Clandestine 70 londres avant le festival de wight août 1970

londres dans le soleil du mois d’août

Extrait du Journal 70 publié sous le titre Clandestine 70 (sortie en septembre 2020)

du côté de kensington gardens
londres et hélène retrouvées
londres et des relents d’enfance dans les odeurs rencontrées nulle part ailleurs
londres et mon asthme évidemment
besoin d’aller consulter à saint mary abbots hospital
ma fatigue

l’envie alors de ne rien voir
j’attendais chaque soir le retour de hélène

je me suis mise à tirer les tarots comme une folle
chaque fois dans le jeu revenait une carte gênante et je savais que c’était zabeth
mais le soleil était là aussi et j’allais gagner

nous parlions beaucoup hélène et moi
quand bruno ne comprenait pas quelque chose qu’il voyait ou entendait il nous demandait et nous lui expliquions
l’histoire de la vierge marie pour expliquer la virginité était sublime comme exemple d’impuissance d’adultère et d’immoralité déguisés
depuis si longtemps qu’on nous raconte ça

hélène retrouvée c’était comme une ancienne vie revenue
c’était le même brillant la même folie verbale et mentale
le même amour

je savais que j’avais besoin de ça avant de me plonger dans une autre vie à venir
une vie différente
sans doute plus équilibrée

je suis aussi allée voir élise
elle habite à barnes en dehors de londres dans la presque campagne si douce en angleterre avec les champs les ruisseaux et les mares aux canards en plein village
élise était belle et sereine
sécure elle a dit
elle se sent sécure
auprès de peter son futur mari irlandais qu’elle épouse le 6 septembre

l’après-midi s’étirait doucement avec le thé préparé par élise dans les règles de l’art
nous avons beaucoup parlé d’ava qui reste pour nous la plus belle femme que nous ayons connue avec son étrangeté et ses défauts sublimes
il ne manquait qu’ava parmi nous
depuis trois ans à l’époque d’aquamarina

hélène avait cru l’apercevoir un jour à londres mais avait pensé rêver
c’était sans doute elle si j’en crois ce qu’on nous a dit à bomarzo
comment la retrouver
c’est inutile sans doute

tout a changé
nous nous revoyons calmement mais nous avons changé
pourtant nous nous aimons toujours

élise pense que cette année toutes nos vies vont se stabiliser
elle se marie
moi je ne vais pas tarder à le faire aussi pense-t-elle
et elle souhaite à hélène de retrouver yannis
c’est la seule chose possible
et impossible
pour un amour trop fort pour vivre
aussi fort que la haine
fait de désespérance et de violence
comparable à rien d’autre
en dehors de toute norme humaine

élise était belle
peter était beau
ils s’harmonisaient étrangement en cette fin d’après-midi anglaise au jardin d’un pub devant la mare aux canards

élise à l’incroyable vie
élise aux yeux brillants des fumées de haschich
élise qui sereinement faisait des voyages au l s d
élise que rien n’étonnait jamais
élise qui aimait tout le monde et ne jugeait personne
comme brendan
mais pas par les mêmes moyens que lui
elle par le partage des corps
lui par l’ascèse de l’esprit
élise à qui la tante d’ava avait dit
ne perdez jamais le contact avec marine elle vous protège parce qu’elle est elle-même protégée
élise qui s’était dévoyée
élise qui se camait
élise qui aurait pu se perdre
élise la douce
élise la tendre
élise la majestueuse
élise était la plus pure d’entre nous
son amour universel rayonnait toujours par son demi-sourire boudhique et ses yeux plissés de compassion

Gaelle Kermen
Londres 26 août 1970

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