Fac de Vincennes-août-1969

août 1969

vendredi 1 août

je n’arrive pas à être vraie en face de maman
et ça me tue littéralement
je reste agressive pas simple ni naturelle

alors que chaque jour un peu plus j’essaie d’aimer les gens dans l’absolu de comprendre ce que disait brendan

il faut transformer le désir en amour

tant qu’on garde ces rapports d’agressivité on en reste au désir sans pouvoir passer à l’amour


dimanche 3 août 1969

départ à ambert avec jean et ma sœur


carnet de voyage en auvergne

foire à ambert
les bestiaux autour du kiosque à musique où du temps des copains de jules romains on devait jouer mozart
bon dieu que j’aime les bêtes
j’ai toujours su leur parler
la petite génisse dresse l’oreille soulève ses longs cils et cesse de trembler dès que je pose sur le poil de son cou une main ferme
malheureusement le contact avec les hommes n’est pas si simple

je répugne même à en aborder un qui maîtrise un petit taureau un peu vif
je n’ose lui demander sa race par respect de son travail respect de sa vie dans laquelle je n’ai rien à faire
je suis une sale touriste malgré mes connaissances de la paysannerie

j’ai terriblement peur de mon enfance
quand par hasard mes yeux retrouvent les photos de mes huit ans de mes dix ans de mes douze ans ma main immédiatement les cache
je ne peux pas supporter de voir ce petit corps maigre douloureux ni ce visage fripé crispé
peut-être j’ai seulement peur de ne pas encore être sortie de cette enfance étouffée
je ne veux plus me voir comme ça étriquée
chaque matin est une revanche lorsque les mouvements de gymnastique me mettent en possession de mes muscles et que dans la glace je me refais une tête
chaque mois est une revanche sur cette féminité que je pensais ne jamais atteindre
toute ma vie sera cette revendication de ma féminité moi qui croyais ne jamais y avoir droit
quand ces crises reviennent et que je retrouve l’état abhorré qui a régi mon enfance j’ai envie de me laisser couler de ne plus vivre
mais le matin revient
toujours

joan baez m’intéresse parce qu’elle est bourrée de contradictions
est-elle typiquement américaine en ce sens
et c’est un paradoxe de plus puisqu’elle remet en question l’ordre américain établi
elle est passionnée et passionnante
allant jusqu’au bout d’elle-même de sa voix comme de ses actes
dansant éperdument jusqu’à la fatigue pacifiante
cherchant toujours autre chose écrire s’instruire instruire
merveilleusement douée
terriblement trop femme

j’aime les femmes qui n’ont pas peur de l’être
comme ava
exigeante cassante
et tendre

la déception et la presque colère de brendan quand il avait su que j’avais jeté la rose de ronne parce qu’elle était fanée
je ne jette rien
je les garde toutes
j’ai encore les jonquilles de ton anniversaire de naissance

stupidement je lui avais dit
mais la rose était fanée

depuis je ne sais plus jeter les fleurs
surtout fanées

avant le départ à londres j’avais la protection de brendan
mais j’avais peur de ne pas être assez intelligente en face de lui
je me taisais
il parlait
ou ne parlait pas
nous avions été voir shantidas à la maison des prêtres saint-séverin
brendan était ému

shantidas disait me reconnaître
était-ce vrai
tant de monde passe à l’arche
trois ans avaient passé depuis le camp de l’arche 1964 à bollène
deux ans depuis mon passage à la borie-noble au larzac

j’ai du mal à parler de brendan
je ne veux pas convaincre
convaincre qui et pourquoi
je sais seulement l’immense joie qui nous réchauffe le cœur quand parfois nous nous reconnaissons entre personnes qui l’avons rencontré connu et aimé

je suis fière aussi d’avoir connu shantidas
même si je l’ai un peu oublié maintenant ce serait me renier moi-même que de ne pas me souvenir que j’ai passé des jours plongée dans le pèlerinage aux sources
j’ai dû lire ce livre trois fois au moins
je ne dois pas oublier que j’ai médité les principes et préceptes du retour à l’évidence
l’évidence
trop belle pour qu’on en parle
trop haute pour qu’on l’atteigne
ou trop simple pour qu’on la saisisse

les américains savent toujours tout
le louvre est gratuit le jeudi après-midi
le jeudi après-midi brendan allait au louvre
il connaissait aussi les petits cafés de paris où le café coûte encore 50 centimes


août 1969 suite

jeudi 14 août

retour d’ambert vers saint-julien de vouvantes


samedi 16 août

mariage de pierre et annie à saint-julien


dimanche 17 août

rentrée à paris avec tonton claude et tante denise
elle est une femme remarquable et efficace
un ordinateur dans la tête
et un raffinement sans égal
dans le langage et les sentiments
comme j’ai pas mal bu la nuit dernière j’ai une bulle dans l’estomac
mais tout se passe bien pendant le voyage

c’est quand même chouette de rentrer à paris retrouver l’appartement ensoleillé le téléphone les bouquins les robes et tout

et surtout mon souffle
libre
enfin
après la terrible crise d’ambert
où j’ai découvert malcolm lowry
au-dessous du volcan
avec le vautour dans le lavabo


lundi 18 août

pas très efficace
malgré moi je repense à gilles nicoulaud un copain d’enfance des cousins
et beaucoup à per-jakez
que j’aime toujours
plus que n’importe quel autre peut-être
mais intemporellement
et ça ne m’avance pas à grand chose


mardi 19 août

journée pas beaucoup plus efficace
je reprends mal mon souffle et suis encore fatiguée
peut-être aimerais-je voir donald je ne sais pas
si j’étais sûre de me sentir en sécurité
ce qui est moins sûr que tout
dommage

mais bob appelle
bob vient
bob nous sort ma sœur et moi
bob nous fait manger
en digestif je lui offre rue des canettes élise en paréo
élise qui parle
son type est allongé
il est très beau
mais il a des maux d’oreille dit-elle


mercredi 20 août

jean appelle
oui tous les célibataires en travail à paris nous appellent
quand donald appellera-t-il lui à qui je pense de temps à autres
lui à qui j’aimerais parfois faire l’amour
mais pas de rêves inutiles

jean me sort
il m’emmène au cinéma voir chaplin dans le cirque
jean me fait écouter mozart en buvant du whiskie

je suis à peu près bien
mon livre me brûle
comme celui de malcom lowry que m’a fait découvrir jean au moulin richard de bas à ambert


jeudi 21 août

je ne suis toujours pas efficace
pas encore touché à mon livre

soir bob vient dîner
pourquoi suis-je encore agressive avec lui
ce qui fait que se sentant un peu vieillir il croit que je me fous de sa gueule
au fond je joue les enfants gâtées
alors que j’admire sa façon de mener sa vie
elle est tellement plus positive que la mienne


vendredi 22 août

réveil dans un semi-état bizarre
envie folle d’être stupidement amoureuse
mais de vivre pour quelqu’un ou quelque chose d’important
pas seulement pour des rêves
que seule je ne sais pas être capable de réaliser

vu ce soir un très beau film
ma nuit chez maud de rohmer
avec le visage de trintignant à la messe
j’en frémis
toute ma vie je la passe à chercher per-jakez
plus ou moins consciemment


mardi 26 août

je sens ma vie glisser entre mes doigts
comme du sable
à toute vitesse parfois
sans rien qui la retienne
avec cette fatigue de tous les muscles et de l’esprit


mercredi 27 août

mes cousins françoise et maurice vont arriver ce soir de saint-julien
ils viennent passer quelques jours à l’appartement du boulevard poissonnière

ça me donne un coup de fouet et je passe la journée à nettoyer cette foutue maison qu’on n’arrive pas à décorer correctement

bob vient dîner

repas vivant en souvenirs de famille avec françoise qui me rappelle son enfance avec gilles nicoulaud et son adolescence du temps de bernard lambert qui venait les chercher à chavagne margot et elle
tonton francis était le suppléant de bernard quand il était député


jeudi 28 août

ces jours derniers je me sentais couler
soudain je retrouve enfin mon dynamisme
lettre sous la porte
de bernard lambert

c’est trop beau trop gentil
et sélect en même temps

moi je sais que je vais lui répondre une lettre éclatante éclaboussante de vie
directe sans ambages ni conformisme
et j’attendrai son appel en septembre
je sais que j’ai du boulot à faire
du bon boulot
et des types grands comme lambert m’en donnent le courage
car je crois en lambert


vendredi 29 août

je suis heureuse que françoise et son mari soient là
ça me secoue
nous partageons tant de choses en souvenirs d’enfance françoise et moi
nous avons la même forme d’humour
et d’une certaine façon la même vision des choses et des gens

mais crise d’asthme encore
ces crises me tuent
elles me propulsent dans un autre espace une autre dimension
mais la réalité est tellement étouffante quand j’en reviens


samedi 30 août

françoise et maurice partent
petrus m’appelle
encore un célibataire du mois d’août

anne m’offre pour ma rentrée scolaire
un cartable en vinyle jaune
et des baskets

petrus rappelle


dimanche 31 août

j’aimerais écrire mes pages comme des morceaux de mozart
paradoxalement le requiem me donne toujours envie de vivre

petrus a rappelé mais j’ai refusé de le voir car je dois écrire le mémoire de sciences politiques sur le national-socialisme pour poulantzas

bernard lambert est sans doute à l’origine de ma vocation pour les questions agricoles
je crois en un homme comme lui
quoi que l’on puisse lui reprocher démagogie égocentrisme j’estime que son action est positive il pose les questions et fait réfléchir les gens en leur faisant prendre conscience d’une situation qui pourrait changer
quand il viendra à vincennes ça pourra être grand

la séduction de bernard lambert sur moi malgré lui est liée à pas mal de symboles oniriques comme la terre fouillée travaillée fécondée ou la force musculaire de son taureau roméo qu’il semblait égaler dans sa simplicité

je cherche toujours l’homme
mais j’ai déjà trouvé le paysan lyrique que je disais chercher à patrice au bal de casteron
lui n’était qu’un citadin sinistre


Écrit en août 1969, publié in Maquisards du Bois de Vincennes, Gaelle Kermen, 2011 books2read.com/u/brG76M

Gaelle Kermen
Kerantorec, le 25 août 2019


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Fac de Vincennes-1969-mars

samedi 1 mars 1969

peu à peu mes muscles reprennent leur place et mon souffle sa cadence
mais je n’ai pas envie de parler
maman ne le comprend pas
alors je me plonge dans la baignoire bleue avec le marxisme du XXe siècle

après-midi on commence en famille à écrire les adresses pour gault et millau pendant qu’ils parlent à la radio des amusements de paris de bouffe de clubs privés
comme si les jeunes n’avaient que ça à penser s’amuser

margot et simon arrivent

on dîne ensemble en bas

et puis ils partent avec ma sœur au théâtre de la huchette voir la cantatrice chauve de ionesco

je reste très éveillée à écrire ces foutues adresses jusqu’à presque trois heures du matin


dimanche 2 mars 1969

adresses adresses adresses

tour de notre société de consommation

margot descend puis revient avec des fleurs des anémones assorties à mes couleurs d’aujourd’hui qui s’éclaboussent doucement sur le mur blanc

simon m’apporte une rose
pour mon anniversaire demain

aujourd’hui c’est celui de pierre
il y a un an il avait trente ans

moi demain j’aurai vingt-trois ans
ma sœur m’offre le lever du jour de joan baez
un livre des rêves des pleurs dans un grand vide une force de violence d’amour

je ne me sens plus ces délires d’angoisses d’il y a deux ou trois ans
où vais-je


lundi 3 mars 1969

écoute-moi dieu veille sur lui de très près il est plus fragile que la plupart des gens et en outre je l’aime

joan baez pour bob dylan

matin gris

on part vers les nouvelles messageries de la presse parisienne

je reviens mourante de souffle et m’endors sans aller au cours de casamayor

petrus me réveille pour me souhaiter mon anniversaire c’est merveilleux qu’il ne m’oublie pas

vincennes
philippe et les autres
un a les yeux verts
je n’ai pas envie de travailler
rémy
rémy veut qu’on souhaite ensemble nos deux anniversaires

philippe les autres

un type se vante de ses exploits sur les coins de table et dans les lavabos dans tous les coins de vincennes

il nous déprime

pas envie de travailler

philippe bibliothèque
il a sa petite amie de médecine près de lui mais son attitude avec moi ne change pas

malgré moi je cherche daniel

soir cours avec rémy

soir je pars avec lui

je n’ai pas trouvé daniel

je ne veux pas mourir

nuit chez rémy

j’ai trop bu

je n’en peux plus


mardi 4 mars

je suis rentrée au matin

j’étais jolie bien maquillée et affreusement triste dans l’appartement gris de blanc

maintenant il fait beau parce que j’ai dormi

le jour s’est levé enfin
je n’en pouvais plus d’attendre

je vais sortir dans les rues avides de printemps
et puis je reviendrai et j’inventerai de jolies choses
à habiter

mais dieu que je suis seule sans pierre je n’ose l’admettre pourtant
je ne sais même plus de quoi j’ai envie

plus tard

le soleil est toujours là mais je pourrais pleurer

visage yeux daniel illusion

j’ai lu joanie baez

qu’est-ce que je fais de ma vie

au fond je ne crois à rien


mercredi 5 mars 1969

ce matin je dois enregistrer rouvier sur magnétophone pour conserver une preuve orale de ce qu’il va promettre à propos du problème des non-bacheliers

j’ai fait un effort pour me lever tôt
j’ai oublié la nuit désolante avec rémy qui ne méritait pas ça
je ne devrais pas boire autant

il fait beau la journée va être intéressante
j’ai du mal à respirer

tiens une lettre sous la porte
je l’attendais
timbre anglais
c’est de pierre
il a froid il a faim il n’a plus d’argent
à peine un je t’embrasse

je suis furieuse

mais au fond pour que pierre m’écrive une telle lettre difficile à écrire il faut qu’il m’aime vraiment ou du moins qu’il m’ait en grandes confiance et estime

toute la journée je vais très bien travailler
enregistrant au magnétophone nos débats sur l’ordre contestataire
assistant à deux cours jusqu’à neuf heures du soir

pas vu daniel


jeudi 6 mars 1969

réveil à neuf heures
en chantant
for just one too many mornings
and a thousand miles behind
de dylan

à dix heures et demi je suis prête lavée habillée maquillée
maison rangée

je commence à décrypter les enregistrements
fenêtres ouvertes dans le soleil
un pigeon a traversé l’horizon

avarro l’ami de penny arrive m’apporter la fin de sa thèse de doctorat d’histoire à taper sur l’histoire de l’esclavage

puis juste avant son départ arrive marc avec qui je travaille l’exposé
il me plaît il me plaît pas
la question ne se pose pas il a une femme et une petite fille

je me sens très démunie presque frustrée toute la journée
à vincennes toujours rencontres multiples discussions
en fait assez peu de travail
un cours celui de christian toujours adorable


vendredi 7 mars

soleil soleil soleil
j’ai envie d’un tas de nouvelles choses
je m’habille dingue
robe jaune ultra courte un petit foulard sur fond noir et de longues jambes noires

quand j’arrive à vincennes je rencontre luc et myriam que j’ai vus pour la première fois l’autre matin au cours de rouvier et pendant nos débats sur l’ordre contestataire

l’a g a lieu dans le bassin vide au soleil assis par terre
qu’est-ce que nous attendons

la marée dis-je

quelques guitares quelques folksongs de derrière les fagots
c’est le printemps
errances dans la fac assoupie

je m’engueule un peu avec rémy

finalement je pars avec luc et myriam au quartier

il fait trop beau
on fout rien
j’ai envie de tout


samedi 8 mars 1969

magasins tissus ceintures claquantes rêves d’autres choses
temps toujours joli

je n’ai pas tellement de courage pour me mettre au travail

luc m’appelle il veut venir prendre un pot ici
j’accepte
il vient l’après-midi

le soleil s’attarde sur le balcon
jeux de séduction en paroles
j’ai peut-être surtout envie de rire

il doit aller ce soir bouffer chez myriam il voudrait que j’y aille avec lui
moi ça ne me dit rien
myriam je la trouve très bien

ce genre de situation j’en ai assez
alors après son départ plutôt que d’attendre son coup de téléphone je pars à saint-leu avec ma sœur et la machine à écrire
ça évitera les complications


dimanche 8 mars saint-leu

dimanche joli ensoleillé
ma petite chatte nous prépare des bébés et fridu est toujours attendrissant

cet exposé nous ne l’avons pas suffisamment préparé


lundi 10 mars 1969

j’arrive en retard au cours de casamayor qui n’a pas encore commencé
luc et myriam sont là
je m’assieds près d’eux

j’entends alors casamayor demander
qui est gaelle kermen

je dis c’est moi

il me félicite chaleureusement
il a beaucoup apprécié mon devoir
il paraît que c’est très bien ce que j’écris que c’est excellent et tout

c’est bien la première fois que je me fais ainsi remarquer par tout un amphi
je rougis de plaisir

luc commence l’exposé puis marc
ils ne font qu’aborder l’introduction du sujet

casamayor me demande mon opinion et apprenant que je fais partie de leur groupe les prend à témoin

comment vous avez gaelle avec vous
mais alors foncez
vous avez vu comment elle écrit
n’hésitez pas

il a un impact formidable en disant ça avec toute sa fougue
je suis très heureuse
casamayor je l’estime
c’est un grand bonhomme
il peut m’aider
à oser être moi-même

luc et moi sans myriam au cours de droit constitutionnel
intéressant

vincennes c’est un feu d’artifices de connaissances et de découvertes
à nous de continuer

luc et les autres
marc rémy
luc m’appellera
je rentre au quartier avec marc

je passe rue visconti
je ne sais pas quoi faire pour pierre


mardi 11 mars

a time of peace i swear it’s not too late

jour de grève générale

papa va passer la journée ici il n’est pas dérangeant il dort

onze heures trente le téléphone me réveille je respire difficilement c’est luc
myriam n’est pas encore arrivée il a envie de venir ici
je dis mon papa est là
il dit bon alors non

myriam arrive
me parle très fort
mais je l’aime beaucoup cette fille
et bêtement hier j’étais jalouse d’elle

mon dieu les types il ne faut pas se laisser aliéner par eux
je n’ai pas le temps

papa est heureux de lire mon devoir
et fier de moi

je suis fatiguée
mais tape la thèse d’avarro bien et plus vite

le soir simon arrive
il était à la manif
il a rencontré philibert


mercredi 12 mars

qui m’a appris à écrire
patrice et michel cournot bob dylan anton tchekhov jd salinger
et jean-louis cure peut-être
je le dis maintenant il était un grand poète et je n’ai pas su voulu pu l’aimer ni le comprendre

j’ai retrouvé daniel
j’ai eu raison d’attendre de dire non à luc et aux autres
il était tard
j’ai attendu

il pleuvait un peu
nous avons marché
tous les deux
de la bastille à la république le parcours de la manif d’hier
sourires complices entre les gouttes

je l’attendais
demain
nous n’avons jamais été au cirque


jeudi 13 mars

hier il m’avait demandé si je venais aujourd’hui à la fac et m’avait dit à demain
je suis allée au cours

plus tard à l’étage au-dessus du département droit passant devant une salle de philo je l’ai vu il m’a fait un signe

j’ai reconnu françois châtelet
je l’avais déjà vu en 64 avec noëlle jospin place de l’odéon dans un restaurant

j’avais un autre cours de droit
et j’ai de nouveau perdu daniel

je n’aime pas les vitres entre nous

demain je repars à nantes parce que je dois aller toucher mon premier terme de bourse avant le quinze à midi

il est des bonnes surprises

mais j’ai raison de penser
chaque jour
que je suis heureuse de vivre


vendredi 14 mars

je partirai en fin d’après-midi
j’appelle gene j’ai hâte de la voir
mon dieu je pense que j’aurais été si heureuse d’aller à nantes si le bébé avait vécu

vincennes
rémy toujours caressant tout doux
un peu cassant aussi
mais il me fait rire

débat pour l’exposé
ça fouare pas mal
quand apprendrons-nous à travailler ensemble

et puis luc me révolte il n’a aucune notion du manque d’argent de l’insécurité
je sors
je ne trouve pas daniel
je pars

train je lis

nantes gene chérie
choc en ne la voyant plus ronde ni épanouie comme avant
j’aimerais pouvoir faire quelque chose mais quoi
elle est révoltée
on le serait à moins


samedi 15 mars

nous parlons nous parlons ça lui fait du bien elle est angoissée par son isolement à nantes avec ses deux gosses souvent sans paul qui voyage beaucoup pour son travail

elle n’a plus l’envie même de faire la cuisine
elle est lasse
n’a plus de courage

ma grande gene si forte
il faudrait qu’elle vienne nous voir à paris que je lui fasse des robes qu’elle s’occupe de sa tête

je vais à la fac on me donne mon chèque 1392,00 F pas mal
je suis toute sautillante
au passage j’achète des jonquilles pour gene

puis trop rapidement le déjeuner avec les enfants

le départ en taxi
la gare

j’ai laissé gene dans un sale état
elle ne mérite pas ça
c’est trop injuste


dimanche 16 mars

boulot sur la thèse d’avarro

puis je couds mon pantalon de lainage blanc

les cousins simon et jakez arrivent en fin d’après-midi et vont nous chercher des pâtisseries arabes écœurantes et dégoulinantes à souhait

nous prenons le thé

luc m’appelle il m’a déjà appelée hier pour que j’aille bouffer chez myriam

moi je n’ai encore rien fait

à onze heures je commence

paul arrive on l’héberge pendant son voyage éclair à paris

je travaille jusqu’à quatre heures et demie du matin
je ne suis pas folle de joie de ce que j’ai fait


lundi 17 mars saint patrice

le temps est incertain mais je tiens à mettre mon pantalon blanc pull blanc chaussures vernies blanches foulard féraud en soie rouge chaussettes rouges et manteau marine

je suis un peu en retard mais très jolie

comme j’allais m’excuser casamayor s’avance vers moi pour me serrer la main avec chaleur

martine est avec sa petite fille muriel

ça me frustre toujours de voir les bébés des autres

film sur mai et on commence l’exposé

enfin je commence très à l’aise
trop peut-être
mais je m’amuse

les autres continuent
ensuite discussion

l’après-midi je m’endors au cours de droit constitutionnel je suis complètement vaseuse et puis

peu après notre sortie devant le département droit je retrouve daniel
nous rentrons ensemble

à nation nous échangeons nos numéros de téléphone
à demain peut-être


mardi 18 mars

journée de récréation
daniel va m’appeler venir
ce sera bien j’ai envie de lui

envie au fond je ne sais
je n’ai plus du tout envie de baiser pour baiser
ça c’est sûr

et puis la journée passe

je vais à la banque et perds toute l’après-midi du côté des champs élysées

a-t-il appelé n’a-t-il pas
je ne sais
nous avons le temps
beaucoup de temps
c’eût été trop tôt

je tape la thèse d’avarro

j’ai acheté quelques jolies choses

et pour l’instant j’enregistre donovan à la radio europe 1 sur campus de michel lancelot


mercredi 19 mars

temps éclaboussé de soleil
vrai printemps demain mais aujourd’hui déjà

alors je suis pleine d’ardeur je finis ma tunique de lainage blanc et le bermuda assorti

je tape deux ou trois pages
c’est long une thèse d’histoire

j’arrive à vincennes dans l’après-midi
luc m’embête enfin il ne m’amuse plus s’il m’a amusée

cours de poulantzas

puis cafétéria avec christian duc
il admire ma tenue avec force termes délirants puis nous discutons d’histoires de cul évidemment

puis arrive daniel qui me cherchait partout depuis ce matin

cours de socio économique près de martine qui est intéressante

à huit heures je rejoins daniel au cours de psychanalyse de leclaire

plus tard arrive marianne

mais daniel rentre avec moi et reste dormir ici

échec

je ne comprends plus ce qui se passe

daniel m’emmène manger près des anciennes halles espérant que ça ira mieux ensuite mais c’est de plus en plus mauvais

je ne sais plus faire l’amour

je ne peux plus faire l’amour

et je n’ai pas vraiment envie de faire l’amour

alors nous dormons


jeudi 20 mars

c’est seulement aujourd’hui vers midi que nous arrivons à le faire cet amour comme si c’était une obligation pour ne pas se quitter trop déçus

mais ça me déprime

pierre m’a traumatisée

ou je ne sais quoi

je ne comprends plus

vincennes l’après-midi

je me sens assez mal et dois quitter un cours

je retrouve philippe et lui raconte mes malheurs

puis christian mon adorable homosexuel oriental

bref nous passons la soirée à parler de cul


vendredi 21 mars

thèse thèse thèse
je n’ai pas le temps d’aller à vincennes
thèse thèse thèse

ce soir je vais rue guynemer invitée par petrus à une boom
je dois y retrouver isabelle qui m’a appelée l’autre soir
patrice sera là sans doute

je veux être éblouissante
je m’achète quelques somptueuses choses
volupté de pouvoir dépenser de l’argent
après si longtemps

j’aime vivre vite
être occupée à plein comme aujourd’hui

soir simon vient dîner avec nous et reste avec moi pendant que j’attends daniel qui doit venir me chercher ici et tarde et tarde et me rend folle

j’ai trop de soirs attendu pierre pour supporter ça à nouveau

enfin il arrive et nous partons

la première personne rue guynemer est patrice qui ne me reconnaît d’abord pas et constate que décidément je change chaque année
normal je grandis

on tombe sur une nana qui prétend avoir assisté à mon exposé l’autre jour à vincennes au cours de casamayor

isabelle françois et antoine de g
ces gens connus il y a quatre ans à peu près

jean-françois qui ne me reconnaît pas non plus tout de suite mais est ravi de me revoir et reste discuter avec moi presque tout le temps en critiquant les gens comme avant
je l’aime beaucoup

mais je guette patrice et j’arrive à lui parler quelques minutes de droit de son métier et de casamayor

patrice tu es moins beau qu’avant mais je t’ai aimé tu me donnes envie de travailler et je ne peux m’empêcher de penser que si je t’avais écouté j’aurais maintenant ma licence en droit et je n’aurais pas tout gâché

mais je n’aurais pas non plus connu pierre ni balmain ni kiki féraud ni la sorbonne libre ni casamayor et je n’aurais pas comme maintenant envie de te parler de droit et de justice

je rentre avec daniel tout gentil

mais ça m’a fait un choc de revoir patrice

j’aimerais de nouveau

oh je ne sais pas

je crois que ce qui me gênait chez lui était son manque d’humour

ou alors je n’étais pas réceptive au sien


samedi 22 mars

soirée chez louis féraud avec kiki yves et son ami et aussi le chien sloopy un labrit des pyrénées le chien de mia fonsagrives la seconde femme de louis


dimanche 23 mars

hier soir marianne est venue ici je ne l’ai pas vue j’étais chez kiki
elle trouve que daniel et moi allons bien ensemble
c’est faux je crois que nous pourrions arriver à bien faire l’amour tous les deux mais je ne sais pas si ça me suffit
je m’ennuie un peu avec lui
c’est pas encore ça
et je n’ai pas de temps à gaspiller

heureusement anne et moi avons un boulot fou qui ne laisse pas de place pour un bonhomme

j’ai envie de bosser comme une dingue et de gagner du fric
pour égaler les cournot les féraud et tous mes petits amis plus fortunés
les égaler socialement comme intellectuellement


lundi 24 mars

je ne vais pas au cours de casamayor

je n’ai pas le temps il me faut finir la thèse d’avarro pour demain

alors que je pars à vincennes vers midi et demi on me téléphone de la fac c’est patrick qui m’invite à aller demain soir au théâtre pour faire la foule parce que la radio va venir enregistrer et tout

de toutes façons je le retrouve à vincennes juste avant le cours de droit constitu

lui les autres philippe et tous viennent au théâtre demain ça va être drôle

exercice écrit en constitu intéressant

je ne vois pas daniel alors je rentre au quartier avec philippe décidément on s’entend bien

hélène chérie

benoît effrayant


mardi 25 mars

hélène vient travailler aux mailings de gault-et-millau

elle est ponctuelle dix heures pile


jeudi 27 mars

départ pour nantes pendant les vacances


samedi 29 mars

saint julien g a e c groupement agricole d’exploitation en commun treffieux rené philippot


dimanche 30 mars

bernard lambert à teillé avec tonton francis et simon


lundi 31 mars

nantes chambre d’agriculture bernard thareau


Écrit en mars 1969 publié in Maquisards du Bois de Vincennes, Gaelle Kermen, 2011 books2read.com/u/brG76M
Gaelle Kermen, Kerantorec, le 30 mars 2019


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Gaelle Kermen est l’auteur des guides pratiques Scrivener plus simple, le guide francophone pour Mac, Windows, iOS et Scrivener 3, publiés sur toutes les plateformes numériques.

Diariste, elle publie les cahiers tenus depuis son arrivée à Paris, en septembre 1960. Publications 2018 : Journal 60 et Des Pavés à la plage Mai 68 vu par une jeune fille de la Sorbonne.

Vaguemestre depuis 1997, blogueuse des années 2000, elle publie plusieurs blogs sur ses sujets de prédilection, l’écriture sur gaellekermen.net, les chantiers d’autoconstruction sur kerantorec.net, les archives d’un demi-siècle sur aquamarine67.net et les voyages ici ou ailleurs sur hentadou.wordpress.com.

La bête humaine (brouillon)

Brouillon de l’article remis à la revue Esprit, 19 rue Jacob, Paris, Ve, après le concert du 3 octobre 1971 de Johnny Halliday au Palais des Sports, avec Gary Wright Wonder Wheel en première partie et Michel Polnareff au piano.

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Support : papier pelure, dupliqué par papier carbone Armor (marque déposée par la Société Galland et Brochard à Nantes en 1925)

Archives 1971 de Gaelle Kermen
Kerantorec, le 8 décembre 2017


Le regard naufragé de Johnny

 

 

Isle of Wight 1970 : dimanche 30 août dernier soir

Extraits du carnet de voyage du mois d’août 1970 tenu par Gaelle Kermen au cours du Festival Isle of Wight 1970 à paraître dans les cahiers 1970. Photos inédites de Jacques Morpain.


Personnages
Gaelle Kermen, étudiante à la fac de Vincennes Paris-8, diariste, 24 ans,
son petit frère Bruno, 12 ans
son cousin Jacques Morpain, étudiant à la fac de Paris-Dauphine, photographe, 23 ans

Texte de Gaelle Kermen (1970)
Photographies de Jacques Morpain (1970)

Tout a été pris sur le vif, sans censure, tel que le festival a été vécu, en direct.


île de wight dimanche 30 août 1970 dernier soir

je venais de penser qu’il n’y avait rien de comparable avec l’an dernier
en bas la foule n’a pas la force compacte de celle qui attendait dylan
pour rappeler l’atmosphère on a mis le disque hare krishna
importance psychanalytique du besoin de recréer les situations
mais ça ne marche pas

puis jethro jull
très bon
dingue

enfin jimi hendrix
bien parti
il joue l’hymne anglais comme il avait joué l’hymne américain à woodstock

mais il semble ne pas avoir la forme qu’il avait à woodstock

avec hendrix j’ai eu de nouveau l’impression que personne ne croyait plus à la musique à la paix à l’amour ni ceux qui chantaient ni ceux qui les écoutaient

tout au long du festival la question d’argent était revenue trop souvent

le même speaker qui avait pleuré sur ses millions de livres de déficit annonce joyeusement que six cent mille personnes sont venus à wight et que c’est magnifique

joan baez passe après jimi

elle parle de son mari
l’armée américaine le change régulièrement de prison
now he is at new-york

je m’ennuie
ou alors je l’ai entendue trop souvent raconter la même chose
six fois déjà
elle a toujours le même répertoire
une chanson de dylan en premier
puis let it be des beatles qu’elle a toujours aimé
là c’est oh happy days
oh my god

j’ai adoré joanie
j’aimais son visage de femme forte d’intelligence
l’an dernier elle avait coupé ses cheveux courts comme après une psychanalyse
je l’aimais pour un beau geste qu’elle avait eu un soir de printemps à paris au bullier en 1965
elle parlait de non-violence de gandhi de martin luther king
j’y croyais
c’était la belle époque du mcaa enfin le mouvement contre l’armement atomique des marches de la paix à taverny

ce soir-là au bullier joanie avait été prise à partie par des marxistes-léninistes
et dany cohn-bendit s’était approché du micro pour la défendre
oui oui oui comme je vous le dis
dany était fou de joanie et joanie dans son émoi lui avait pris la main
et dany flamboyait
c’était très beau

ensuite quelqu’un avait parlé de dylan
ils étaient séparés déjà
elle a eu un beau geste de la chevelure pour éluder
il a changé elle a dit
et il y avait dans son geste de la main toute la souffrance des femmes abandonnées
avec une rare beauté

je l’aimais pour ça
et pour sa brillance spirituelle ironique typiquement américaine
maintenant elle m’ennuie

elle est la première accusée de se faire payer trop cher
alors elle s’est décidée à dire qu’elle donnait son cachet de 12 000 livres en partie à des retardés mentaux et en partie à son école de non-violence de carmel
un peu trop tard

on a du mal à y croire et c’est bien dommage parce qu’elle au moins avait l’air d’y croire à la musique à la paix à l’amour


léonard cohen passe après joan baez

il est 4 heures du matin

ici sur la colline le vent de la mer repousse les paroles

je cherche des bribes de chanson dans le vent

je pensais que la voix cassée pleine de charme trouvait sa véritable dimension autour d’un simple feu de bois comme ça devait l’être à hydra d’après ce que m’a raconté platon lorsque nous étions en toscane ils étaient amis à l’époque de song for a room

mais il suffit de descendre quelques mètres pour jouir de l’amplitude douce et écorchée des chansons de cohen

plusieurs sont de l’album song from a room dont i know tonight will be fine avec une nouvelle manière de s’accompagner

sa voix se fait plus impératrice plus exigeante sur la foule en grande partie endormie à cette heure de la nuit

il fait bien son boulot
mais il manque une dimension celle que mélanie a su capter au petit matin

après seams so long ago nancy
il a dit good night friends

ça n’a pas déliré

ou je me suis endormie

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Texte de Gaelle Kermen – Crédit photos : Jacques Morpain 1970
en mémoire de Bruno le Doze (10/11/1957-10/09/1997) page hommage 1997
ACD Carpe Diem 2017

 

Isle of Wight 1970 : dimanche 30 août après-midi au festival

Extraits du carnet de voyage du mois d’août 1970 tenu par Gaelle Kermen au cours du Festival Isle of Wight 1970 à paraître dans les cahiers 1970. Photos de Jacques Morpain.


Personnages
Gaelle Kermen, étudiante à la fac de Vincennes Paris-8, diariste, 24 ans,
son petit frère Bruno, 12 ans
son cousin Jacques Morpain, étudiant à la fac de Paris-Dauphine, photographe, 23 ans

Texte de Gaelle Kermen (1970)
Photographies inédites de Jacques Morpain (1970)

Tout a été pris sur le vif, sans censure, tel que le festival a été vécu, en direct.


île de wight dimanche 30 août 1970 après-midi

plus tard nous remontons au festival et là c’est une sacrée fumisterie

nous avons pu entrer dans l’arène puisque maintenant c’est free depuis l’attaque des palissades
je me demande comment on a osé faire payer 3 livres pour ne rien entendre
impossible de discerner la jolie voix de l’adorable donovan

en bas ça ressemble maintenant à un meeting organisé par le parti communiste au bois de vincennes
on est venus en famille passer le dimanche après-midi au festival
on est allongés au soleil
on n’entend que dalle
on participe à peine
comment le pourrait-on puisqu’il semble que seuls les premiers rangs jouissent de la touchante présence de donovan

bref il n’y a que sur la colline qu’on entende quelque chose
la colline c’est toute la grandeur du festival
la nuit ça a autant de gueule qu’un pèlerinage à lourdes
je ne suis jamais allée à lourdes mais je m’attends souvent à voir tomber à genoux les gens sur cette colline comme je l’avais vu à la salette quand j’étais petite

mais où est celui ou celle qui nous fera mettre à genoux ce soir
dylan n’est pas là
i misses him m’a dit un américain

dylan reste le plus grand
on vend ici son disque illégal bootlegger un disque tout blanc très rare au prix de 2 livres et demi
on vend aussi son tarentula ce qui devait être son roman écrit au fil des chambres d’hôtel ou autre mais qu’il n’a pas publié parce qu’il a eu son accident de moto
tarentula est une soixantaine de pages polycopiées signées robert zimmerman son vrai nom pour 10 shillings

rien n’est comparable à dylan
je me rappelle la retransmission du festival de wight 69 faite par michel lancelot sur europe 1 dans campus

il annonçait parfois tranquillement l’arrivée des beatles ou des stones dans l’assemblée
eux qui déchaînent les foules quand ils se produisent quelque part ici leur arrivée ne troublait personne ils étaient là comme les autres au même titre que les autres venus voir le plus grand

le film de pennbaker dont’ look back sur dylan passe ici le soir
nous l’avons vu à londres au paris-pullman
un dylan d’il y a 5 ans en 65
un dylan insoupçonnablement beau
des yeux tendres aux longs cils
des cheveux d’ange
un dylan qui n’a rien a voir avec celui des photos habituelles ni avec celui de l’olympia 66
un dylan vivant mouvant riant mordant
un dylan incisif et doux

deux très belles scènes dans le film
l’une est plus ancienne que le film et date des débuts de dylan chantant only a pawn in their game entouré d’ouvriers noirs
il articulait consciencieusement dans le micro
il avait les cheveux plus courts et encore cet air de boy-scout qui aurait grandi

l’autre se passe dans une chambre d’hôtel à londres entre deux concerts à l’albert hall
joanie baez chante une mélodie très douce
longs cheveux noirs autour du visage grave
elle s’accompagne à la guitare
dylan est devant sa machine à écrire
il écrit
tac tac tac tac
de temps en temps il s’arrête et se laisse bercer par le rythme de la berceuse de joanie
puis il reprend
tac tac tac tac
elle continue avec love is just a four letters word de lui
bientôt il prend lui-même une guitare et il improvise avec elle

oui je crois que dylan est le seul qui me ferait mettre à genoux sur cette colline

 

pentangle bon groupe musique brillante
la chanteuse jacqui mac shee est agréable à entendre
enfin un groupe qui ne se traîne pas dans l’après-midi

le soir la musique jaillit plus spontanément plus naturellement
ce groupe commence à accélérer le rythme de la journée
mélodies sans grande originalité mais bien menées
il nous semble les avoir toujours connues dans une enfance anglo-saxonne

mais si pentangle a bien commencé eux aussi se traînent maintenant
ou alors c’est le vent qui a tourné
on attend toujours plus
ce festival n’a plus grande motivation
je compte sur hendrix et heavens pour chauffer la nuit car ni cohen ni baez n’auront assez d’énergie pour transcender ce festival

les moody blues enfin

le soleil s’embrume dans leurs délicates harmonies dont le melotron retranscrit tous les sons d’un orchestre symphonique
ils auraient sans doute gagné à jouer la nuit
mais ils terminent ce que mélanie avait éveillé
le jour
avec un grand calme et beaucoup de rêve

bien sûr on a droit à night in white satin tube célèbre depuis deux étés au moins
et de leur opéra days of future passed
puis c’est timothy leary is dead de leur search of the lost chord
hommage à la drogue
hommage à la sagesse
hommage à om om om

dans le ciel vibrant un cerf-volant cherche aussi des harmonies perdues dans le rythme
ils font un beau succès les moody blues
grande classe

l’année dernière le melotron était tombé en panne sur scène la foule avait attendu calmement que celui des moody blues qui l’a inventé l’ingénieur le répare
très britannique comme attitude


un organisateur s’obstine à dire que ce n’est plus la peine de détruire les palissades puisque le festival était gratuit désormais

il n’avait pas compris que les plaques de tôle qui s’en allaient comme des petits pains servaient à se protéger du vent pour la nuit

un type à qui on demandait comment il s’était débrouillé pour gagner de l’argent à wight nous a dit
ben on faisait des baraques et on les revendait

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Pentangle on stage

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Texte de Gaelle Kermen – Crédit photos : Jacques Morpain 1970
En mémoire de Bruno le Doze (10/11/1957-10/09/1997) page hommage 1997
ACD Carpe Diem 2017

 

Scrivener ecrire un ebook en un mois #1

Le projet du guide francophone pour débuter avec le logiciel d’écriture Scrivener a été commencé le 3 décembre 2015 et terminé le 18 décembre. Deux semaines ont permis de le construire et le mettre en forme. Je m’étais lancé un défi. Il a été respecté, grâce à Scrivener.

Voici le tableau d’affichage final du Projet au 18 décembre :

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Le tableau d’affichage de Scrivener permet de suivre la gestion du projet d’écriture. © gaelle kermen 2016

Il a fallu encore autant de jours pour élaguer le projet, enlever des pages entières, ajouter une Partie PUBLIER, corriger encore et encore, revoir, modifier des captures d’écran, désactiver les liens vers Amazon pour être accepté par Apple et passer le cap du Premium Catalogue de Smashwords, vérifier les conversions des plate-formes et le publier enfin. Le 31 décembre 2015, l’ebook a été mis en précommande pour la sortie du 10 janvier 2016.

http://www.amazon.fr/Scrivener-plus-simple-francophone-Collection-ebook/dp/B019XR6JQE/

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https://www.smashwords.com/books/view/604115

175 pages. 14 500 mots. 144 illustrations. 177 heures. Un mois de travail d’écriture intense.

Bien sûr, je maîtrisais mon sujet, avec une expérience de plusieurs mois intensifs sur Scrivener. Je ne me lançais pas en quinze jours dans l’inconnu. Sauf que je me demandais si l’ajout d’images dans les pages allait passer. J’avais renoncé à publier en 2012 un livre illustré sur le Festival de Wight 70 (avec Jimi Hendrix, Leonard Cohen, Melanie, Joan Baez, etc.) parce que le travailler sur Word était un cauchemar, avec un fichier trop lourd, qui plantait et me décourageait. Avec Scrivener, 144 illustrations sur 175 pages sont passées !

Ce dont je suis sûre, c’est qu’aucun autre traitement de texte ne m’eût permis une telle rapidité d’exécution ni ne m’aurait autant motivée à construire ce guide. Peut-être aurais-je renoncé à aller au bout de l’aventure. Avec Scrivener, j’ai été stimulée, émerveillée même, par ce que j’apprenais encore en balisant vos chemins dans ses méandres.

Maintenant, c’est à vous de prendre Scrivener en main, de l’adapter à vos besoins, d’en faire un outil productif, un compagnon de vie, une ressource d’expression de vos richesses les plus précieuses.

Que ce guide vous accompagne dans vos premiers pas ! Il n’est pas complet, il faudra faire une suite pour les utilisateurs avancés, mais déjà il vous permet de vous lancer dans votre écriture.

Avec mes meilleurs vœux pour la nouvelle Année 2016, qu’elle soit productive, riche et épanouissante.

En guise d’étrennes, vous pouvez télécharger le Roman-modèle (avec parties et chapitres) que j’ai traduit du modèle proposé dans Scrivener.

Écrivez ! Ici et maintenant !

Gaelle Kermen,
Kerantorec, le 9 janvier 2016

Scrivener est un studio d’écriture diffusé par Literature & Latte. https://www.literatureandlatte.com/scrivener.php

Couverture par Indiegraphics

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ScrivenerSimpleCover

Gaelle Kermen est l’auteur de Scrivener plus simple, le guide francophone pour Mac, publié par ACD Carpe Diem, 2016.

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