 avril au 7 mai 1968 sur le film de Michel Cournot à Cannes.

J’ai continué par l’inauguration de la boutique de mode Mia et Vicky le 3 mai 1968 au 21 rue Bonaparte, à l’angle de la rue Visconti.

Le troisième article est sur la photo prise l’après-midi du 3 mai 1968 dans la cour de la Sorbonne, j’y parle des personnes reconnues, en plus de Daniel Cohn-Bendit, Brice Lalonde, Jacques Bleiptreu et Michel Bablon, enfin retrouvé dans des photos d’archives, après des décennies de recherches vaines.

Des photos tirées de mes archives seront disponibles sur mes blogs pour en visualiser certains aspects.

Je ne voudrais pas finir ce livre sans donner une idée de ce qu’est devenu Michel Bablon, qui n’a pas eu la lumière des projecteurs médiatiques posée sur lui comme d’autres militants politiques.

Nous nous sommes connus, aimés, déchirés, aimés encore, séparés, retrouvés, de nouveau séparés et enfin perdus.

Si le lendemain du 22 mars, j’avais eu la tentation d’en finir, il m’avait aidée à devenir « qui » j’étais dans une démarche nietzschéenne consciente. Il m’apprenait aussi le détachement et je lui rends grâce à l’âge avancé de ma vie d’avoir appris de lui qu’il ne faut jamais compter que sur ses propres forces, comme disait le camarade Mao à l’époque.

Bablon n’était pas maoïste, mais se tenait informé de ce qui se passait en Chine populaire, il avait des revues chinoises, j’ai dû les détruire fin juin ou début juillet quand nous craignions une descente de police qui risquait de le faire expulser de France. Nous écoutions aussi la radio de propagande diffusée depuis l’Albanie.

Je crois qu’il était surtout guévariste, il dormait souvent sur le lit de camp de l’atelier pour s’entraîner à être un bon guérillero. Pour lui, j’avais un point commun avec le Che, j’étais aussi asthmatique. Mais, Bablon n’en parlait pas beaucoup et je n’ai pas de souvenir de discours d’endoctrinement.

Il m’encourageait plutôt à être moi-même, à suivre mes propres routes, à exploiter mes propres talents. Il disait que je pouvais être une « locomotive » pour les autres.

Oui, je peux lui rendre grâce si longtemps après d’avoir continué le travail de confiance initié par mes propres parents avant lui, consolidé l’année suivante par Casamayor, qui m’avait demandé des articles pour la revue Esprit et mis le pied à l’étrier de l’écriture.

La fin de Bablon

Le 12 juillet 1968 au soir, j’avais demandé à Bablon de m’emmener à la gare Montparnasse pour rejoindre ma terre natale en Bretagne après les délires parisiens du ménage à trois depuis le retour de sa précédente compagne arrivée de Toulouse dix minutes avant que je ferme l’appartement de la rue Visconti, alors que je venais de brûler les documents politiques compromettants.

À dix minutes près, nos vies prenaient une direction différente.

Soudain, il fallait que je change d’air. J’avais besoin de retrouver la plage après les pavés. Même si je n’avais pas jeté de pavés, si j’avais seulement apporté mon aide à l’expérience d’autogestion qu’était la Sorbonne occupée, j’avais besoin de m’allonger sur le sable et de reposer mes muscles fatigués.

Plus tard, Bablon est parti vivre à Londres, j’ai servi d’intermédiaire avec les filles des îles à qui il avait confié l’atelier de la rue Visconti, nous les appelions Wallis et Futuna. Mon amie Jane, ma Calamity Jane, my Sweet Lady Jane d’Aquamarine 67, l’avait hébergé à son arrivée à Londres.

Il a voyagé très loin. Il me recontactait quand il revenait, d’Inde, de Chine, de Cuba, m’invitait parfois à déjeuner, nous retombions dans les bras l’un de l’autre, mais comme il n’était pas question de s’attacher, nous nous séparions sans état d’âme. J’étais devenue la fille libérée qu’il avait souhaité que je sois. Je dévorais les hommes comme il dévorait les filles. Mais il gardait une place spéciale dans mon cœur, il était le premier homme avec qui j’avais vécu.

Lorsqu’il avait déménagé ses affaires de la rue Visconti, il m’avait laissé sa bibliothèque politique, qui m’a servie lors de mes études à Vincennes, et quand j’en ouvre encore un, comme je l’ai fait pour ce livre, j’ai toujours un sourire en voyant apparaître au détour d’une page sa signature ample et généreuse. C’est comme s’il me disait de sa voix charmeuse : « Tu vois petit, je suis toujours là ! »

Et moi, je continue ma route, la mienne, celle qu’il m’a aidée à trouver.

Le temps a passé, j’ai quitté Paris, j’ai perdu de vue de nombreux amis avec qui j’avais été liée. Je n’ai plus jamais eu de contact direct avec Bablon.

En 1998, j’ai publié un article sur Trois jours de folie à la Sorbonne en mai-juin 68 qui commençaient ainsi : « Tant que j’aurai soif de musique, soif de justice… », un article relayé par de nombreuses publications sur Mai 68.

J’ai été contactée par un de ses cousins, qui dressait l’arbre généalogique de la famille Bablon. C’était les débuts d’Internet, il avait trouvé tout de suite mon article. J’ai su que Michel avait eu connaissance de ce que je racontais. Il n’a pas souhaité me recontacter. D’après son cousin, il s’était assagi et avait fini par épouser une fille de gendarme. Il avait une fille. Il vivait à Toulon.

Michel restait ainsi dans le Sud, au soleil dont il avait tant besoin, dont nous avons tous tant besoin, comme sa famille avait choisi Toulouse lorsqu’il avait fallu quitter Madagascar.

Mon article m’a permis d’être contactée par deux des nombreux enfants de Michel.

Un garçon me trouvait très romantique dans ma description de son père. Mais c’est encore l’image que je garde de lui après un demi-siècle. Une fille m’avait écrit parce que sa mère venait de lui dire qui était son père biologique, elle venait de trouver mon article après une recherche sur Michel Bablon.

Elle m’avait fait un courriel juste avant un Noël et c’était merveilleux de pouvoir raconter à un enfant de Bablon la belle vision que je gardais de son père. Je pouvais la mettre alors en relation avec le cousin de Michel. Elle n’a pas voulu aller plus loin. Elle avait été élevée par un beau-père qui avait été un excellent père. Elle avait les réponses aux questions qu’elle s’était posées sur elle-même, sur ses propres engagements. Elle voulait continuer sa vie avec des valeurs qu’elle reconnaissait comme venant de lui, mais sur ses critères personnels. Oui, elle était bien la digne fille de Bablon.

Le cousin a eu la délicatesse de m’informer de sa mort. Le message m’annonçant la fin de Michel m’a permis de faire le deuil de sa personne. Bablon, le guérillero du Quartier latin, le fils des rois malgaches, l’élégant baladin parisien, le grand voyageur, le révolutionnaire du Grand Soir, est mort. Son personnage fait partie de ma vie et gardera toujours une place privilégiée.

Ce que m’a appris Bablon

Bablon m’a beaucoup appris.

Que je pouvais tout faire.

Qu’on pouvait apprendre et progresser toute la vie.

Que rien n’était impossible à qui savait se servir de son intelligence et de ses mains.

Il m’a donné confiance en moi, appris à ne compter que sur moi-même, à ne pas attendre que les autres m’apportent des solutions, mais à les chercher moi-même.

Je n’ai pas mis toutes ses leçons en application tout de suite.

Mais après cinquante ans, je peux dire qu’il a été un formidable Pygmalion.

Merci Bablon !

Bablon, Casamayor, mentors

En ce mois de mai 2018, je ne me presse pas à finir le livre que je consacre à mes souvenirs de Mai 68, parce que j’aime retrouver l’ambiance de l’époque dans ce qu’elle avait de positif. J’ai oublié les crises amoureuses qui avaient pu me faire souffrir comme une bête pour ne garder que le meilleur de notre relation.

Dans ma cuisine, je vois les meubles que j’ai construits moi-même et je me dis que sans Bablon, je n’aurais peut-être jamais pensé à les faire. Il avait taillé la table et les deux bancs de l’atelier de la rue Visconti dans des troncs d’arbres, laqués ensuite à la laque glycérophtalique industrielle, du même type que la peinture utilisée plus tard sous nos yeux émerveillés par Yves Samson, mon troisième homme, en septembre 1987.

Moins bûcheronne, plus menuisière, j’ai utilisé des planches pour faire mes meubles. J’ai acheté du bois de chêne pour en garder la noblesse dans la cuisine ouverte sur le jardin. Dans mon bureau, j’ai opté pour un bois de pin des Landes traité en planches plus brutes pour garder le côté atelier qui rappelle qu’on n’est pas là pour glander, mais pour bosser sur les œuvres que nous nous sommes imposées.

Bien sûr, les talents manuels étaient dans ma famille du côté de ma mère. Mais sans Bablon, je ne suis pas sûre que je les aurais si bien exploités.

Si j’ai besoin d’un meuble, je me le fais. Si j’ai besoin d’un vêtement, je me le couds. Si j’ai besoin de réparer quelque chose, j’apprends à le faire, je n’appellerai quelqu’un d’autre que lorsque j’aurai épuisé les solutions à ma portée. En toute indépendance, parce que Bablon m’avait convaincue en 1968 que je pouvais faire ce que je voulais.

J’ai vu beaucoup de gens au cours de ma vie ne jamais oser faire ce qu’ils désiraient, prétexter que ce n’était pas possible, qu’il fallait avoir tant d’argent avant de pouvoir l’envisager.

Je n’ai jamais fonctionné sur ces principes limitatifs. Mes moyens matériels étaient limités, mais je prévoyais mes projets longtemps à l’avance et dès que c’était possible, là où d’autres auraient dépensé en loisirs l’argent imprévu, moi je l’investissais en outils et matériaux, pour réaliser enfin ce que j’avais conçu, dessiné, planifié et rêvé, parfois des années et décennies plus tôt.

Grâce à Bablon !

Un changement radical de vie

Ce printemps 2018, j’ai fait la saisie des notes du Comité d’Occupation de la Sorbonne retrouvées dans mes archives. C’est seulement maintenant que j’apprends certaines choses qu’il m’avait racontées, mais que j’avais oubliées, ou mal comprises sur le moment.

Bablon avait dû connaître la théorie castro-guévariste lors de la conférence tripartite de La Havane. Il avait vu les choses de près, in situ, sans se contenter de lire des articles ou des livres, même s’il lisait aussi beaucoup.

Bablon avait participé à la conférence de La Havane, comme Casamayor avait participé au procès de Nuremberg après la guerre, puis au Conseil de l’Europe au moment du régime des Colonels grecs, avec Constantin Tsoukalas, un de nos professeurs de sociologie de Vincennes, Tsoukalas dont le père était le Ministre de la Justice et représentait le régime. Tragédie grecque !

Ces gens qui m’entouraient avaient un regard privilégié sur le monde. On n’était pas au Café du Commerce à échanger des brèves de comptoir ni à extraire des petites phrases pour faire le buzz.

Ils m’ont appris la synthèse, l’art de dire beaucoup en peu de mots, que j’ai continué à travailler dans mon Journal au fil des décennies.

Bablon et Casa m’ont appris à comprendre les problèmes et m’ont donné l’injonction de ne jamais me contenter de la surface des choses ni de leur apparence, de toujours aller creuser en profondeur et analyser les différentes implications dans tous les champs d’expérimentation de la vie.

Cournot, Bablon, Casamayor, Tsoukalas, Lambert, Polac un peu plus tard, font partie des gens qui me permettent aujourd’hui d’écrire en liberté. Ils ont créé le terreau sur lequel j’ai pu semer mes graines et dont je peux diffuser les fruits en 2018.


cropped-gaelle_68.jpgGaelle Kermen, écrit au Printemps 2018
Kerantorec, le 19 janvier 2019


A suivre :

Mon bilan de Mai 68 pour comprendre les Gilets jaunes 2 : l’échec de Mai 68

Mai 68 : la Une du Nouvel Observateur, le film de Michel Cournot à Cannes

Première Une de Mai 68 : le Nouvel Observateur du 30 avril au 7 mai 1968

Le film de Michel Cournot à Cannes

Très émue de commencer cette série de publication de Unes de journaux d’archives par la couverture de la revue Le Nouvel Observateur avec le profil de Cournot.

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Au cours de ma vie, il m’est arrivé de raconter certains éléments essentiels de mes années 60, je parlais alors de l’importance qu’avait eu, au début de mes études, ma lecture hebdomadaire des articles de Michel Cournot sur le cinéma dans Le Nouvel Observateur auquel j’étais abonnée. Parfois, j’ai rencontré des gens qui lisaient aussi le Nouvel Observateur rien que pour les chroniques de Cournot. Nous nous reconnaissions admirateurs de Cournot, soudain émus et nostalgiques d’une époque révolue. Les adorateurs de Cournot sont aussi décalés en cinéphilie que les fans de Kevin Ayers en musique pop des années 70 ou les lecteurs de Malcolm Lowry en littérature anglo-saxonne des années 50. Une espèce à part, avide de champs inexplorés, de découvertes enthousiastes, hors des chemins balisés par la mode imposée. Nous formions presque une société secrète.

Michel Cournot fait partie des personnes qui m’ont donné envie d’écrire et m’y ont encouragée. Son univers était toujours hors des sentiers battus, mais il nous faisait, dans un simple article, vibrer de tant de façons qu’on se sentait régénéré pour la semaine, dans l’attente du jeudi suivant pour le prochain article.

En avril 68, juste avant les événements de Mai qui allaient annuler le Festival de Cannes pour la première fois depuis sa création, Michel Cournot n’était plus critique de cinéma au Nouvel Observateur. Il avait été viré dès 1966, parce que les lecteurs normaux n’aimaient pas qu’il «  parle de tout, sauf de cinéma ».  Il avait été remplacé par Jean-Louis Bory, qui avait eu le prix Goncourt pour son roman Mon village à l’heure allemande.

Michel Cournot avait tourné un film Les Gauloise bleues. Il devait être projeté au Festival de Cannes. Le Festival n’a pas eu lieu. Cournot n’est pas entré dans l’histoire du cinéma. Mais il est resté dans le cœur et la mémoire de quelques uns d’entre nous, qui lui rendons encore hommage après plus d’un demi-siècle.

De la revue, je n’ai gardé que la couverture dans mes archives.

Les hasards des déménagements impliquaient des choix, j’ai arraché la couverture de ce numéro de Mai, sans doute quand, au mois de juin 1968, j’ai brûlé beaucoup de papiers avant de quitter la rue Visconti où j’habitais avec mon révolutionnaire malgache, Michel Bablon. Il m’a fait brûler des revues cubaines qui pouvaient être compromettantes si une descente de police arrivait dans l’appartement que nous avions prévu de quitter par les toits… Je ne pouvais pas brûler Cournot !

Une68_Cournot.JPG

Je regrette de n’avoir pas conservé la collection des numéros du Nouvel Observateur, restées chez mes parents à Saint-Leu-la-forêt, qui ont dû aussi faire des choix quand ils sont revenus habiter en Bretagne.

J’ai gardé les livres de Michel Cournot dans ma bibliothèque, près de ceux de son neveu Patrice Cournot. Tous deux ont été des phares dans ma vie.

Bibli_Cournot2.JPG
Bibliothèque : livres de Michel et Patrice Cournot (archives personnelles)

J’aimerais tellement pouvoir relire tous les articles de Cournot.

Ils mériteraient une réédition dans un recueil dédié à son souvenir, rien que pour lui.

Gaelle Kermen,

Kerantorec, le 30 avril 2018


Livres de Michel Cournot : Le premier spectateur et Enfants de la Justice

Livres de Patrice Cournot : Le jour de gloire, Le bonheur des autres, Le retour des Indiens Peaux-rouges


Mes cahiers sur cette époque : Le vent d’Avezan et Le soleil dans l’œil.


Gaelle Kermen, Kerantorec, le 30 avril 2018

Blog auteur : gaellekermen.net

Extrait de Des pavés à la plage, Mai 68 vu par une jeune fille de la Sorbonne


Pour en savoir plus sur le film de Cournot à Cannes :

https://www.festival-cannes.com/en/films/les-gauloises-bleues

Sur l’attitude de Michel Cournot pendant les événements de Mai 68, voir :

http://www.cannes.com/fr/culture/cannes-et-le-cinema/le-festival-de-cannes/histoire-du-festival-de-cannes/de-1939-a-nos-jours/les-annees-70-un-nouveau-depart-apres-la-crise-de-mai-1968.html

« Les réalisateurs Milos Forman, Jan Nemec, Michel Cournot, Salvatore Samperi et Mai Zetterling ont un film engagé en compétition mais, témoins de la scène, ils se rangent immédiatement aux côtés des contestataires et se retirent du concours, encourageant les autres candidats et les membres du jury à les rejoindre. »



beta-lecture des 2 premiers cahiers

Sur les 10.000 pages des cahiers écrits à la main depuis 45 ans, j’ai saisi sur Mac environ 3.000 pages. Je viens de corriger les premiers cahiers de 1962 à 1966.

De Blogs gaelle kermen

Cela fait un cahier saint-loupien (écrit à Saint-Leu-la-forêt) de 102 pages format PDF et un cahier Cournot (où il est beaucoup question de Patrice et Michel Cournot) de 206 pages.

Je les propose gracieusement à la lecture de beta-lectrices et beta-lecteurs avant toute publication.

De Gaelle Kermen Journal

Je m’occupe parallèlement de retrouver des personnes dont il est question dans les cahiers afin de savoir si elles acceptent que leur nom soit publié ou si je dois romancer l’histoire où elles apparaissent, ce que j’avais fait pour Aquamarine 67.

En général, on a peu de risque de voir sa réputation ruinée par le fait d’apparaitre dans mes notes de Journal d’adolescence et de jeunesse. J’ai beaucoup de tendresse pour mes personnages. C’est ma façon de garder vivants les gens que j’ai ai aimés et qui ont traversé mes années.

Pour le cahier Cournot, j’ai déjà l’aval du fils de Patrice, Matthieu-David Cournot, et du fils de Michel, Jean-François Cournot.

J’ai aussi celui de mes anciens voisins de la rue de Boissy à Saint-Leu-la-forêt, Jo et Christian Bloch, des gens exceptionnels à qui je ne peux que rendre hommage.

Cette beta-lecture me permet d’impliquer mon lectorat dans la genèse de l’édition numérique de mes écrits. Elle est conforme à ce que je ressens de la nécessité d’une nouvelle écriture qui ne passe plus par un support papier et qui dès le début doit être conçue pour être lue sur différents supports.

Elle engage aussi ma responsabilité d’auteur et m’oblige à continuer ma démarche. Donc c’est un sacré coup de main que vous me donnerez par vos réactions et vos commentaires privés. Moi, j’espère vous donner du plaisir à découvrir l’univers d’une jeune fille pas vraiment rangée des années 60 en région parisienne.

Je tiens au courant de mes progrès dans la saisie des cahiers mes amis et contacts sur Twitter et Facebook.

Si la beta-lecture de mes premiers cahiers vous intéresse, mailez-moi : aquamarine67 ad free point fr.

Aquamarine 67 est disponible sur Amazon et Smashwords.

© gaelle kermen 2010

Hommage à Patrice Cournot 1942-2007

Chateau d'Avezan soleil levant le 24 juin 2010

Un deuil rétroactif
Patrice Cournot a traversé ma jeune vie en 1965, alors que je passais des vacances dans le Gers, à Saint-Clar. Son influence sur ma conception du monde et l’évolution de mon style d’écriture a été essentielle. Il est le héros de mon livrel Le Vent d’Avezan #02 1965-66 et reste une référence dans les cahiers suivants de 1966 à 1969 : Soleil dans l’Oeil et Maquisards du Bois de Vincennes. Cet hommage a été écrit sur le vif quand j’ai appris sa mort.

Arrivée au chateau d'Avezan, soleil levant, le 24 juin 2010
Chateau d'Avezan soleil levant le 24 juin 2010

Kerantorec, 28 avril 2010
Depuis hier soir, je suis bouleversée d’avoir appris, trois ans plus tard, la mort d’un amour platonique de jeunesse :

Patrice Cournot (juin 1942- avril 2007), avocat à Paris, écrivain : Le Jour de Gloire, Gallimard, NRF, 1963, Le Bonheur des autres, La Table Ronde, 1972, Le retour des indiens peaux-rouge, Edite, 2000. Recherche sur Amazon.com.

Patrice avait consacré trente ans de sa vie à la restauration du château d’Avezan, dans le Gers, voisin de celui de l’écrivain diariste Renaud Camus, à Plieux.

Je me proposais de revoir Avezan, que j’ai connu en ruines, lors de mon prochain Voyage dans le Sud.

Certaines personnes marquent des tournants décisifs. Patrice avait influencé mon écriture, comme l’avait fait son oncle Michel Cournot (1er mai 1922- 8 février 2007), critique de cinéma et de théâtre, au Nouvels Obs et au Monde.

La suite de la saisie de mes Cahiers saint-loupiens sera d’autant plus prégnante. Je m’étais arrêtée là, juste avant la rencontre à Saint-Clar l’été 65… Comme si j’avais peur de me replonger dans cette malheureuse histoire entre trois personnes.

Le retour à Avezan, fin juin 2010, sera particulièrement émouvant.

http://www.jedecouvrelafrance.com/f-2650.gers-chateau-avezan.html
http://wikimapia.org/4072515/fr/Château-d-Avezan
http://www.coeur-de-lomagne.com/avezan-historique.html

Ici le lien d’une video, que je ne peux pas encore regarder, je sens que je vais me mettre à pleurer.

Video de Louis Lacroix, Québec, Canada (1990)

Post Scriptum du 29 avril 2010

J’ai fini par regarder la video, vers minuit, avant de m’endormir. Je n’ai pas pleuré, même en reconnaissant Patrice, d’abord dans le car des jeunes québécois venant restaurer le château, puis lors de l’ouverture du XXe chantier d’Avezan, l’été 90, ni lorsqu’il parle après une fête et fait référence aux voisins.
J’ai même été heureuse de le revoir aussi semblable à celui que j’avais connu en septembre 1965.
Etonnant. La même tête, la même silhouette, la même voix.
La voix métallique comme une lame.
Il fait d’ailleurs référence à une lame dans ses paroles sur le château.
J’ai aussi reconnu le château, la grande salle où nous faisions des fêtes entre jeunes en vacances au village de Saint-Clar et aux alentours.
Et la région, les toits, les champs, l’horizon, de la belle Lomagne.
Alors je suis rassurée. Un tel homme ne peut pas tout à fait mourir. Il reste en chacun de nous qui l’avons rencontré. Il reste un peu de lui dans cette video touchante. Il reste dans mes Cahiers saint-loupiens, que je pourrais presque appeler les Carnets Cournot, tant il y est présent. Il reste dans ses écrits. Et dans le château. En paix.

© gaelle kermen 2010

Post-Scriptum après publication du Vent d’Avezan.

Le retour à Avezan a été particulièrement émouvant fin juin 2010
Jean-François Cournot, photographe, amateur d’art contemporain, fils de Michel Cournot, et sa femme Nicole Cournot d’Esparbès, m’ont reçue avec ma fille en leur Maison d’Hôtes La Garlande, sur la place de la Halle. Jean-François m’a parlé et parlé de Patrice. Il a fait ressurgir le passé, celui que j’avais enfoui dans mes cahiers, mais que je n’osais pas vraiment regarder en face, tant la lettre de Patrice était restée brûlante en moi. C’est seulement au retour de Saint-Clar que j’ai pu affronter mes souvenirs de Patrice, tels que je les avais notés au fil des détresses, pour les mettre en forme, les publier en hommage à l’homme exceptionnel qu’il était et qui m’a marquée à vif.

Mathieu-David Cournot, chef opérateur de cinéma, fils de Patrice Cournot, m’a autorisée à visiter le Château d’Avezan au solstice d’été 2010. Je l’en remercie.

Le retour à Avezan en 2010 a été si fort que pendant trois mois je n’ai rien pu écrire, ni publier de photos, mise à part celle de l’arrivée au château au soleil levant du 24 juin 2010.
Pour l’instant, j’ai du mal simplement à relire la lettre que m’avait écrite Patrice. Alors, j’attendrai un peu. Peut-être écrirai-je vraiment Celui qui Passe ? Je sais que tout n’a pas encore été dit.
J’ai été méprisée par Patrice. Je n’ai pas eu le beau rôle dans cet ouvrage. Pourtant, 45 ans plus tard, je ressens son mépris comme un honneur qu’il me faisait.
Qu’aurions-nous pu bâtir ensemble, nous qui avons consacré chacun de notre côté, trente ans de nos vies à restaurer, lui le château d’Avezan, de l’apanage d’Aliénor d’Aquitaine, moi la chaumière de mes ancêtres, cultivateurs bretons ?

Mon ebook Le Vent d’Avezan #02 1965-66 est sur mon histoire platonique avec Patrice Cournot. Il lui est dédié ainsi qu’à son oncle Michel Cournot.

Patrice Cournot (juin 1942- avril 2007), avocat à Paris, écrivain : Le Jour de Gloire, Gallimard, NRF, 1963, Le Bonheur des autres, La Table Ronde, 1972, Le retour des indiens peaux-rouge, Edite, 2000. Recherche sur Amazon.com.