Camp NaNoWriMo printemps 2019

Depuis le Camp d’été de juillet 2016, où je m’étais inscrite le matin du premier jour, sur un coup de tête, je ne rate aucun de ces rendez-vous d’écriture en un cadre de discipline choisie. Comme de nombreux auteurs autour de la planète, dans un égrégore stimulant.

Demain 1er avril commence le Camp NaNo du printemps 2018. Tout le mois.

J’ai écrit deux guides pratiques cet hiver, que je vais relire, réécrire, corriger, mettre en forme et publier sans attendre des années…

Une cabane d’écriture

Pour jouer au camp NaNo, j’ai poussé le luxe jusqu’à installer une cabane d’écriture, cabane qui m’était laissée par mon cousin-voisin qui déménageait du village. Ce devait être une serre, c’est déjà une cabane d’écriture. Mon iPad y est installé dès le matin sur son support devant son clavier. J’y reviens en fin de journée. J’écris sur Scrivener iOS et complète mes lignes de temps sur les projets Aeon Timeline iOS.

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J’ai passé la fin de l’hiver à préparer mon environnement pour avoir un décor agréable et inspirant sous les yeux. Il a fallu tailler des ronces, tondre des herbes devenues trop hautes. C’est fait ! les horizons sont dégagés. Je vais pouvoir faire les plantations de printemps. Voilà, je suis prête pour le Camp NaNo. Le beau temps est déjà arrivé en Bretagne, je viens d’accrocher le hamac. Il suffira de faire du feu entre les pierres ancestrales pour cuire des aliments et vivre la vie naturelle dont j’ai besoin pour être bien.

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Une cabine-cabane-tipi

Lors du Camp NaNo, on peut créer une « cabin » avec des amis écrivains pour s’encourager et se stimuler. J’appelle ça une cabane, un ami québécois l’appelle un tipi. J’ai créé une cabane-tipi pour les scrivonautes francophones. On peut être jusqu’à 19 selon les règles du Camp NaNo (on ne tiendrait pas à 19 dans ma vraie cabane de 3,60 m2). Nous ne sommes que quatre, deux Bretonnes et deux Québécois.

Si vous avez envie de nous rejoindre, faites-moi un message privé avec votre pseudonyme du Camp NaNo. Je vous inviterai dans la cabane ScrivenerFR.

Les démarches

1) s’inscrire sur le site du Camp NaNo avec le compte du NaNoWriMo si on en a déjà un,
2) créer un projet : roman, essai, etc. mais aussi révisions, corrections, mise en forme d’un projet déjà écrit en premier jet,
3) accepter les invitations dans les Settings Cabin.

Bon courage ! Merci et bon voyage en écriture !

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Liens

http://campnanowrimo.org/campers/gaellekermen

http://campnanowrimo.org/campers/gaellekermen/projects/aeontimeline-ecrire-un-livre-entier-sur-scrivener-ios

http://campnanowrimo.org/cabins/current

Recettes de cuisine pour le NaNoWrimo
Répertoire des articles sur le NaNoWriMo avec Scrivener



portraitGaelleKermenparAnaLDSGaelle Kermen est l’auteur des guides pratiques Scrivener plus simple, le guide francophone pour Mac, Windows, iOS et Scrivener 3, publiés sur toutes les plateformes numériques.

Diariste, elle publie les cahiers tenus depuis son arrivée à Paris, en septembre 1960. Publications 2018 : Journal 60 et Des Pavés à la plage Mai 68 vu par une jeune fille de la Sorbonne.

Vaguemestre depuis 1997, blogueuse des années 2000, elle publie plusieurs blogs sur ses sujets de prédilection, l’écriture sur gaellekermen.net, les chantiers d’autoconstruction sur kerantorec.net, les archives d’un demi-siècle sur aquamarine67.net et les voyages ici ou ailleurs sur hentadou.wordpress.com.

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Des pavés à la plage Mai 68-2018 gaelle kermen-liens-archives-bibliographie-contacts

Des pavés à la plage, Mai 68 vu par une jeune fille de la Sorbonne

Mai68Vignette

Dans mon livre sur Mai 68, publié le 27 mai 2018, je recense les liens à mes archives depuis 1997, ainsi que ma bibliographie depuis 2010.


Gaelle Kermen site archives

Le Fonds Kerantorec, site d’archives de 1997 à 2008 http://mhledoze.free.fr/site_A_V.html

cette soif jamais ressentie http://mhledoze.free.fr/ecrits/mai68/soif.html.

la chienlit c’est lui http://mhledoze.free.fr/ecrits/mai68/poesie.html.

les fresques de nanterre http://mhledoze.free.fr/ecrits/mai68/fresques.html.

telerama : article gerard pangon  http://mhledoze.free.fr/ecrits/mai68/telerama.html.

Un Souvenir de Roberto Matta en Mai  68 Paris  http://mhledoze.free.fr/requiem/celebrites/Matta.html.

la photo du Che par Alberto Korba en 67 http://mhledoze.free.fr/ecrits/mai68/che.html.

VAGABONDAGES DE MAI http://mhledoze.free.fr/ecrits/mai68/AYMai68.html.

archives d’aquamarine 67 | Flickr ». https://www.flickr.com/photos/gaelle_kermen/albums/72157623669287602.

Des Tibétains en grève de la faim en 88 http://mhledoze.free.fr/melanie/index.html

Souvenirs de mes disparus http://mhledoze.free.fr/requiem/index.html

Yves Samson http://mhledoze.free.fr/atelierdYS/


Gaelle Kermen bibliographie


Guides Pratiques

Scrivener plus simple pour Mac. ACD Carpe Diem. Guide Pratique Kermen  1. Kerantorec, 2016.

Scrivener plus simple pour Windows. ACD Carpe Diem. Guide Pratique Kermen  2. Kerantorec, 2016.

Scrivener plus simple pour iPad et iPhone, ACD Carpe Diem. Guide Pratique Kermen  3. Kerantorec, 2016.

Smashwords plus simple pour les francophones, ACD Carpe Diem. Guide Pratique Kermen  4. Kerantorec, 2017.

Scrivener  3.0 Introduction aux Tutoriels anglais, ACD Carpe Diem. Guide Pratique  5. Kerantorec, 2018.

Scrivener  3 plus simple, guide francophone de la version 3.0 pour Mac, Guide Pratique  6. Kerantorec, 2018.


Cahiers des Années 1960-70

Kermen, Gaelle.
Aquamarine  67. 2e éd. Smashwords, Inc, 2010
#01 Au Loin un Phare. 2e éd. Smashwords, Inc, 2010.
#02 Le Vent d’Avezan. 1re éd. Smashwords, 2010.
#03 Le Soleil dans l’Oeil. 1re éd. ACD Carpe Diem, 2011.
#04 Les Maquisards du Bois de Vincennes. 1re éd. ACD Carpe Diem, 2011.


Autres publications

Kermen, Gaelle.
Aquamarine Revisited, Édition du Cinquantenaire. ACD Carpe Diem. Archives. Kerantorec, 2017.

Kermen, Gaelle, Morpain, Jakez.
Le Festival de Wight vu par 2 Frenchies. ACD Carpe Diem. Archives. Kerantorec, 2017.

Kermen, Gaelle.
Des Pavés à la plage, Mai  68 vu par une jeune fille de la Sorbonne, ACD Carpe Diem. Archives. Kerantorec, 2018.


Gaelle Kermen contacts

gaellekermen.net (écriture)

aquamarine67.net (archives)

hentadou.wordpress.com (voyages)

kerantorec.net (chantiers, jardin, cuisine)

Pages auteur sur Amazon, Apple, Iggybook, Smashwords

Facebook : gaellekermen

Twitter : @gaellekermen


Gaelle Kermen, Kerantorec, le 8 juin 2018

Extrait de Des pavés à la plage, Mai 68 vu par une jeune fille de la Sorbonne

En exclusivité numérique sur Amazon tout l’été 2018
Bientôt en deux versions papier broché : format normal et format grandes lettres


Souvenir de Jakez Morpain (1947-2018) qui nous a quittés le 31 mai 2018. Cousin compagnon photographe de mes chemins en 67, 68, 70, 97. Trugarez, Jakez !

3 Mai 68 : dans la cour de la Sorbonne

Le 3 mai, après la fermeture de la faculté de Nanterre, les étudiants refluent en assemblée générale à la Sorbonne.

Le doyen Grappin demande l’évacuation par les CRS qui procèdent à l’arrestation des principaux dirigeants syndicaux et politiques étudiants.

Une manifestation spontanée surgit dans les rues du Quartier autour de la Sorbonne : « Libérez nos camarades ! »

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Sur ce cliché ©UPI, on reconnait au centre Dany Cohn Bendit. Je reconnais Michel Bablon (tête brune, pull ras de cou, blouson de cuir beige) devant le 4eme pilier de la chapelle, au-dessus de Brice Lalonde, alors président de FGEL (Fédération Générale des Etudiants de Lettre), lui-même à côté de Jacques Bleiptreu. Je les ai connus quelques jours plus tard au Comité d’Occupation de la Sorbonne.

Le cliché est visible sur quelques pages, dont celle-ci https://www.sudouest.fr/2018/03/12/entretien-avec-edgar-morin-mai-68-c-etait-plus-d-autonomie-plus-de-liberte-plus-de-communaute-4275793-10275.php

Cette photo recadrée est visible dans un article récent de la Tribune (DR)

https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/mai-68-quand-la-france-se-joignait-aux-convulsions-du-monde-771543.html

La photo doit être prise lors de l’assemblée générale avant l’attaque des CRS.
Tout le monde est joyeux, autour de Dany le Rouge au mégaphone. Sur la gauche, je reconnais trois personnes.

Dans l’angle inférieur, c’est Brice Lalonde, souriant et presque gouailleur. Dans les extraits du Journal, je raconte comment j’ai rencontré le petit prince de la Sorbonne. A l’époque, il était le président de la FGDL (Fédération Générale des Etudiants de Lettres).

À côté de lui, je reconnais Jacques Bleiptreu, lui aussi rigolard et devant faire un bon mot. À la fin de l’année 68, je lui servirai de guide à Nantes et Saint-Nazaire pour rencontrer les militants de la région, dont le frère aîné de Dany, Gaby Cohn-Bendit, resté militant de base engagé dans l’éducation alternative.

Et en haut à gauche, je reconnais soudain Michel Bablon, mon révolutionnaire malgache, sérieux lui, la révolution était une affaire sérieuse. Il avait trente ans, mais il fait très jeune sans ses lunettes qu’il venait de casser et qu’il remplacera pendant la période du Comité d’Occupation, des petites lunettes cerclées de fer façon Trotsky.

Jacques et Michel ont fait partie du troisième et dernier comité d’occupation de la Sorbonne.

Il est bon de mettre des visages sur quelques personnes qui vont traverser mes pages de souvenirs, de mémoires et d’archives.

Extraits des archives

En juin 1968, je prenais des notes pour écrire un livre avec les militants sur l’expérience du comité d’occupation. Le projet a été abandonné très vite, mais j’ai retrouvé les notes dans mes archives.

Voici ce que me disait Michel Bablon, guévariste, sur le 3 mai 1968.

Les événements dépassent tous les groupes politiques et débordent toutes les prévisions. La formation de groupes entraînés devait être mise en place à la rentrée universitaire d’octobre 68.

Le mot d’ordre : revoir l’université. Selon Forman (Milos Forman venait d’arriver à Paris depuis Prague) : les problèmes français sont ceux d’une période pré-révolutionnaire.

Vendredi 3 mai 68 : la fermeture de la fac de Nanterre est demandée par le doyen Grappin. D’où le meeting à la Sorbonne.
On s’attend à une attaque fasciste. Le lundi précédent, Occident a attaqué la FGEL (Fédération Générale des Etudiants de Lettres).
Dans les cars des étudiants arrêtés à la Sorbonne le 3 mai, se trouvaient tous les éléments forts de l’UNEF, FGEL, MAU, JCR, 22 mars.

Samedi 4 mai : on prend des contacts pour la reprise de la Sorbonne.
Problème : doit-on attendre la rentrée universitaire où des luttes étaient prévues ? Ou doit-on agir immédiatement car Dany et six camarades doivent passer en Conseil de discipline ?
Les mots d’ordre lancés sont : « La fac aux étudiants » « Libérez nos camarades »

Voici ce que me disait Jean-Claude Rabinovitch, de l’UEJF (Union des Etudiants Juifs de France) sur son engagement le 3 mai 68.

Pourquoi un engagement le 3 mai

Il m’était insupportable de voir les flics de si près, devant la Sorbonne, de voir les étudiants emmenés dans les fourgons de police. Particulièrement lors de la première manifestation. En solidarité envers la lutte des étudiants de Nanterre. Mis au courant, ça prenait son sens.

Pendant une semaine, j’ai fait toutes les manifestations, suivi tous les mots d’ordre de l’UNEF, SNE-Sup, 22 mars.

Le vendredi 17 mai, l’AG de la Sorbonne me propose pour le Comité d’Occupation

Gaelle Kermen
Kerantorec, le 3 mai 2018


Gaelle Kermen prépare un livre d’archives, souvenirs et bilans sur Mai 68 vu par une jeune fille de la Sorbonne

Blog auteur : gaellekermen.net

Extrait de Des pavés à la plage, Mai 68 vu par une jeune fille de la Sorbonne

Scrivener 3 plus simple en précommande sortie le 2 février 2018

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© Adam Molariss pour Indiegraphics 2018

 

Sortie en précommande du guide francophone d’initiation à la version 3 de Scrivener pour Mac : le 2 février 2018.

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Cadeau pour patienter

Pour attendre la sortie du guide Scrivener 3 plus simple, voici un module d’initiation aux tutoriels anglais fournis par le logiciel et le site.

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Précommande du guide Scrivener 3 plus simple :

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Belles écritures !
Gaelle Kermen
Kerantorec, le 20 janvier 2018

La bête humaine (brouillon)

Brouillon de l’article remis à la revue Esprit, 19 rue Jacob, Paris, Ve, après le concert du 3 octobre 1971 de Johnny Halliday au Palais des Sports, avec Gary Wright Wonder Wheel en première partie et Michel Polnareff au piano.

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Support : papier pelure, dupliqué par papier carbone Armor (marque déposée par la Société Galland et Brochard à Nantes en 1925)

Archives 1971 de Gaelle Kermen
Kerantorec, le 8 décembre 2017


Le regard naufragé de Johnny

 

 

Le regard naufragé de Johnny

Le 6 décembre 2017 a été une journée de deuil national pour les Français. Mon amie Françoise, vue ce jour-là, était très émue de la mort de son « jumeau », puisque Johnny était né le 15 juin 1943, elle le 25. Elle revoyait sa vie, sa jeunesse, ses danses, ses amours, sur les chansons de Johnny.

Moi non. Je n’étais pas émue, sa mort me semblait normale, cet homme était épuisé. J’avais été choquée de voir des photos de la dernière tournée des Vieilles Canailles de juillet dernier, avec Eddy Mitchel, Jacques Dutronc et Johnny Halliday. Johnny me faisait penser à l’épuisement qui avait emporté Mozart, beaucoup plus tôt en âge, mais pour les mêmes raisons, rapportées à leur temps.

Bien sûr, Johnny a fait partie de ma vie, comme celle de tout le monde qui a connu les décennies des années 60 à maintenant. Surtout que Sylvie Vartan avait quitté notre lycée des Maraîchers, l’annexe d’Hélène Boucher, peu après les vacances de Noël 1960 quand elle avait accompagné au pied levé Frankie Jordan dans Panne d’essence. Bien sûr que nous avions suivi son histoire avec Johnny, il eût été difficile de l’ignorer.

Mais très vite dans la famille, nous étions passés à d’autres styles de musique, quand mon frère aîné, Youennick, m’avait rapporté de Londres en cadeau de Noël 1963 le premier disque intitulé Bob Dylan, où Song to Woody nous avait ouvert d’autres horizons.

Jamais je n’aurais acheté un disque de Johnny et je n’étais pas sensible à sa voix, que je trouvais forcée, alors qu’elle fait fondre encore mon amie Françoise, pour qui Bob Dylan n’est qu’un « petit chanteur » ne méritant pas le prix Nobel de littérature… Nous n’avons pas les mêmes valeurs !

Pourtant, j’ai un souvenir avec Johnny, qui m’est revenu quand je lisais les nouvelles sur mon iPad en me réveillant à 3:34 le 6 décembre 2017, une demi-heure après l’annonce de sa mort. Le souvenir d’un regard épuisé, de celui qui a tout donné à son public et va s’évanouir. Un regard naufragé qui me l’a rendu humain.

C’était le 3 octobre 1971. Mon journal de l’époque ne notait pas les dates, juste les moments, souvent intenses. J’ai dû rechercher dans mon agenda de poche 1971. Comme je suis bonne archiviste, la quête a été rapide.

J’avais été invitée au concert du Palais des Sports par Archibald Legget, le compagnon de ma meilleure amie, Martine Cassou, devenue Martine Moore, artiste-peintre arlésienne maintenant. Archie avait été le bassiste de Johnny et il faisait la première partie du concert avec Gary Wright et Mick Jones du Gary Wright Wonderwheel. J’avais pu aller en coulisse, dans leur loge et j’étais parmi les groupies du premier rang, debout devant la scène. Sylvie Vartan, très belle, très élégante, style 70′, n’était pas loin.

J’avais assisté à de grands concerts, celui de Bob Dylan le 25 mai 1966 à l’Olympia, le jour de ses vingt-et-un ans, j’avais vu Donovan en 1967, plusieurs fois Joan Baez entre 1965 et 1970, j’avais passé trois jours hors du temps au festival de Wight 70 avec les plus grands, Jim Morrison, Jimi Hendrix, Leonard Cohen…

Je ne serais jamais allée à un concert de Johnny Halliday si Archie Leggett ne m’avait pas invitée à venir l’entendre, lui, avec les musiciens de son groupe !

Mais j’étais intéressée par le show en fait sociologique, pour la même raison que j’étais allée à Wight étudier les rituels de cérémonies païennes que sont les grands rassemblements musicaux (j’étais étudiante en sociologie à la fac de Vincennes).

J’ai raconté dans un article pour la revue Esprit comment j’ai vécu le concert à grand spectacle de Johnny Halliday. Encore maintenant, je trouve bien vulgaires tous ces effets spéciaux de grands shows, ces costumes à paillettes clinquantes, alors que je garde au cœur la grâce de Mélanie faisant lever le soleil sur l’île de Wight de sa seule voix avec sa seule guitare.

Après le concert, je suis repartie en coulisse pour retrouver Archie, Gary, Mick et le manager du Wonderwheel, avec qui, d’après mon cahier de l’époque, j’ai passé la nuit quand nous sommes sortis de la boîte La bulle.

J’étais petite et menue, je me faufilais partout et j’osais parfois attendre les artistes à leur sortie de scène, en particulier Laurent Terzieff, dont je ne ratais aucune pièce, au théâtre Lucernaire ou Montparnasse. Cette fois, je n’attendais pas spécialement Johnny, je n’étais pas une fan. Un de mes amants était violoniste de l’Orchestre de Paris, j’allais très souvent aux concerts classiques et j’étais plus sensible aux interprètes et aux cantatrices qu’à Johnny Halliday.

Mais le temps s’est suspendu quand je me suis trouvée seule avec lui dans le couloir, au moment où Johnny allait rejoindre un cabinet médical où un médecin et un kinésithérapeute allaient le recevoir avant qu’il collapse comme chaque soir, ainsi que me l’avait raconté Archibald.

Nous nous sommes trouvés l’un en face de l’autre, tout proches, dans le silence soudain. Ce qui semblait incroyable quand on pensait à la folie qui venait d’avoir lieu dans la salle en surchauffe du Palais des Sports. Il vacillait d’épuisement. Une serviette éponge autour du cou, les cheveux longs mouillés comme s’il venait de survivre à un naufrage, sortant de l’eau. J’ai cru qu’il allait me tomber dans les bras. Il m’a lancé un regard que je n’ai jamais oublié, d’une grande humanité.

Un regard qui disait que cet homme n’était pas une marionnette fabriquée par le show-biz, mais un artiste qui avait donné sa fougue, sa sève, ses forces, sa vie, à son public.

Ce regard que m’a donné Johnny cette nuit-là avant que l’équipe médicale le prenne en charge dans le cabinet dont je voyais la porte ouverte proche — je pensais : « Plus que quelques mètres, Johnny, tu y es ! » comme si j’étais une mouette attentive sur le sable salvateur, je venais d’un pays qui connait les naufrages — ce regard est revenu la nuit du 6 décembre 2017 quand je me suis réveillée à 3:34, une heure après sa mort.

Ce diamant rayonne encore au fond de la mine des années.

J’ai fait un article pour le numéro de Novembre 1971 de la revue Esprit où j’écrivais dans le Journal à plusieurs voix, avec des gens comme Philippe Meyer (sur France-Inter plus tard). Le début et la fin de l’article ont été coupés. Je les ai retrouvés dans mes archives. J’y évoquais cette faiblesse humaine et légitime de Johnny.

Les rédacteurs n’avaient pas jugé utile de le mettre dans l’article.

C’est pourtant cette dimension de Johnny qui fait que je suis un peu en deuil moi aussi.

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Et l’homme qui en a le mieux parlé est celui qui jugeait qu’il n’était pas le mieux placé pour faire, Jean-Luc Mélenchon, qui comprend aussi la tristesse de mon amie Françoise, qui, en pleurant Johnny, revit et pleure les amours passées de sa jeunesse.

« Alors c’est ça qui est intéressant : ils l’aiment pour la musique, pour le personnage, pour la manière d’incarner des textes et puis ils l’aiment surtout par rapport à eux parce que celui qui a été amoureux une seule fois sur la musique de Johnny, il ne l’oublie pas plus qu’il n’oubliera son amour. En tout cas moi je comprends qu’il y ait plein de gens à qui ça fasse du chagrin. Pourtant ils ne le connaissent pas, ils ne lui ont jamais parlé, ils n’ont fait qu’écouter sa musique. Mais c’est un chagrin qu’on a sur la vie qui passe, sur la vanité des choses, sur tout ce qui dans notre propre existence personnelle a pu entrer en résonance avec les autres grâce à une musique ou une chanson. »

Jean-Luc Mélenchon

Vanitas Vanitatis ! Que cet homme repose enfin en paix ! Il a tout donné, toujours.

Gaelle Kermen,
Kerantorec, le 8 décembre 2017


Lien au fac-similé de l’article paru dans Esprit, novembre 71

Lien à l’hommage à Archibald Legget

Lien aux œuvres de Martine Moore (visite de 2009)

Lien à l’article sur le concert de l’Olympia de Bob Dylan

Liens aux articles sur Wight 70

Le festival de Wight 70 vu par 2 Frenchies de Gaelle Kermen et Jakez Morpain, 10 septembre 2017, ACD Carpe Diem

Isle of Wight 1970 : lundi 31 août matin du départ

Extraits du carnet de voyage du mois d’août 1970 tenu par Gaelle Kermen au cours du Festival Isle of Wight 1970 à paraître dans les cahiers 1970. Photos inédites de Jacques Morpain.


Personnages
Gaelle Kermen, étudiante à la fac de Vincennes Paris-8, diariste, 24 ans,
son petit frère Bruno, 12 ans
son cousin Jacques Morpain, étudiant à la fac de Paris-Dauphine, photographe, 23 ans

Texte de Gaelle Kermen (1970)
Photographies de Jacques Morpain (1970)

Tout a été pris sur le vif, sans censure, tel que le festival a été vécu, en direct.


île de wight lundi 31 août 1970 matin du départ

réveil sur la pente au milieu des boites de conserve et des feuilles de journaux emportées par le vent

le ciel est couvert

c’est richie heavens qui termine ce festival
égal à lui-même
avec grande force et virulence

dernier jour à wight

on n’a pas pu entendre beaucoup richie heavens il fallait plier bagages et partir avant qu’il ne soit trop tard
on l’entendait derrière les tôles

un dernier passage aux toilettes

déjà la queue s’étendait sur des miles et des miles pour quitter l’île

en bons français on a essayé de resquiller mais ça n’a pas marché
alors comme tout le monde on a piétiné sagement ou presque

c’était sinistre ce petit matin gris sur le camp de tôles
comme si le festival était condamné
l’impression que c’était fini et qu’on ne reviendrait pas
et finalement une forte envie de sortir de là de cette crasse

on a attendu cinq heures

au bout de trois heures il s’est passé quelque chose de surprenant
la queue s’est dissoute
sans doute certains sont passés devant les autres
des français vraisemblablement
et tout le monde a suivi

alors on s’est retrouvés pressés en masse sur une largeur de 20 mètres de fils de fer barbelés tendus par les bobbies toujours imperturbables

impossible d’avancer

c’est vers ce moment qu’il s’est mis à pleuvoir les premières gouttes de notre semaine anglaise

quelques no rain no rain ont tenté de jaillir comme à woodstock
mais ça a fouarré
peu de communication

un seul type a failli faire copuler la masse
il avait profilé de la cohue pour rafler un paquet de tranches de pain sur l’étalage d’un marchand de soupes et sandwiches et il le distribuait autour de lui
ça a failli être beau mais ça n’a pas duré

et il a plu

certaines nanas avaient des robes légères et les bras nus

on a essayé aussi de chanter we shall overcome
sans grande conviction non plus
premier couplet et fini

les bobbies sont très calmes
ils attendent qu’on soient rangés avant de nous laisser monter dans les cars qui attendent vides depuis une heure

un officier se décide à demander qu’on recule pour déblayer la route
please will you please

évidemment nos flics français prendraient moins de gants et moins de temps pour nous faire dégager

c’est touchant cette politesse mais prodigieusement agaçant totalement inefficace

d’ailleurs un anglais furieux hurle
use your brain
injure suprême

finalement j’en ai marre ça a duré trop longtemps cette gentille attente
maintenant à chaque poussée je gueule systématiquement

je gueule
ma non-violence je l’oublie
je ne supporte plus la promiscuité de ces corps autour de moi et je suis responsable de bruno qui à chaque fois reçoit un coup de sac à dos dans la gueule

alors je hurle

il semble que ça paye car les bobbies se retournent inquiets

nous avons pu monter dans le prochain car

épuisement

chaleur


un dernier bain à ryde s’avère nécessaire

puis on prend l’hovercraft


à portsmouth un chauffeur de taxi nous dit que wight avait été le plus grand festival du monde c’était le mieux organisé aussi parait-il the best ever organised festival of the world


dire qu’on aurait le courage de retourner à wight l’an prochain s’il y a un autre festival pour l’instant ce serait difficile

à moins bien sûr que dylan revienne

mais on ne regrette pas d’être venus

ça valait le coup

mélanie éveillant le soleil c’est peut-être la plus belle chose qu’il m’ait été donné de voir
en intensité
en étrangeté

fin du carnet de voyage sur le festival de wight 70


 

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Texte de Gaelle Kermen – Crédit photos : Jacques Morpain 1970
en mémoire de Bruno le Doze (10/11/1957-10/09/1997) page hommage 1997
ACD Carpe Diem 2017

 

Isle of Wight 1970 : dimanche 30 août dernier soir

Extraits du carnet de voyage du mois d’août 1970 tenu par Gaelle Kermen au cours du Festival Isle of Wight 1970 à paraître dans les cahiers 1970. Photos inédites de Jacques Morpain.


Personnages
Gaelle Kermen, étudiante à la fac de Vincennes Paris-8, diariste, 24 ans,
son petit frère Bruno, 12 ans
son cousin Jacques Morpain, étudiant à la fac de Paris-Dauphine, photographe, 23 ans

Texte de Gaelle Kermen (1970)
Photographies de Jacques Morpain (1970)

Tout a été pris sur le vif, sans censure, tel que le festival a été vécu, en direct.


île de wight dimanche 30 août 1970 dernier soir

je venais de penser qu’il n’y avait rien de comparable avec l’an dernier
en bas la foule n’a pas la force compacte de celle qui attendait dylan
pour rappeler l’atmosphère on a mis le disque hare krishna
importance psychanalytique du besoin de recréer les situations
mais ça ne marche pas

puis jethro jull
très bon
dingue

enfin jimi hendrix
bien parti
il joue l’hymne anglais comme il avait joué l’hymne américain à woodstock

mais il semble ne pas avoir la forme qu’il avait à woodstock

avec hendrix j’ai eu de nouveau l’impression que personne ne croyait plus à la musique à la paix à l’amour ni ceux qui chantaient ni ceux qui les écoutaient

tout au long du festival la question d’argent était revenue trop souvent

le même speaker qui avait pleuré sur ses millions de livres de déficit annonce joyeusement que six cent mille personnes sont venus à wight et que c’est magnifique

joan baez passe après jimi

elle parle de son mari
l’armée américaine le change régulièrement de prison
now he is at new-york

je m’ennuie
ou alors je l’ai entendue trop souvent raconter la même chose
six fois déjà
elle a toujours le même répertoire
une chanson de dylan en premier
puis let it be des beatles qu’elle a toujours aimé
là c’est oh happy days
oh my god

j’ai adoré joanie
j’aimais son visage de femme forte d’intelligence
l’an dernier elle avait coupé ses cheveux courts comme après une psychanalyse
je l’aimais pour un beau geste qu’elle avait eu un soir de printemps à paris au bullier en 1965
elle parlait de non-violence de gandhi de martin luther king
j’y croyais
c’était la belle époque du mcaa enfin le mouvement contre l’armement atomique des marches de la paix à taverny

ce soir-là au bullier joanie avait été prise à partie par des marxistes-léninistes
et dany cohn-bendit s’était approché du micro pour la défendre
oui oui oui comme je vous le dis
dany était fou de joanie et joanie dans son émoi lui avait pris la main
et dany flamboyait
c’était très beau

ensuite quelqu’un avait parlé de dylan
ils étaient séparés déjà
elle a eu un beau geste de la chevelure pour éluder
il a changé elle a dit
et il y avait dans son geste de la main toute la souffrance des femmes abandonnées
avec une rare beauté

je l’aimais pour ça
et pour sa brillance spirituelle ironique typiquement américaine
maintenant elle m’ennuie

elle est la première accusée de se faire payer trop cher
alors elle s’est décidée à dire qu’elle donnait son cachet de 12 000 livres en partie à des retardés mentaux et en partie à son école de non-violence de carmel
un peu trop tard

on a du mal à y croire et c’est bien dommage parce qu’elle au moins avait l’air d’y croire à la musique à la paix à l’amour


léonard cohen passe après joan baez

il est 4 heures du matin

ici sur la colline le vent de la mer repousse les paroles

je cherche des bribes de chanson dans le vent

je pensais que la voix cassée pleine de charme trouvait sa véritable dimension autour d’un simple feu de bois comme ça devait l’être à hydra d’après ce que m’a raconté platon lorsque nous étions en toscane ils étaient amis à l’époque de song for a room

mais il suffit de descendre quelques mètres pour jouir de l’amplitude douce et écorchée des chansons de cohen

plusieurs sont de l’album song from a room dont i know tonight will be fine avec une nouvelle manière de s’accompagner

sa voix se fait plus impératrice plus exigeante sur la foule en grande partie endormie à cette heure de la nuit

il fait bien son boulot
mais il manque une dimension celle que mélanie a su capter au petit matin

après seams so long ago nancy
il a dit good night friends

ça n’a pas déliré

ou je me suis endormie

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Texte de Gaelle Kermen – Crédit photos : Jacques Morpain 1970
en mémoire de Bruno le Doze (10/11/1957-10/09/1997) page hommage 1997
ACD Carpe Diem 2017

 

Isle of Wight 1970 : dimanche 30 août après-midi au festival

Extraits du carnet de voyage du mois d’août 1970 tenu par Gaelle Kermen au cours du Festival Isle of Wight 1970 à paraître dans les cahiers 1970. Photos de Jacques Morpain.


Personnages
Gaelle Kermen, étudiante à la fac de Vincennes Paris-8, diariste, 24 ans,
son petit frère Bruno, 12 ans
son cousin Jacques Morpain, étudiant à la fac de Paris-Dauphine, photographe, 23 ans

Texte de Gaelle Kermen (1970)
Photographies inédites de Jacques Morpain (1970)

Tout a été pris sur le vif, sans censure, tel que le festival a été vécu, en direct.


île de wight dimanche 30 août 1970 après-midi

plus tard nous remontons au festival et là c’est une sacrée fumisterie

nous avons pu entrer dans l’arène puisque maintenant c’est free depuis l’attaque des palissades
je me demande comment on a osé faire payer 3 livres pour ne rien entendre
impossible de discerner la jolie voix de l’adorable donovan

en bas ça ressemble maintenant à un meeting organisé par le parti communiste au bois de vincennes
on est venus en famille passer le dimanche après-midi au festival
on est allongés au soleil
on n’entend que dalle
on participe à peine
comment le pourrait-on puisqu’il semble que seuls les premiers rangs jouissent de la touchante présence de donovan

bref il n’y a que sur la colline qu’on entende quelque chose
la colline c’est toute la grandeur du festival
la nuit ça a autant de gueule qu’un pèlerinage à lourdes
je ne suis jamais allée à lourdes mais je m’attends souvent à voir tomber à genoux les gens sur cette colline comme je l’avais vu à la salette quand j’étais petite

mais où est celui ou celle qui nous fera mettre à genoux ce soir
dylan n’est pas là
i misses him m’a dit un américain

dylan reste le plus grand
on vend ici son disque illégal bootlegger un disque tout blanc très rare au prix de 2 livres et demi
on vend aussi son tarentula ce qui devait être son roman écrit au fil des chambres d’hôtel ou autre mais qu’il n’a pas publié parce qu’il a eu son accident de moto
tarentula est une soixantaine de pages polycopiées signées robert zimmerman son vrai nom pour 10 shillings

rien n’est comparable à dylan
je me rappelle la retransmission du festival de wight 69 faite par michel lancelot sur europe 1 dans campus

il annonçait parfois tranquillement l’arrivée des beatles ou des stones dans l’assemblée
eux qui déchaînent les foules quand ils se produisent quelque part ici leur arrivée ne troublait personne ils étaient là comme les autres au même titre que les autres venus voir le plus grand

le film de pennbaker dont’ look back sur dylan passe ici le soir
nous l’avons vu à londres au paris-pullman
un dylan d’il y a 5 ans en 65
un dylan insoupçonnablement beau
des yeux tendres aux longs cils
des cheveux d’ange
un dylan qui n’a rien a voir avec celui des photos habituelles ni avec celui de l’olympia 66
un dylan vivant mouvant riant mordant
un dylan incisif et doux

deux très belles scènes dans le film
l’une est plus ancienne que le film et date des débuts de dylan chantant only a pawn in their game entouré d’ouvriers noirs
il articulait consciencieusement dans le micro
il avait les cheveux plus courts et encore cet air de boy-scout qui aurait grandi

l’autre se passe dans une chambre d’hôtel à londres entre deux concerts à l’albert hall
joanie baez chante une mélodie très douce
longs cheveux noirs autour du visage grave
elle s’accompagne à la guitare
dylan est devant sa machine à écrire
il écrit
tac tac tac tac
de temps en temps il s’arrête et se laisse bercer par le rythme de la berceuse de joanie
puis il reprend
tac tac tac tac
elle continue avec love is just a four letters word de lui
bientôt il prend lui-même une guitare et il improvise avec elle

oui je crois que dylan est le seul qui me ferait mettre à genoux sur cette colline

 

pentangle bon groupe musique brillante
la chanteuse jacqui mac shee est agréable à entendre
enfin un groupe qui ne se traîne pas dans l’après-midi

le soir la musique jaillit plus spontanément plus naturellement
ce groupe commence à accélérer le rythme de la journée
mélodies sans grande originalité mais bien menées
il nous semble les avoir toujours connues dans une enfance anglo-saxonne

mais si pentangle a bien commencé eux aussi se traînent maintenant
ou alors c’est le vent qui a tourné
on attend toujours plus
ce festival n’a plus grande motivation
je compte sur hendrix et heavens pour chauffer la nuit car ni cohen ni baez n’auront assez d’énergie pour transcender ce festival

les moody blues enfin

le soleil s’embrume dans leurs délicates harmonies dont le melotron retranscrit tous les sons d’un orchestre symphonique
ils auraient sans doute gagné à jouer la nuit
mais ils terminent ce que mélanie avait éveillé
le jour
avec un grand calme et beaucoup de rêve

bien sûr on a droit à night in white satin tube célèbre depuis deux étés au moins
et de leur opéra days of future passed
puis c’est timothy leary is dead de leur search of the lost chord
hommage à la drogue
hommage à la sagesse
hommage à om om om

dans le ciel vibrant un cerf-volant cherche aussi des harmonies perdues dans le rythme
ils font un beau succès les moody blues
grande classe

l’année dernière le melotron était tombé en panne sur scène la foule avait attendu calmement que celui des moody blues qui l’a inventé l’ingénieur le répare
très britannique comme attitude


un organisateur s’obstine à dire que ce n’est plus la peine de détruire les palissades puisque le festival était gratuit désormais

il n’avait pas compris que les plaques de tôle qui s’en allaient comme des petits pains servaient à se protéger du vent pour la nuit

un type à qui on demandait comment il s’était débrouillé pour gagner de l’argent à wight nous a dit
ben on faisait des baraques et on les revendait

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Pentangle on stage

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Texte de Gaelle Kermen – Crédit photos : Jacques Morpain 1970
En mémoire de Bruno le Doze (10/11/1957-10/09/1997) page hommage 1997
ACD Carpe Diem 2017

 

Isle of Wight 1970 : dimanche 30 août midi sur la plage

Extraits du carnet de voyage du mois d’août 1970 tenu par Gaelle Kermen au cours du Festival Isle of Wight 1970 à paraître dans les cahiers 1970. Photos de Jacques Morpain.


Personnages :
Gaelle Kermen, étudiante à la fac de Vincennes Paris-8, diariste, 24 ans,
son petit frère Bruno, 12 ans
son cousin Jacques Morpain, étudiant à la fac de Paris-Dauphine, photographe, 23 ans

Texte de Gaelle Kermen (1970)
Photographies de Jacques Morpain (1970)

Tout a été pris sur le vif, sans censure, tel que le festival a été vécu, en direct.


île de wight dimanche 30 août 1970 midi sur la plage

dimanche midi sur la plage

comme il ne se passe plus rien on descend vers la plage de l’autre côté de la colline
là aussi pour descendre la falaise c’est la queue anglaise bien tranquille
sauf pour les hells angels qui sautent dangereusement

nous descendons par un chemin escarpé

en bas c’est la foule
comme une grande migration venue des collines
les hillbillies descendent

beaucoup sont nus
les inhibitions s’annihilent

une danse effrénée commence
en rite primitif
appels sur l’eau
rythmés par les mains frappés ou des galets entrechoqués
peace peace peace
les mains lancent l’eau vers le ciel en prière de fécondité
quelque chose de très beau
quelque chose de très grand


à bout de forces le groupe qui était devenu immense se dissipe

un peu plus loin sur la plage une fille et un type dansent nus
rythme des mains autour d’eux

beaucoup de photographes
enfin quelque chose de folklorique à prendre

tout à l’heure un type s’est baigné en même temps que moi
il s’est assis ensuite derrière nous
ils étaient français
je croyais qu’ils nous avaient entendu parler français nous aussi
je l’ai entendu dire je voudrais prendre une photo d’elle mais ça m’ennuie de la prendre à son insu dans cette position
son copain lui dit demande lui

ils se sont levés
le jeune type barbu qui s’était baigné en même temps que moi s’est approché
excuse me please may i
j’ai dit je suis française
ah bon alors est-ce que je peux vous prendre en photo
oui de toutes façons je suis myope

très ému il m’a photographiée
très timide il a dit merci

après le voisin de jakez un français aussi lui a demandé s’il pouvait photographier sa femme

et puis après les gens ne demandaient même plus
c’était la mitraille

c’était magnifique cette offrande des corps au soleil et à la mer
au pied des falaises de wight
peut-être un des plus beaux moments à conserver au cœur avec ce matin la voix étrange de mélanie éveillant la colline et la campagne
rien que pour ça ça valait le coup de venir à wight


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Crédit photos : Jacques Morpain 1970
en mémoire de Bruno le Doze (10/11/1957-10/09/1997) page hommage 1997
ACD Carpe Diem 2017

 

Isle of Wight 1970 : dimanche 30 août matinée

Extraits du carnet de voyage du mois d’août 1970 tenu par Gaelle Kermen au cours du Festival Isle of Wight 1970 à paraître dans les cahiers 1970. Photos inédites de Jacques Morpain.


Personnages
Gaelle Kermen, étudiante à la fac de Vincennes Paris-8, diariste, 24 ans,
son petit frère Bruno, 12 ans
son cousin Jacques Morpain, étudiant à la fac de Paris-Dauphine, photographe, 23 ans

Texte de Gaelle Kermen (1970)
Photographies de Jacques Morpain (1970)

Tout a été pris sur le vif, sans censure, tel que le festival a été vécu, en direct.


île de wight dimanche 30 août 1970 matinée

vers dix heures les barricades sont attaquées juste au pied de notre colline
entre les deux barricades les flics attendent avec les chiens
une brèche se fait des deux côtés sur une musique de richie heavens qui souhaite good morning in the sunshine


10h15 attaque des chiens dans la grande brèche sur musique toujours pleine d’humour it’s a lazy day
trois minutes avant des messages en français proclamaient
ce n’est qu’un début
très impressionnante cette attaque des chiens avec des échanges de coups rythmés de loin en loin par les chocs des tôles qui tombaient et un disque très caustique de mélanie encore

c’est l’attaque de l’univers concentrationnaire


10h30 il y a six chiens pas plus

un type traverse le passage entre les deux palissades
au milieu il se retourne avec naturel et fait signe aux autres
ça y est c’est gagné
ils passent
tout le monde passe
ce n’est qu’un début continuons le combat

les chiens aboient toujours
des mecs de l’autre côté de l’arène essaient de remettre les palissades mais en vain
les contestataires entrent dans l’enceinte

au micro un type parle en français
car bien sûr les français sont tenus comme responsables des troubles
les français aidés des hells angels bien sûr
et aussi des anarchistes algériens il paraît
mais où vont-ils chercher ça

le type donc nous fait savoir que les organisateurs prétendent avoir un déficit de 90 millions de livres ce qu’il aurait aimé pouvoir vérifier
pour lui le problème est que 200 000 jeunes sont venus ici à wight sans argent pour la plupart en stop dormant par terre pour voir des types qui touchent une fortune pour faire les pitres devant nous
la question est de savoir pourquoi ils demandent de telles sommes tout en se prétendant pour la paix la liberté et l’amour

il se proposait de le leur demander quand il a été coupé
place à la musique

il semble que les français soient d’accord avec lui
ça rejoint ce que nous disait hier soir le journaliste qui nous a interviewés
les anglais n’ont pas conscience d’être récupérés ils acceptent de payer 3 livres parce que les types qui chantent se font payer des millions alors que les français refusent de payer 3 livres parce qu’ils n’admettent pas que les chanteurs soient payés des millions

de même les anglais ne se sentent pas brimés par les palissades de tôle qui pour les français rappellent l’univers concentrationnaire et ils pensent tout de suite à changer l’état des choses

qui a raison
les jeunes anglais semblent choqués par les incidents
quelqu’un dit que ce qui est arrivé ces dernières heures is really disgusting

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Texte de Gaelle Kermen – Crédit photos : Jacques Morpain 1970
en mémoire de Bruno le Doze (10/11/1957-10/09/1997) page hommage 1997
ACD Carpe Diem 2017

 

Isle of Wight 1970 : dimanche 30 août au matin

Extraits du carnet de voyage du mois d’août 1970 tenu par Gaelle Kermen au cours du Festival Isle of Wight 1970 à paraître dans les cahiers 1970. Photographies de Jacques Morpain.


Personnages :
Gaelle Kermen, étudiante à la fac de Vincennes Paris-8, diariste, 24 ans,
son petit frère Bruno, 12 ans
son cousin Jacques Morpain, étudiant à la fac de Paris-Dauphine, photographe, 23 ans

Texte de Gaelle Kermen (1970)
Photographies de Jacques Morpain (1970)

Tout a été pris sur le vif, sans censure, tel que le festival a été vécu, en direct.


île de wight dimanche 30 août 1970 au matin

vers 6 heures je suis éveillée par cette voix étrange qui dissipe rauquement les brouillards sur la colline sur la campagne sur la mer
c’est mélanie
la petite mélanie seule en scène avec juste une guitare
elle est très loin et pourtant très proche

en bas les corps sont toujours étendus entre les feux épars

ici sur la colline des têtes ébouriffées sortent des sacs de couchage des bustes se redressent et applaudissent ce matin trop beau

mélanie qui lance sa voix vers le ciel

mélanie presque fragile qui casse sa voix pour mieux l’insinuer entre les dernières brumes entre les dernières fumées des derniers feux qui se rallument les uns après les autres

mélanie qui éveille la colline et les champs là-bas jusqu’à la mer immense

mélanie étrange et délicate qui  d’un coup de baguette magique laisse deviner le soleil derrière la colline

mais c’est déjà fini

elle a disparu

à sa place un disque des beatles he comes the sun
mais avec mélanie le soleil était plus émouvant et plus grandiose

le disque continue avec le cri d’un coq pour nous réveiller
good morning
les anglais ont toujours le sens de l’humour

de l’autre côté de la colline l’herbe s’étend doucement en terrain de golf jusqu’aux falaises qui dominent la mer

le soleil a jailli d’entre les nuages en un cercle de feu parfait et tout est beau parmi les ordures qui jonchent le terrain

j’ai tout effacé
moi qui ne supporte plus la crasse
en m’asseyant sur une motte de terre cernée de boites de conserve vides de bouteilles et de sacs en papier déchirés et tout et tout
j’oubliais tout
fascinée par mélanie et le spectacle qu’elle avait fait surgir au petit matin du dimanche

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vers 9h nouveau réveil

les gens sont restés dans l’arène depuis la fin de l’entertainment et c’est bien normal puisque mélanie a fini de chanter à 7 heures on ne voit pas très bien pourquoi ils s’en iraient ça devrait être musique ininterrompue

mais il y a un problème de billets
les organisateurs avaient peur qu’ils ressortent revendre leurs billets aux nouveaux arrivants après s’être fait mettre une marque sur la main à la sortie réservée à ceux qui ont déjà un billet
c’était un peu compliqué et les organisateurs avaient de plus en plus peur de perdre de l’argent

ils en avaient déjà perdu la voix à force de demander
please please will you go out

comme personne ne bouge une nana propose que tous ceux qui étaient dans l’enceinte brûlent leur billet

ils deviennent mesquins ces organisateurs

les grands arguments dégringolent
on veut créer un new world et on n’est même pas capable de rester en paix
le monde entier nous regarde

on nous fait ce chantage de la paix et de l’amour chaque fois que les organisateurs ont peur de ne pas rentrer dans leurs frais

si vous ne délogez pas de la colline on arrête le festival

si vous ne sortez pas de l’arène on arrête le festival

je me rendors


Texte : Gaelle Kermen – Crédit photos : Jacques Morpain 1970
en mémoire de Bruno le Doze (10/11/1957-10/09/1997) page hommage 1997
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Isle of Wight 1970 : samedi 29 août

Extraits du carnet de voyage du mois d’août 1970 tenu par Gaelle Kermen au cours du Festival Isle of Wight 1970 à paraître dans les cahiers 1970.


Personnages :
Gaelle Kermen, étudiante à la fac de Vincennes Paris-8, diariste, 24 ans,
son petit frère Bruno, 12 ans
son cousin Jacques Morpain, étudiant à la fac de Paris-Dauphine, photographe, 23 ans

Texte de Gaelle Kermen (1970)
Photographies de Jacques Morpain (1970)

Tout a été pris sur le vif, sans censure, tel que le festival a été vécu, en direct.


île de wight samedi 29 août 1970

c’est très beau cette colline sertie de feux de camp avec la mer au loin en vibration

bien sûr l’air s’est rafraîchi tout est humide il a fait trop beau dans la journée mais nous dormons à la belle étoile

juste éveillée parce que je reconnaissais dylan dans days of 49 qui résonnait étrangement dans la nuit

c’était un disque il était 4h30

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au réveil nous voyons sortir de la tente voisine notre cousin gaby et son copain jean-pierre nous avons dormi à deux mètres d’eux

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disques toute la matinée


enfin vers midi et demi john sebastian est annoncé

tout le monde est debout bras levés
puis on se donne la main
une gigue effrénée démarre
ça a de la gueule vu de haut

john sebastian arrive aussi beau qu’à woodstock et nous souhaite un good morning dans cette isle of wight
ce qu’il chante est bien gentil mais je n’en raffole pas
à woodstock il avait joui du fait que juste avant lui on avait annoncé la naissance d’un bébé alors il avait enchaîné sa chanson sur les bébés les papas et cetera
ici il chante plusieurs airs connus ça chauffe un peu il essaie de faire chanter mais il n’a pas la chaleur d’un pete seeger pour entraîner les foules
ça reste mièvre


l’arène se remplit
dans un cercle quelques voitures bizarres évoluent entre le buggy et la soucoupe volante surmontées d’antennes s’agitant au rythme de leurs déplacements


il y a des drapeaux américains soviétiques anarchistes
la croix gammée des hells angels voisine avec the jesus revolution
tout coexiste
sans encore vraiment copuler

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sur la colline l’ambiance monte avec le vent

sur cette colline c’est un monde à part qui s’organise

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on voit passer des types avec des branchages
il y a une grande activité chez les hillbillies

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incroyable l’imagination des gens pour se loger

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les premiers arrivés au festival dès mercredi avaient pu se servir des bottes de paille autour de l’enceinte de tôle et s’étaient construit de véritables petits hôtels avec appartements indépendants
sur les portes en carton ou en toile chiffonnée on lisait les prénoms des heureux occupants

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sur la colline on se sert surtout des buissons et des plaques de la palissade qui eut le mauvais goût de longer le sommet de la colline pour empêcher les hillbillies de descendre à la plage bien sûr elle a été démontée et réemployée

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les chanteurs défilent l’après-midi dans le soleil

joni mitchell fait un beau succès
les anglais l’adorent
en france elle est beaucoup moins connue

longue robe jaune safran de moine bouddhiste
longs cheveux blonds sur guitare

voix belle bien modulée
mais un peu décevante sans vrai tonus

après joni mitchell on a droit à tiny tim affreux petit mec remuant délirant et désopilant
voix dingue en réminiscences des vieux disques de 1925
il met enfin une touche hilarante dans ce festival où les gens ont presque tous tendance à se prendre au sérieux
il nous arrache des éclats de rire malgré nous
très enlevé il passe des rythmes de graine de violence à ceux des années trente de rock and roll the clock à alexander band rag time
tout y passe même down by the river
enfin l’ambiance chauffe et c’est pour l’instant le meilleur moment
on se demande où il va chercher sa voix il semble ne pas se fatiguer il peut changer n’importe quoi et ça marche à fond
tout le monde tape dans les mains debout
on s’attend même à l’entendre chanter god save the queen


miles davis
j’accroche moins

ou je m’endors déjà



quelques airs de country western en entracte
gigue et polka ça marche toujours pour mettre de l’ambiance


mungo jerry commence avec in the summer time
ça marche très fort puisque c’est le tube de l’été

beaucoup de monde maintenant dans la nuit douce
on se sent proches

des feux s’allument

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les gens de l’île viennent de l’autre côté de la colline en famille pour assister de haut au spectacle

 


et les voilà
les ten years after
tant attendus en merveilleux échos de batterie roulant de la colline à la mer
that’s great

il y a eu aussi les doors et les who très bons

mais tard dans la nuit
et je crois que j’ai dormi

la nuit est belle
pas humide comme la dernière

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Crédit photos : Jacques Morpain 1970
en mémoire de Bruno le Doze (10/11/1957-10/09/1997)
ACD Carpe Diem 2017

 

Isle of Wight 1970 : vendredi 28 août après-midi

Extraits du carnet de voyage du mois d’août 1970 tenu par Gaelle Kermen au cours du Festival Isle of Wight 1970 à paraître dans les cahiers 1970.


Personnages :
Gaelle Kermen, étudiante à la fac de Vincennes Paris-8, diariste, 24 ans,
son petit frère Bruno, 12 ans
son cousin Jacques Morpain, étudiant à la fac de Paris-Dauphine, photographe, 23 ans

Texte de Gaelle Kermen (1970)
Photographies de Jacques Morpain (1970)

Tout a été pris sur le vif, tel que le festival a été vécu, en direct.


vendredi 28 août 1970

île de wight vendredi fin d’après-midi

le bus a traversé la campagne ensoleillée de l’île et nous a dégueulés au milieu d’un immense camp de tôles

première surprise dans la chaleur de la poussière les terrains de camping sont dégueulasses les tentes nagent dans les détritus les boites de coke de whitney ou de beans éventrées sont jetées là sur place après usage les journaux déchirés
tout et n’importe quoi

à un endroit près de l’entrée la pisse qui descend des chiottes fait une mare de boue
les toilettes sont sommaires mais nombreuses
l’an dernier il paraît qu’il n’y en avait qu’une demi-douzaine et ça faisait des kilomètres de queue
elles sont préfabriquées ça ressemble à un jeu de meccano précaire une plaque de tôle avec un trou au milieu et dessous des tranchées
un peu le système que j’ai connu à l’arche de lanza del vasto aux camps d’été
ça engraisse le terrain
dans trois jours il suffira de remettre la terre
il n’y a pas de porte ce qui file une constipation monumentale aux milliers de personnes venues au festival parce que comme disent certaines non on peut vraiment pas chier devant tout le monde

plus grave est le manque de sanitaires
en tout une dizaine de robinets dont seuls les deux premiers daignent déverser de quoi se laver une dent creuse
après on se plaindra que les jeunes sont sales
que les hippies surtout sont sales
parce qu’il suffit d’être venu ici pour avoir droit à l’étiquette hippie

comment les anglais si habitués à ne jamais rien laisser tomber à terre puisqu’ils risquent chaque fois une amende de 10 livres comment ont-ils fait de cet endroit une immense poubelle alors que le festival commence à peine

nulle part je n’ai vu de poubelles
il aurait pourtant été simple de placer à endroits réguliers des litters vidées chaque matin
ce n’était pas le cas

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une seule solution pour ne pas mourir étouffé dans ce champ d’ordures
monter vers l’air pur de la colline
là-haut on avisera

nous avons longé un couloir d’arbres baptisé desolation row d’après le titre d’une très belle chanson de bob dylan

ça sent un peu le haschich par endroit mais beaucoup moins qu’on ne s’y attendrait

les bosquets ont été aménagés en véritables appartements protégés par des tôles
ça ne manque pas la tôle dans la région

apparemment c’est derrière ces palissages de tôles grises décorées de slogans contre la reine contre les flics contre le fric que se déroule le festival

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sur la colline on respire un peu mieux et surtout on entend très bien
le vent est bon et nous porte merveilleusement tous les sons

la campagne s’étend jusqu’à la mer
la colline est émaillée de tentes
en bas c’est la foule concentrée dans la tôle

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 un type a pris le micro
il gueule en anglais contre les flics les flics qui sont là entre les deux rangées de tôle qui cernent la prairie du festival il gueule contre l’exploitation qu’on fait de nous sous prétexte de musique

bravo camarade pas normal de devoir payer 3 pounds pour la paix et l’amour

le type est un français qui parle bien l’anglais c’est jean-jacques lebel
on l’appelait le pape des happenings vers les années soixante-cinq il occupait anarchiquement l’odéon et la sorbonne au mois de mai soixante-huit et depuis il itinère entre les facs de nanterre et vincennes

il n’a pas tort
c’est gênant de voir en bas les bobbies avec des chiens policiers
les tôles ça fait camp de concentration
pour les anglais ce sont de simples palissages
pour les français ça devient tout de suite des barricades donc quelque chose à foutre en l’air

hier il y a eu de la bagarre
les organisateurs ont voulu virer les types installés sur la colline parce que ça leur faisait perdre de l’argent

je remarque une chose
tout à l’heure en bas on n’entendait rien du tout
on se demandait même si le festival était commencé
mais ici sur la colline on entend très bien
et au moins on respire

pourquoi irions-nous prendre un ticket
ça devrait être gratuit un festival de pop music puisqu’au départ pop voulait dire popular je crois
les temps changent puisque joan baez a demandé 12 000 livres de cachet
pas mal pour une militante non-violente
je veux bien croire que le lait guigoz du bébé gabriel coûte cher et que le mari david a besoin de petits mandats pour améliorer son ordinaire entre les grèves de la faim dans ses prisons successives
quand même on parle beaucoup trop d’argent ici
dommage

notre première surprise en descendant du bateau a été de constater que le train était gratuit
pour une seule station il est vrai
après dans le car on s’est dit c’est trop beau pour que ça continue
en effet le ticket était à 6 shillings
dans les boutiques le fish and chips est à 3 shillings en temps normal c’est moitié moins
autour de l’arène de tôle on ne trouve rien à moins de 2 shillings et c’est dérisoirement mince

un type a expliqué pourquoi on ne pouvait pas faire autrement que de mettre le tarif du ticket à 3 pounds mais je n’ai pas compris et il a dit enfin
let’s make place to the music sit down

la musique c’est un disque des beatles let it be qui résonne mieux que l’orchestre précédent
on attend quand même autre chose

les gens ici ne m’étonnent pas
ce sont ceux que je rencontrais aux marches de la paix à la belle époque beatnik


près de nous sur la colline ça s’organise
une douzaine de types et de nanas plus deux chiens se sont installés dans une tranchée
sur un feu une bouilloire pour le thé ils sont bien équipés ils ont des haches des pelles et tout

IoW70-vendredi - 4

le soleil descend très lentement le long de la colline
on domine
on pourrait même méditer
ils ont dit la même chose de nietzsche à kerouac en passant par miller
les hillbillies


c’est formidable de penser qu’on a trois jours devant soi au soleil sur la colline à se noyer de musique
trois jours à oser être soi-même


IoW70-vendredi - 6
les chiens et les policiers entre les deux palissades de tôle

20h30 environ ça y est ça semble commencer
les lumières cernent le parc
un gros projecteur est même braqué sur la colline pour prévenir les troubles
ce qui me permet au moins de prendre des notes dans mon carnet de voyage

le podium s’est allumé pour chicago

le soleil s’est perdu
la nuit est tombée
humide

en bas le festival ressemble à un grand bateau sur la mer
de temps en temps des fusées de feu d’artifice strient le ciel entre les étoiles

la musique
rien de génial encore

on est remontés pour se coucher après avoir mangé un morceau en bas

IoW70-samedi - 13


Texte : Gaelle Kermen – Crédit photos : Jacques Morpain 1970
en mémoire de Bruno le Doze (10/11/1957-10/09/1997) page hommage 1997
ACD Carpe Diem 2017

 

il y a cinquante ans : bob dylan a l olympia

Début du cahier #3 Le soleil dans l’oeil 1966-68

bob dylan on stage olympia 66

dylan2

freefallin’

c’était le jour de son anniversaire

Robert Zimmerman venait d’avoir quel âge c’est très simple il est né le 24 mai 1941 à Duluth Minnesota tout le monde savait ça
donc aujourd’hui c’était le 24 mai 1966 il avait 25 ans et tout le poids d’un monde croulait déjà sur ses épaules étriquées
il devait chanter le soir même
l’histoire se passait à paris
pour être exact sur la scène de l’olympia

je n’ai jamais rien vu de plus gracieux que bob dylan sur la scène
ces longs gestes des bras dans l’air
ces entrechats ébauchés
ces sourires fragiles et cette chevelure frissonnante
son corps mince et ondulant sous la musique

desolation row
la recréation permanente de ses chansons sur la scène nous déconcertait tant
nous qui avions l’habitude d’entendre d’autres accords
c’était facile de dire qu’il n’était pas à sa hauteur sur une scène
mais il était plus fort que nous plus génial que tout
seulement il n’a pas de cadres
et nous nous en créons par faiblesse ou facilité

il caressait son harmonica languissamment nonchalamment passionnément soudain comme on caresse comme on embrasse une femme
ces reprises qui arrachent le cœur
bob dylan assis au piano
ballad of a thin man
and something is happening here but you don’t know what it is
do you mister jones
le piano les accords plaqués avec fureur et désespérance
dylan trépignant comme un gosse qui a envie de casser son jouet parce qu’on lui avait promis un bonbon ou un chou à la crème et qu’il ne l’a pas eu
criant dans le micro son écœurement de ne pas pouvoir croire les autres
ceux qui parlent ceux qui promettent ceux qui sont sûrs d’eux et de ce qu’ils disent
un truc contre l’olympia porno et putain contre coquatrix contre hugues auffray et les autres
tous ceux qui étaient venus le voir l’entendre comme on va au cirque sans comprendre
il est vrai que
the circus is in town
payer pour assister à une chute libre
ce n’était plus bob dylan’s freewheelin’ mais bob dylan’s freefallin’

il y a des gens comme ça qui se détruisent systématiquement avec une ténacité lubrique
n’est-ce pas jean-françois ou michel cournot
ou même moi

il y a des gens qui font tout ce qu’ils peuvent pour se faire détester en embêtant farouchement les autres tout ce qu’ils peuvent pour se faire foutre à la porte sous prétexte de sélectionner les gens intéressants mais en espérant jusqu’au bout qu’on les gardera et qu’on finira pas les aimer
mais des gens comme ça c’est gênant c’est crispant ça vous use en un rien de temps ça vous tue même parfois alors on les fout à la porte et après ils trainent leur désespoir et gémissent sur eux-mêmes mais ils refusent de se mettre à la hauteur des gens
ça s’appelle ne pas faire de concessions

bob dylan devant le micro
ses copains complices derrière lui
dylan debout les jambes emmêlées
un bras en l’air
il parle de moto
the motorcycle black madonna

c’est beau une moto

il saute comme un gamin
il tressaute dans les vibrations et nous on sursaute parce qu’on ne comprend pas
il gueule et dégueule
on n’entend rien
il pousse la sono au maximum et il se marre
il s’amuse tout seul ou se raconte des histoires assez marrantes qu’il confie à son adorable petit minet de guitariste qui se marre avec lui

nous on n’est plus dans le coup
on n’est plus là
qu’est-ce qu’on fout là
on aurait dû aller ailleurs ou manger un couscous dix couscous soixante mille couscous plutôt que d’assister à la chute apocalyptique d’un pantin désarticulé

on aurait dû aller se coucher plutôt que de subir les claques délirantes d’un type qui ne dit plus rien qu’est presque raté d’ailleurs il est drogué alors

et la râlance ma jolie comme m’a écrit michel cournot qu’est-ce que ça vaut

bob dylan c’est grand c’est ample c’est toujours aussi beau ça reste toujours plus haut que la râlance mesquine

bon dylan il a tout à dire
et il dit tout
mais pas ici
pas devant ces gens qui ne peuvent pas suivre ni saisir parce qu’ils n’ont jamais été concernés
pas devant ces gens qui ont payé entre quatre mille anciennes balles et plus dont toi ma jolie entre autres et c’est bien fait pour nous y avait qu’à pas faire ça

lui il s’en moque il est plus grand que nous
bob dylan c’est grand comme une cathédrale comme une forêt comme un océan
c’est ample comme le vent de la mer bien sûr
bob dylan même dans la chute ça a du souffle
dylan c’est aussi grand que du wagner et aussi beau que du beethoven
d’ailleurs tenir une scène avec une telle silhouette fuyante presque éphémère
il faut pouvoir le faire

l’intangible de dylan
on croit le suivre le saisir
déjà il est plus loin
il se donne à autre chose
il est un pas en avant
un ton plus haut
il fuit avec un clin d’œil et se cache derrière un pied de nez

oh et puis zut à la fin c’est obsessionnel
j’aime bob dylan depuis un an
je n’ai jamais aimé quelqu’un si longtemps

malin ça

j’ai encore l’impression de flotter sur ses vibrations électriques du concert de l’olympia
ses accords déchirants cernent ma tête et m’entraînent
sooner or later one of us must know
quoi je ne sais pas
où je n’en sais rien
mais c’est là évident
incompréhensible

et très grand

dylan délirant et déchirant incisif et acéré

Notes sur le concert du 24 mai 1966 à Paris, salle de l’Olympia, retranscrite cinquante ans plus sur ce blog

Bon anniversaire, Maître Dylan !

gaelle kermen
kerantorec, 24 mai 2016

Un article écrit sur mon site perso le 24 mai 1998

CoverSoleil
Sur Amazon

Scrivener dans le monde francophone peu de choses

gaelle kermen

Il n’existe pas beaucoup de choses en français sur le logiciel Scrivener. Se former à sa grande richesse complexe nécessite de longues heures de visualisation de vidéos ou d’étude de manuels, le plus souvent en anglais.

En cherchant, en janvier 2015, ce qui se faisait pour le prendre en main, je suis tombée sur des vidéos de François Magnan, formateur à Toulouse.

Mener un projet d’écriture sur Scrivener : comprendre en 5 minutes

C’est François Magnan qui m’a donné envie d’aller au fond de Scrivener.

Comme je me suis formée en anglais, avec des vidéos et des tutorials et des manuals, dont je ne saisissais pas toujours bien l’équivalence dans mon logiciel Scrivener traduit en français, j’ai parfois buté sur des trucs que je ne comprenais pas du tout.

Par exemple, une auteure américaine montrait dans sa vidéo comment elle recopiait des chapitres pour créer d’autres chapitres dans…

Voir l’article original 442 mots de plus

Il y a cinquante ans Kennedy

Sur l’assassinat du Président Kennedy

Comment une jeune fille de 17 ans, préparant sa Composition d’Histoire-Géographie sur les Etats-Unis, a vécu en direct l’assassinat du Président Kennedy avec ses camarades d’internat au lycée Maurice Ravel de Paris, 20e, l’année du Baccalauréat de Philosophie.

Ce texte a été écrit le lundi 22 novembre 1965 le soir à 8 heures et les jours suivants, en souvenir des moments historiques qui ont changé la vie du monde, décrivant une prise de conscience universaliste, une initiation brutale vers l’âge adulte, un révélateur personnel.

Volontairement, ce billet de blog n’est pas illustré, il l’est par l’écriture.

***

Vendredi 22 novembre 1963

Il était 8 heures à l’internat, nous venions de sortir de table, nous rentrions dans nos chambres, j’étais dans celle de Monique et je lui faisais réciter le rôle des États-Unis dans la guerre de 14-18, assises l’une en face de l’autre sur son lit, le livre blanc et noir devant moi, elle parlait, je posais des questions, elle répondait, la douceur de la couverture bleue et blanche, l’unique lampe au-dessus de nous, la table, les livres partout, la grosse bougie, je sens encore l’atmosphère harmonieuse de cette chambre, j’étais bien. Monique était un peu tendue, le lendemain elle avait Composition d’Histoire et Géographie et elle avait bossé comme une folle pour réviser tout son programme du 1er trimestre, la guerre, l’histoire des USA jusqu’en 1940, toute la géographie économique des États-Unis. Elle me parlait de Wilson et de tous les présidents suivants.

Il était près de 8h30, nous étions sorties un instant dans le couloir, je ne sais plus pourquoi, pour chercher un bouquin dans ma chambre peut-être, la porte de Nicole s’ouvrait, elle sortait en chemise de nuit les cheveux mouillés :

Kennedy a été blessé à Dallas !

Kennedy a été blessé à Dallas, répétait Nicole, Monique me regardait, je regardais Monique puis Nicole.

C’est très grave.

Elle donnait des détails entendus à l’instant sur son transistor.

Il était avec sa femme au Texas, on a tiré sur lui, il est blessé à la tête, c’est très grave.

Elle parlait vite, nous comprenions mal. Nous rentrions dans la chambre de Monique. Oui, Kennedy a été blessé. Mais il faut travailler, demain la Composition, la guerre, l’histoire des U.S.A., la géographie des États-Unis, l’économie du Texas, le pétrole, les présidents américains, de Woodrow Wilson jusqu’à Eisenhower, puis Kennedy, le dernier, les industries de Dallas, le Texas, Kennedy, Dallas, Texas, Dallas, Dallas, Dallas.

Nous essayions de travailler, Monique s’énervait, Kennedy je ne le connaissais pas vraiment, je savais qu’il existait, qu’il luttait pour la liberté des Noirs, mais que savais-je de plus, rien, Monique s’énervait, je m’inquiétais, Nicole encore et d’autres filles devant la porte :

Kennedy est blessé, c’est très grave.

Qu’est-ce qui va se passer ?

Mireille de Terre-Neuve toujours pessimiste avec son accent canadien français :

Ça va être terrible, il va y avoir des histoires avec l’Union Soviétique et la Chine et le Vietnam et les Noirs, etc.

Monique s’énerve, je le sens et je ne sais que faire pour la calmer, elle sort, elle est tendue, elle crie :

Mais c’est idiot de pleurer sur son sort, il n’est pas encore mort, ce n’est pas la peine de faire son oraison funèbre, il n’est pas encore mort, pas encore…

Oh ! Monique…

Elle rentre, elle n’en peut plus, elle va craquer, les autres entrent :

On voit bien que tu es communiste !

Non, je n’ai jamais été communiste, foutez-moi la paix !

Elle s’est assise sur le lit :

Vas-y, pose-moi des questions !

Je pose les questions : les 14 points du président Woodrow Wilson, les présidents américains toujours. Que faire, Monique s’énerve, elle ne sait plus où elle en est, j’essaie d’être calme, mais je m’inquiète, Kennedy je ne le connaissais pas et déjà…

La porte s’ouvre :

Il est mort ! Il est mort !

Ce cri nous est adressé comme un défi. Comme si Nicole et Mireille voulaient ainsi mettre Monique en accusation, tu vois tu disais que ce n’était pas la peine de pleurer mais il mort c’est bien fait pour toi…

Il est mort, comment travailler, comment apprendre toute cette histoire passée alors que l’histoire se fait à cet instant, que tout s’arrête, que tout va se décider.

La porte se referme mais je sors, j’essaie d’expliquer que Monique est très tendue et que son mot maladroit n’a rien à voir avec ses idées communistes. Monique je l’estime, je l’aime, elle et moi avons créé un climat à l’internat, nous travaillons, c’est beau, grand, jamais banal. Je rentre. Je reprends le livre, les présidents, Wilson et les autres, jusqu’à Kennedy et même lui fait partie de cette liste passée, passée… Nous ne parvenons pas à nous fixer à la page, Monique parle :

Tu sais si tu veux partir, tu peux… moi je dois travailler, mais je réviserai seule.

J’hésite, je n’ai composition que lundi, même programme mais qui peut attendre… J’hésite à laisser Monique. Pourtant je suis inquiète. Je sors, les autres sont dans la chambre à côté, celle de Mireille, autour d’un transistor, les informations se succèdent, brèves et cinglantes, encore incertaines. Il y a là Mireille, Michelle, Éveline, Béa aussi avec son air toujours digne et posé, Joëlle, Alice, toutes parlent beaucoup, je ne comprends rien je ne connais rien. Lyndon Johnson, qui est-ce je n’ose pas demander, elles ont l’air tellement au courant, je suis si ignare, je finis par comprendre qu’il est le vice-président qu’est-ce que c’est, il doit remplacer le président en cas d’assassinat c’est le cas présent, et le frère du président qu’est-ce qu’il est, ministre de la justice, ah ! je ne savais pas, et comment il s’appelle, Robert, mais on l’appelle Bob ou Bobby, ah ! je n’en avais jamais entendu parler je ne connais rien je ne parle pas je n’ose pas poser de questions je prends brusquement conscience de mon ignorance je ne sais rien rien.

Mireille sait, elle parle :

Je suis sûre que ça va agir sur le cours de la Bourse.

Dernier communiqué :

On nous signale une très forte baisse à Wall Street !

Wall Street, tout ce que j’ai à apprendre, jamais je n’ai eu la moindre notion de ces problèmes, ça m’ennuyait, ça me fatiguait, ça n’avait pas de sens, je préférais la poésie, le théâtre, mes livres. Je me souviens du début du mois de novembre 1960, au moment de l’élection de Kennedy, toutes les filles de l’internat étaient folles de joie. Ah ! il est jeune, il est beau ! Je m’en fichais, tant mieux pour lui. Voyant mon indifférence, une fille m’avait dit :

Mais enfin tu ne t’intéresses pas à la politique, comment peux-tu vivre ? C’est absolument dramatique.

J’avais répondu comme ça sans y penser :

Oh ! moi ça m’est égal, je préfère la poésie, ça me suffit.

Elle était convaincue que je n’étais pas normale, peut-être avait-elle raison. Tout ce que j’ai à apprendre.

Oui, c’est tragique Kennedy est mort alors que je ne le connaissais pas, alors que je ne connais rien, mais comment ai-je pu vivre sans avoir conscience de ces problèmes, comment ai-je pu vivre sans rien savoir, je n’existais pas, je dois exister, brusquement cet événement est la seule chose qui compte, il écarte tous les petits problèmes, il prend toute la place, tous ces mots que je ne saisis pas encore me crient Kennedy est mort et tu ne le connaissais pas, c’est la seule chose qui compte, le reste n’a plus d’importance.

Les filles parlent, elles anticipent sur les conséquences probables de cet assassinat. Lyndon Johnson est Texan, il est du Sud. J’écoute, j’essaie de comprendre.

Les Noirs, qu’est-ce qu’ils vont devenir ?

C’est moi qui viens de poser cette question naïve.

Les Noirs comment vont-ils se défendre, oui, ça va être terrible.

Il est presque 10 heures du soir, c’est l’heure à laquelle nous devons nous coucher habituellement. Monique est venue nous rejoindre, elle n’en pouvait plus de rester seule, sans savoir, sans savoir quoi d’ailleurs, rien de plus, il est mort, c’est tout, on étouffe de ne pas savoir, d’être enfermées ici dans cet internat entre les murs alors que le monde doit vibrer. La pionne vient, elle n’ose pas nous demander d’éteindre nos lumières comme les autres soirs, comment aller se coucher comme d’habitude, quand tout s’est arrêté. Joëlle lui pose la question :

D’après vous que va-t-il arriver ?

La pionne répond :

Eh ! bien s’il s’en sort, il restera sans doute diminué…

On l’arrête brutalement avec hargne :

Mais il est mort !

Elle ne dit rien, elle n’ose plus parler, comme si elle était fautive, elle sort bientôt, les filles parlent, le transistor aussi :

Le Président est mort dans les bras de sa jeune femme…

Et les filles :

C’est affreux, pauvre Jackie !

Et moi je pense : ce n’est pas l’essentiel, l’essentiel c’est tout ce que je ne connais pas, ce temps perdu à dormir. C’est facile cette image de la veuve recevant sur ses genoux le corps ensanglanté de son mari. Mais non, qu’est-ce que je dis, c’est atroce… Je ne saisis pas encore, j’ai trop de choses devant les yeux, Johnson, les Noirs, Khrouchtchev, Wall Street. Oh ! j’ai envie de vivre brusquement, de vivre enfin en grand.

***

23 novembre 1963

Le samedi froid, notre réveil glacé, il s’est passé quelque chose hier soir, quoi déjà, oui c’est vrai Kennedy n’est plus, on en parle oui bien sûr, c’est triste, on écoute la radio, les nouvelles se répètent, au fond on ne sait pas grand chose, on ne connaît pas réellement l’assassin, on a arrêté un certain Lee Harvey Oswald, âgé de 24 ans, qu’on accuse d’avoir aussi abattu un policier et qui est soi-disant marxiste, qui a été dans les Marines, qui a fait des voyages en U.R.S.S., mais est-ce lui ?

Nous écoutons, les cours ne commencent qu’à 9h30, nous ne pouvons travailler seules dans nos chambres individuelles, comme nous le faisons d’habitude, nous sommes réunies autour de ce poste qui diffuse de la Musique d’Église, les obsèques auront lieu dans deux jours, lundi à Washington, la famille Kennedy a refusé les fleurs. Le cercueil a voyagé de Dallas à Washington en avion et est exposé à la Maison-Blanche ; l’air est froid et gris, tout est feutré, étrange, arrêté, suspendu.

Nous devons nous rendre en classe. Au cours d’Anglais, Canac fait une sale réflexion sur Oswald mais de quoi est-elle sûre ? Devant moi Nicole et Anne, deux externes, se retournent :

Tu sais ce qui s’est passé ?

C’est vrai elles s’imaginent que les internes sont de pauvres prisonnières survivant en dehors des limites du monde et du temps, elles n’ont pas tort d’ailleurs, mais ce matin nous savons toutes. Nicole toujours trop sensible philosophe sur la fragilité du bonheur :

Pauvre Jacqueline Kennedy, elle avait tout pour être heureuse et en une seconde elle se voit tout arracher !

Moi qui dis :

Ce n’est pas l’essentiel, c’est affreux pour elle, mais le monde que va-t-il devenir ?

Je viens de prendre conscience du monde, alors à moi les belles théories, sur la liberté entre autres, j’ai tant à apprendre, Madame Kennedy est si mince, si fragile à côté de tout ce que j’ai perdu, elle n’a pas d’importance.

Les cours du matin et toujours cette idée : il s’est passé quelque chose de grave, tout s’est arrêté. À 13 heures, les actualités télévisées : Oswald nie, sa tête amochée sous les coups, il me fait mal, il semble irresponsable, désespéré, vulnérable. Un monsieur très sûr de lui parle de Bobby Kennedy, qui est-ce déjà ? ah ! le ministre de la justice, en américain ça se dit attorney general : Bobby pourrait-il remplacer son frère, on ne sait pas, les élections auront lieu dans un an et d’ici là les américains auront le temps d’oublier.

Lyndon Johnson à la télé, près de sa femme, c’est lui qui parle maintenant, ce n’est plus Kennedy.

Et nous voyons brusquement Madame Kennedy à côté de Lyndon Johnson qui prête serment dans l’avion.

L’avion arrive à Washington, à l’aéroport d’Andrews, le cercueil est descendu, Madame Kennedy s’avance, mince et fragile c’est vrai, vacillante, un homme l’aide à descendre, qui est-ce, son beau-frère, qu’il est jeune, c’est très rapide, elle s’avance très droite près de lui, son tailleur est tâché, le sang le sang sur son tailleur clair, rose nous dit-on sur la télé en noir et blanc, le sang sur ses bas, le sang de son mari, ses cheveux sombres encadrent son visage fermé immobile, elle s’avance droite vers une ambulance, Bobby la suit de près, elle se penche vers la portière, essaie d’ouvrir, c’est trop difficile, sa main retombe, Robert ouvre et l’aide à s’asseoir.

Je suis émue, je ne connaissais pas Madame Kennedy, elle est belle, très belle. Robert est jeune. Mais à qui me fait-il penser, pourquoi ai-je l’impression de le connaître, de l’aimer même, je ne sais pas, il me fascine, il me semble l’avoir toujours connu. Tout est rapide, quelqu’un parle encore de Oswald, c’est fini, il nous faut retourner au cours.

Monique a sa Composition maintenant. Cours d’Histoire et Géographie, nous devons encore étudier l’histoire des États-Unis entre les deux guerres et son économie. Le prof parle de Kennedy, du système constitutionnel américain. J’écoute. J’ai tout à apprendre. J’entends. Je me rappelle. Mais le sang sur le tailleur rose, le visage égaré de Robert, fragile comme un enfant, je ne peux pas penser, il me rappelle encore quelqu’un.

Monique vient de terminer sa Composition, en Géographie, grand sujet : le Sud des États-Unis, oui, c’était à prévoir, sujet dramatique, la chaleur de l’été indien, la condition des Noirs, les extrémistes de droite, les magnats du pétrole, à Dallas… Comment oublier, comment penser à autre chose…

Monique est fatiguée, elle en a assez, elle veut se changer les idées, elle rentre chez elle. Je reste ici, pour travailler pendant le week-end, à l’histoire et à l’économie U.S., je reste dans sa chambre, chaude et douce, dehors il fait froid, il neige presque, lentement, sans bruit, d’ailleurs tout s’est arrêté, j’étouffe, il est difficile de travailler, j’attends, je veux savoir, mais quoi.

J’écoute la radio après le dîner, je remonte vite : les actualités de 8 heures à la télévision dans la salle commune, le film rapide de l’assassinat, les réactions des spectateurs à Dallas, cette jeune fille qui se détourne en pleurant, l’agitation. Retour sur l’arrivée du Président et de Madame Kennedy à Dallas, l’avion, elle descend la première, élégante, une toque posée à l’arrière de ses cheveux noirs, elle sourit, le Président derrière elle, au pied de la passerelle une foule de personnalités, elle commence à serrer des mains, une femme s’avance et lui offre un immense bouquet de fleurs, elle remercie, sourit toujours, ses mains gantées de blanc enserrent les roses, son mari près d’elle, le cortège ensuite. Puis, brutal, l’assassinat, rapide, on ne voit plus rien, les flics sortent leurs armes, les gens se couchent pour échapper aux balles, ils doivent crier, on ne comprend plus rien, on voudrait crier aussi…

Et je rentre dans ma chambre, pleine de ces images violentes, choquantes, soudain je suis lourde de cet assassinat, je ne peux pas croire encore, mais c’est là en moi, à jamais…

***

24 novembre 1963

Le réveil de ce dimanche au matin brumeux et froid et clair. Les longues heures tendues rythmées par les nouvelles successives, le cercueil exposé à la Maison-Blanche, le programme de musique consacré à Bach ou autres compositeurs de musique d’Église ; les longues heures glacées et impalpables, étranges et feutrées, nous essayons de travailler, apprendre la Floride, la Californie et le Texas, revoir les présidents américains depuis Wilson, apprendre, travailler, mais quelque chose s’est cassé, le monde n’est plus pareil, plus comme avant. La télé après le déjeuner, le cercueil est transporté de l’aéroport à la Maison-Blanche, lentement accompagné des tambours voilés, comme tout est grave et doux, si lent, pas de bruit, on n’ose respirer, Mme Kennedy doit être à l’intérieur de cette voiture, puis travailler encore, essayer d’apprendre, oui il le faut, tout reste à faire.

Le soir, drame, coup de théâtre, Lee Harvey Oswald a été assassiné dans la prison, la barbarie n’a plus de limite, jusqu’où aller, tout semble si incertain depuis deux jours, tout est précaire, sapé, tout s’écroule, où en sommes-nous, assassinat de l’assassin présumé, comment croire en ce qui arrive ?

Le soir, le travail, la radio, le programme consacré à l’audition des œuvres aimées de Kennedy, j’entends la Musique du Grand Canyon que j’aimais tant enfant à Lorient, Mahalia Jackson, Ella Fitzgerald… les nouvelles, le cercueil est transporté au Capitole, où il est exposé sous la Coupole pour le public.

Il faut travailler ici à Paris, mais je suis à Washington, je vis au rythme des tambours.

***

25 novembre 1963

Le lundi matin, les filles qui sont sorties pendant le week-end rapportent des journaux : la photo de Jack Ruby tirant à bout portant sur Lee Oswald, j’ai voulu venger Jacqueline, Madame Kennedy debout près de ses enfants blonds, droite et grande pendant la cérémonie au Capitole, puis une autre où on la voit agenouillée devant le cercueil avec son beau-frère Robert.

Puis au cours de Philo, Catherine Le M. m’apporte le New York Herald Tribune, beaucoup de photos, rétrospective sur la vie du Président. Chevroton, notre prof, anticipe aussi sur la fatalité, la destruction du bonheur, Madame Kennedy vous étiez si heureuse, elle parle de la mort de Camus révoltante aussi mais plus compréhensible car Albert Camus n’était pas heureux avec sa femme, qu’en savait-elle Chevroton, elle n’épargne pas la pauvre Francine, que depuis j’ai rencontrée au théâtre dans les coulisses à une séance de Caligula, femme si douce si aimante si passionnée des œuvres de son mari, je reste interloquée devant cette façon de voir les choses pour un prof de philo.

Les actualités encore, je ne les regardais jamais avant, que se passe-t-il en moi, savoir, savoir, les images de Washington, le cercueil, c’est la première fois que nous le voyons, porté par des soldats, recouvert du drapeau américain, à l’entrée de la Maison-Blanche, sous le péristyle, les présidents Eisenhower et Truman, le président de la bombe H, il n’est pas mort lui, le cercueil porté par les pas lents des soldats, descendu marche après marche, Madame Kennedy apparaît, si grande, si belle, si digne, elle donne la main à ses enfants jeunes et blonds, vêtus de manteaux clairs,

Madame Kennedy vous étiez belle, derrière vous votre beau-frère, accablé, vous restiez droite, la tête haute, vous regardiez le drapeau étoilé, qui descendait à pas lents, le cercueil était déposé sur la prolonge d’artillerie, les chevaux, vous restiez immobile, la sonnerie aux morts, vous ne bougiez pas, le bruissement métallique des sabres dans l’air froid, les chevaux se mettaient en marche, tirant la prolonge d’artillerie, vous restiez là toujours droite, des voitures noires s’avançaient, la première s’arrêtait au bas des marches, vous descendiez, tenant par la main Caroline et John-John, Robert Kennedy derrière vous, vous faisiez asseoir vos enfants dans la voiture, vous étiez belle Madame Kennedy,

Pennsylvania Avenue, immense et longue, noble en ce matin du dimanche 24 novembre, le cortège lent, les chevaux, les soldats, les voitures, jusqu’au Capitole, où le cercueil allait être exposé au public…

L’après-midi cours de français, Monsieur Petibon parle aussi de l’assassinat, de la lettre choquante adressée par Madame Nhu (Première Dame du Sud-Vietnam de 1955 à 1963, NdA) à Madame Kennedy, puis il critique les Anglais, curieuse façon encore de faire l’éloge d’un peuple en dénigrant l’autre, il ne cesse de proclamer son amour des U.S.A. et sa haine du Royaume Uni. Décidément beaucoup de choses m’échappent chez les adultes qui savent.

Et puis composition d’Histoire et Géographie, je l’avais un peu oubliée, elle ne me semble pas importante. Sujet : le Texas, oui, bien sûr, le Texas, comment s’en sortir, je travaille, mais sans cesse mon esprit dépasse ma feuille de papier, les mots que j’écris, je suis loin, j’attends, bientôt Kennedy sera enterré, bientôt tout sera fini, avant même que je n’ai commencé de vivre…

Il est presque 6 heures de l’après-midi à Paris, il est presque 11 heures du matin à Washington. Le cercueil a été transporté du Capitole à la Maison-Blanche, car le Président doit se rendre au cimetière à partir de la Maison-Blanche, nous attendons, la télévision doit retransmettre en direct par satellite le film des obsèques, la salle de télé est pleine, je suis assise par terre, juste devant, près de moi Monique, 6 heures à Paris, 11 heures du matin à Washington, l’émission du satellite Relay commence en Mondovision, Jacques Sallebert parle, sa voix est feutrée, la foule au long des rues, il doit faire froid, les arbres fins et nus, frileux, le cortège est arrêté devant la Maison-Blanche, la foule, un bataillon de soldats irlandais, leurs cornemuses, des soldats des grandes écoles militaires, dont West Point sans doute, des chevaux, la foule, le cercueil là soudain tiré par la prolonge d’artillerie, derrière, Black Jack, le cheval noir piaffant, presque rétif, guidé par un soldat, le sabre et les bottes du Président fixés à la selle, à l’envers en signe de mort, un marin suit portant le drapeau américain étoilé, puis juste derrière vient Madame Kennedy encadrée de ses deux beaux-frères, derrière eux les autres membres de la famille Kennedy, le cortège s’ébranle, Madame Kennedy marche, le cortège s’arrête un instant, elle est grande et droite, son beau visage voilé de noir, elle se tient immobile, en tailleur noir, strict, sobre, avec de longs gants noirs, elle est grande, bras le long du corps, près d’elle à sa droite Robert Kennedy, je crois le connaître, il m’est familier, Madame Kennedy la tête haute, derrière elle la foule, elle ne la voit pas, elle regarde droit devant elle, la foule, une femme noire éclate en sanglots, le cortège s’ébranle, Madame Kennedy marche, près d’elle Robert, elle marche fièrement d’un pas noble, le talon en attaque.

Madame Kennedy vous étiez belle, une fois vous avez failli trébucher, Robert Kennedy vous a pris la main et vous avez continué la tête haute, sans faiblir.

Le drapeau américain sur le caisson tiré par les chevaux, je ne peux pas y croire, John Fitzgerald Kennedy est mort, il est là dans ce cercueil recouvert du drapeau de son pays, c’est pour lui que marche cette jeune femme dramatiquement belle, c’est pour lui que piaffe ce cheval noir, son cheval, pour lui, pour lui, Madame Kennedy marche et derrière elle, s’ébranle en rangs désordonnés l’immense foule des chefs d’état, des rois, des princes, des ministres, des présidents, dont notre De Gaulle, le plus grand, tous sont venus à Washington assister aux obsèques du Président Kennedy.

Le cercueil, les chevaux, le cheval noir seul, le drapeau étoilé du Président, Madame Kennedy vous étiez belle, vous marchiez sans faiblir, votre voile antique plaqué par le vent sur votre visage tiré, vous étiez si grande que nous ne voyions que vous, vous donniez parfois la main à Robert Kennedy, égaré, un peu voûté, la tête rentrée dans les épaules, tout se fait sans lui, il se laisse porter, il ne sait pas très bien où il est, il marche, je le connais depuis longtemps déjà, pourtant je ne l’avais jamais vu avant, qui est-il, je l’aime profondément, sans savoir, l’air est froid mais pur, le soleil suit la marche si grande de cette jeune femme si belle, Madame Kennedy vous étiez belle, je vous ai admirée follement, vous marchiez jusqu’au bout, droite, la prolonge d’artillerie s’arrêtait au pied des marches de la cathédrale Saint Matthews, vous vous arrêtiez, immobile en face du caisson drapé de la bannière étoilée, vous étiez là, grande sur la première marche, toujours près de vous Robert et Edward Kennedy. Le cortège s’arrêtait car vous vous arrêtiez. Vous vous détachiez, vous faisiez quelques pas vers une voiture et lentement vous reveniez vers vos beaux-frères, voilée de noir, sublime, vous reveniez en serrant contre vous vos enfants blonds, vous vous arrêtiez au pied des marches, encadrée de Caroline et John-John, vous restiez là, immobile, et moi je pleurais, vous étiez belle, je pleurais, je ne voyais rien, vous seule près de ces enfants sans père, vous seule Madame, je pleurais.

Monique se tournait vers moi sans comprendre, mais oui je pleure, je sais c’est ridicule hier encore je disais que ce n’était pas l’essentiel mais maintenant je pleure pour cette image tragique au-delà de l’imaginable. Le caisson et le drapeau étoilé, derrière Madame Kennedy, ses enfants, Robert Kennedy, je pleurais, vous étiez belle Madame, vous montiez les marches de la cathédrale, je pleurais, c’était fini, je pleurais, nous sortions de la salle, je ne voyais rien. Je montais, je n’y croyais pas encore, non ce n’est pas pour Kennedy que tout ça a eu lieu, ce n’est pas possible. Je ne le connaissais pas, Madame Kennedy non plus.

Dans le couloir, Joëlle parlait en souriant à demi de la Sainte Famille, je ne comprenais pas ce qu’elle voulait dire, Monique non plus. Nous rentrions dans sa chambre, dehors il faisait nuit, je passais ma main sur la vitre glacée, je ne parlais pas, Monique non plus, je balbutiais, ce n’est pas possible, je sortais, Monique ne me retenait pas, je rentrais dans ma chambre.

Là, j’ai pleuré, la tête appuyée contre ma table de travail, le livre d’Histoire, une photo de Kennedy avec sa femme, prise je crois lors du baptême de John-John, en novembre 1960, je pleurais sans savoir, sans comprendre, je pleurais sur le temps perdu, je pleurais.

Madame Kennedy vous étiez belle…

 ***

C’est à mon père jeune, que ressemblait Robert Kennedy, avec ses yeux bleus d’Irlande, bleus de Mer, je le vérifierai plus tard sur les photos familiales.

 ***

Repérages :

Lieux :
Chambres individuelles de l’internat du lycée Maurice Ravel
Salles de classe du lycée Maurice Ravel
Salle de télévision de l’internat

Villes :
Dallas, Washington, Paris

Camarades d’internat et de classe :
Monique Demarle, Mireille (de Terre-Neuve), Michelle, Evelyne, Joëlle, Alice, Béatrice Nhan, Catherine le Moal, Nicole Leyne, Anne.

Professeurs de la classe de Philosophie :
Monsieur Petitbon : français, Madame Chevroton : philosophie, Madame Canac, anglais

Personnalités citées :
Jacqueline Bouvier Kennedy, First Lady, John Fitzgerald Kennedy, Président assassiné le 22 novembre 1963 à Dallas, Texas, U.S.A., Bobby Kennedy, frère du Président, Attorney General (Ministre de la Justice), Lyndon Johnson, Vice-Président, devenu Président, ce jour du 22 novembre 1963,  Caroline Kennedy, presque 6 ans, John-John Kennedy, presque 3 ans, Lee Harvey Oswald, assassin présumé, abattu deux jours plus tard, Francine Camus, épouse de l’écrivain Albert Camus, Mahalia Jackson et Ella Fitzgerald, chanteuses de Negro-Spirituals, Ike Eisenhower et Harry Truman, les anciens Présidents,  Madame Nhu, Première Dame du Vietnam, Jacques Sallebert, journaliste en poste à Washington, en liaison avec Paris par Mondiovision, Général De Gaulle, Président français.

Technologie :
Radio portative à transistors, dite Transistor
Télévision en noir et blanc
Satellite Relay reliant Washington à Paris en Mondovision

Black Jack, le cheval noir du Président Kennedy, portant les bottes et le sabre à l’envers, en signe de mort au combat.

***

Texte disponible dans le cahier des débuts : Au Loin un Phare, 1960-65.

Copyright by Gaelle Kermen – 2013
ACD Carpe Diem, éditrice Marie-Hélène Le Doze

crepe-party au pot de fer pour la chandeleur 67

***
vendredi soir deux février 1967
crêpe-party au Pot de Fer pour la Chandeleur

De Aquamarine67

Marine à la terrasse du Buci, photo de Jacques Morpain, 1967

pas mal de monde dont beaucoup que nous ne connaissons pas comme d’habitude quand Marianne invite
en début de soirée j’ai ouvert la porte à Marianne qui arrivait avec des amis du Buci
derrière elle une fille
ainsi que
mais dans l’ombre du palier où n’arrive jamais la lumière je le reconnais
mais je vous ai vu déjà
il n’y a pas très longtemps
oui dans la rue
devant la Chope
j’achetais le Monde
c’est fantastic
il a dit c’est fantastic avec cet accent tonique à peine amerloque
sur la deuxième syllabe
qui est-il
Marianne a fait sommairement les présentations en bafouillant avec son charme bien à elle
Brendan est américain d’origine irlandaise comme son nom l’indique il fait une thèse à la Sorbonne vous vous êtes peut-être vus là-bas
Marine est bretonne toute mignonne elle fait de jolies robes et elle a des tas de pensées dans sa petite tête
Marianne savait toujours mettre les gens en contact et en valeur

il y avait au moins trente personnes assises par terre et sur le lit dans l’espace restreint du Pot de Fer
à manger des crêpes
bien sûr pour le folklore deux ou trois pseudo-beatniks plus ou moins beurrés ou camés
l’autre qui était l’autre mais j’oubliais déjà mon récent boy-friend petit bourgeois que ma robe courte gênait et qui ne pouvait s’empêcher de tirer sur l’ourlet comme si ça avait quelque importance
Brendan s’est assis par terre le dos contre un côté de l’armoire calme les mains ouvertes sur les genoux
yeux très bleu irlandais
il a dit aujourd’hui c’est mon anniversaire de naissance
le 2 février le jour de la Présentation du Seigneur au Temple
vingt-sept ans aujourd’hui
aquarius être de l’air pur et de la fraternité à partir des sources initiatiques
si j’ai bien compris ce premier soir il était à Paris depuis trois ans pour faire une thèse d’Université sur l’ascèse de l’esprit à la Sorbonne
à Paris Brendan cherchait Dieu
quand j’étais gosse en Bretagne au catéchisme j’avais appris que Dieu est partout et en tous lieux
Brendan cherchait Dieu dans les rues dans les visages rencontrés ou en lui-même
maîtrise de soi
recherche de Dieu
quand je lui ai parlé de l’Arche de Lanza del Vasto il a dit
il faut que j’aille là-bas

cette fascination qu’il exerçait déjà sur tous
même quand il se taisait
parce qu’il parlait peu Brendan
et toujours avec douceur
cette fascination qu’il exerçait déjà sur tous
au-delà des apparences
il était différent
ses vêtements
qu’avaient ses vêtements de si particulier
un peu fatigués peut-être dans la pénombre du Pot de Fer
son bonnet de laine il l’avait posé en haut de l’armoire où il est resté des mois dans l’épaisse poussière oubliée

quand je me suis réveillée le lendemain matin j’ai su que quelqu’un était venu à notre rencontre
quelque chose d’autre dans nos vies dans ma vie
un signe peut-être

***
Marianne le connaissait depuis pas mal de temps comme elle connaissait tous les américains de passage à Paris entre Montparnasse et Saint-Germain entre la Coupole et le Buci suivant certains itinéraires empruntés par Fitzgerald Hemingway ou Miller
Brendan elle ne s’était pas contentée de le rencontrer du côté de la Seine elle l’avait retrouvé l’été dernier chez des amis communs à Mikonos elle avait aussi dû partager la même chambre au fond du jardin dans l’île
Brendan étudiait le zen et passait ses journées en méditation sur des dessins ésotériques
Marianne avait le droit de faire la bouffe le ménage et surtout de se taire
beaucoup de problèmes Brendan disait Marianne qui s’y connaissait en problèmes à l’époque il était complètement fou en crise grave
après Mikonos ils s’étaient perdus de vue la bouffe le ménage le silence et les petits dessins zen c’était trop pour Marianne elle savait seulement qu’il était resté huit jours à Délos seul huit jours et huit nuits sur les plages désertes de Délos
puis elle l’avait retrouvé vers le Buci ou la Contrescarpe et hier elle avait pensé qu’il irait très bien dans le cadre du Pot de Fer qu’il nous manquait ce genre d’échantillon sociologique pour parfaire nos Pot-de-Fer-parties on avait eu pas mal de peintres poètes musiciens et tout et tout mais jamais encore de mystiques

Anne avait déjà rencontré Brendan un soir d’hiver à la Chope avec Marianne elle avait été impressionnée en apprenant qu’il avait passé huit jours seul à Délos son rêve

après le départ d’Anne Brendan avait demandé à Marianne
avec son sale accent du sud

est-ce qu’on peut baiser avec elle

mais comme disait Marianne qui s’y connaissait
beaucoup de problèmes avec les nanas Brendan

© gaelle kermen 2011

Extrait de Aquamarine 67 de Gaelle Kermen

aquamarine67 ready for ipad by smashwords

La sortie de l’iPad est prévue pour demain, samedi 3 avril.

Apple iPad Store product-wifi © Apple
Apple iPad Store product-wifi

L’iPad a reçu beaucoup de moqueries, genre « bah il n’a même pas de prise usb ! », qui m’ont rappelé celles qui avaient accueilli le premier iMac en 1998, genre « bah il n’a même pas de lecteur de disquettes ! ». Qui utilise encore les disquettes ?

Malgré ça, l’iPad avant sa sortie a déjà changé les comportements, et toutes les grosses entreprises ont prévu d’y être. Même Amazon, concurrent direct, sort son application Kindle pour être lue sur l’iPad. Même Adobe, dont le Flash est méprisé, développe pour l’iPad.

Sauf les éditeurs français qui boycottent Google, Amazon et Apple, au lieu de négocier !!!

Moi, dans mon coin, tranquille, au fond des landes et des bois, je me suis dit que c’était le moment de publier mes écrits sur ce support, sans attendre que des éditeurs français sortent de leur torpeur et comprennent que c’est maintenant qu’il faut prendre la mer.

J’ai trouvé un éditeur californien, qui a tout mis en route, tout est prêt pour la sortie de l’iPad…

Mon premier roman de jeunesse est déjà disponible sur Smashwords :

De Aquamarine67

Book : Aquamarine 67
Author : Gaelle Kermen (gaellekermen)
Publisher : Smashwords Inc.
Published : 2010-03-10
ISBN : 978-1-4523-0101-3
ISBN assigned : 2010-03-28

1 avril 2010 : examen par Apple pour l’expédition sur l’iBook Store

Et je pense déjà à tous mes Cahiers, ceux de chantier et de jardin notamment, que je vais pouvoir publier, avec des illustrations, au format ePub.

Que de projets en perspective !
J’aime vraiment ça !!!

PS 3 avril : Aquamarine 67 is shipped on iPad !
mais impossible de le voir sur le catalogue US à partir de la France.
On peut toujours le trouver sur :
http://www.smashwords.com/books/view/10864
© gaelle kermen 2010

5 raisons de publier sur smashwords

5 premières raisons de s’autopublier sur smashwords

Self Publish on Smashwords
Self Publish on Smashwords

Aquamarine 67 est publié sur Smashwords.

J’ai trouvé ce que je cherchais, depuis bientôt quinze ans, un bon éditeur de livres numériques.

1) Site parfaitement organisé

Je suis très heureuse d’avoir choisi ce site pour publier aquamarine 67 parce que c’est la première fois, depuis quinze ans que je publie sur internet que je vois un site aussi bien fait, aussi bien pensé, aussi bien réalisé. Autant j’ai pu râler contre la plate-forme digitale d’Amazon, autant là à chaque pas, j’ai été admirative. Le meilleur compliment que je puisse faire à Mark Cover, le créateur de Smashwords c’est :  » Je n’aurais pas fait mieux !  »

Tout est formidablement organisé, cadré, prévu, négocié, structuré, tout au long de la création du compte auteur, que pour la publication des ouvrages.

2) Tous les formats prévus

Lorsque l’on télécharge son manuscrit au format .doc (disponible par Open Office si comme moi on ne veut pas utiliser l’usine à gaz de Word) ou .rtf, impeccable pour la MacManiaque que je suis, qui saisis des millliers de pages avec le tout petit TextEdit de base, la conversion se fait en tous les formats possibles et existants à ce jour.

Le site évolue avec les besoins et les technologies avec une grande réactivité. Tout est déjà prévu pour l’iPad qui n’est pas encore sorti. Il est vrai que le format choisi par Apple est le format ePub, en open source, un format que j’aime bien, agréable à mettre en oeuvre. J’y reviendrai dans mes futurs posts.

L’eBook est disponible dans tous les formats numériques : HTML, Javascript, Kindle mobi, Epub, PDF, RTF, LFR Sony, APB Palm Doc, il est donc lisible par toutes les liseuses (Amazon Kindle, Sony ou iPad, iPod, iTouch, etc) et tous les ordinateurs ou notebooks. La présentation est claire et la lecture en est confortable.

3 Distribution chez les grands détaillants

Smashwords distribue ses livres aux nombreux détaillants en ligne d’ebooks, incluant Amazon, Apple, Barnes & Noble, Kobo, Sony, et d’autres.

On pourra donc trouver Aquamarine 67 sur ma page Smashwords mais aussi très bientôt dans tous les catalogues d’ebooks en ligne.

4) Royautés plus intéressantes

Smashwords assure à ses auteurs des conditions bien plus intéressantes que ne le fait Amazon, qui propose 30% de droits d’auteur.

Ce n’est pas ce qui me motive pour écrire, mais ça a du sens.

Les droits d’auteur varient de 80%, si le livre est acheté sur ma page, à 42% sur les grands supports affiliés. Ce qui est bien plus que ce que touche un auteur de livre en papier.

royautes aux auteurs
royautes aux auteurs
Royautes aux auteurs
Royautes aux auteurs

5) Respect de l’écologie

J’aime le slogan de Smashwords : Sauvez un arbre. Publiez plutôt en ligne.

Save a tree. Publish online instead.
Save a tree. Publish online instead.

J’agrée complètement. Je suis tellement choquée du « désherbage » fait dans les bibliothèques, dès qu’un sujet devient obsolète, horrifiée de savoir que des livres sont mis au pilon si le succès n’est pas tout de suite au rendez-vous, scandalisée de savoir que des bennes entières partent aux déchetteries. J’ai trop de considération pour les livres pour accepter ça. C’est pourquoi je suis fière oui de publier mon premier livre sur Smashwords.

Author : Gaelle Kermen, Tittle : Aquamarine 67, Publisher : Smashwords Inc, ISBN : ISBN 978-1-4523-0101-3

http://www.smashwords.com/books/view/10864

© gaelle kermen 2010